Amnesty International et Les Amis de la Terre ont porté plainte en bonne et due forme hier, contre le géant pétrolier Shell pour violation des Principes directeurs pour un comportement responsable des entreprises édictés par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les deux organisations affirment qu'en publiant des informations discréditées et trompeuses visant à attribuer la responsabilité de la majeure partie de la pollution à ceux qui sabotent ses opérations dans le delta du Niger, Shell bafoue les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales. La plainte a été déposée auprès des points de contact nationaux de l'OCDE au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. "Le recours de Shell à des informations inexactes et trompeuses pour attribuer à des actes de sabotage la majorité de la pollution pétrolière dans ses installations du Delta constitue une infraction aux directives de l'OCDE aux entreprises multinationales", souligne leur communiqué. Cinquante ans d'exploitation des champs pétrolifères du Nigeria "ont laissé un héritage épouvantable de dégâts à l'environnement", ajoute-t-il. "L'eau utilisé par la population pour la pêche et l'alimentation est polluée par le pétrole, les terres agricoles et le bétail ont été détruits", souligne le communiqué. Les activités de Shell au Nigeria, et leur impact sur l'environnement et les droits de l'homme, doivent faire l'objet d'un débat devant le parlement néerlandais mercredi, selon le communiqué. Le Nigeria, huitième exportateur de pétrole au monde, a enregistré au moins 3.000 fuites de pétrole de 2006 à juin 2010, selon son ministre du Pétrole John Odey. Shell, qui avait admis dans les années 1990 sa responsabilité dans de nombreux cas de pollution dans le delta du Niger, "dénonce (maintenant) des actes de sabotage", relèvent les deux ONG. Selon la loi nigériane, les dégâts causés par les actes de sabotage ne donnent lieu à aucune compensation. Les ONG accusent Shell de "faire état de données trompeuses destinées à montrer que 98% des fuites de pétrole ont été causées par des actes de sabotage". "Les données de Shell manquent totalement de crédibilité", a déclaré Audrey Gaughran, chargée des questions internationales à Amnesty, qui a aussi mis en cause le "manque d'indépendance" du système d'enquête sur les fuites de pétrole. Shell a réagi au communiqué des ONG en soulignant avoir informé de tous les cas de fuites de pétrole depuis 1996. "Chaque fuite fait l'objet d'une enquête indépendante par une équipe d'inspection comprenant SPDC (Shell), le DPR (Departement des ressources pétrolières) et des membres des communautés qui se mettent d'accord sur les causes et le volume de la fuite", a-t-il souligné. "Nous contrôlons régulièrement des fuites, et nos observations contredisent régulièrement les informations fournies par Shell", a déclaré en réponse le directeur de Friends of the Earth Nigeria, Nnimmo Bassey, également président de Friends ef the Earth International. "Plusieurs études attribuent une bonne partie des fuites dans le Delta aux compagnies pétrolières, particulièrement à Shell", a ajouté M. Bassey. Nnimmo Bassey, directeur général des Amis de la Terre Nigeria et président des Amis de la Terre International, a déclaré : " Nous surveillons régulièrement les déversements et nos observations contredisent souvent les informations livrées par Shell. Plusieurs études désignent comme principales responsables des déversements pétroliers dans le delta du Niger les compagnies pétrolières, et plus particulièrement Shell. Shell doit assumer ses responsabilités et nettoyer les zones qu'elle a polluées dans notre pays. " En dépit de demandes répétées, Shell n'a jusqu'ici pas précisé sur quoi se fondent les chiffres publiés ni comment l'entreprise a recueilli les données. En outre, Amnesty International et Les Amis de la Terre ont recensé des exemples de cas dans lesquels Shell a prétendu que la cause du déversement était le sabotage, mais où cette affirmation a par la suite été remise en question par d'autres enquêtes ou par les tribunaux. En 2009, Shell a été contraint de rectifier des informations mensongères sur la cause des déversements de pétrole. Après avoir affirmé à maintes reprises que 85 % de ces déversements en 2008 étaient dus au sabotage, il a annoncé que la réalité était plus proche des 50 %. Ces 85 % pas plus que les 50 % n'ont été dûment explicités. En outre, Shell n'a pratiquement rien fait pour corriger l'impression erronée créée par sa très large utilisation de ce pourcentage très élevé.