à peine six mois après son trépas dû à une foudroyante cirrhose, le théâtre régional Abdelkader Alloula d'Oran, s'apprête à célébrer mardi prochain, l'œuvre d'un homme de lettres à la réputation équivoque, Tahar Ouettar. Ce rendez-vous littéraire est le premier colloque post-mortem consacré à l'écrivain sous le titre très glorieux de " Des bougies qui ne s'éteignent pas ". Il y aura bien évidemment lors de cette manif qui durera trois jours, des communications présentées par des hommes de lettres, des universitaires et des chercheurs qui se sont penchés de la manière la plus intime sur l'œuvre ouettarienne. Tahar Ouettar est d'ailleurs présenté par les organisateurs rhétoriquement et pompeusement "l'un des pionniers de la littérature algérienne moderne, qui a contribué à sa promotion et à l'enrichissement du paysage culturel en Algérie". Bien avant lui, il y eut dans les siècles précédents Apulée de Madaure, puis dans les années 30, Fadhma Ait Mansour. Organisée par la direction de la culture d'Oran de concert avec l'association culturelle "El Jil", cette rencontre ambitionne de rendre plus proche l'œuvre de l'auteur de l'AS, notamment avec des récitals poétiques, des lectures littéraires et des partitions musicales de luth ainsi qu'une exposition des œuvres de l'auteur du récit "Le Pêcheur et le Palais " ; ou encore de la pièce à succés "Les martyrs reviennent cette semaine. " En plus de ces récitals, des conférences sous le titre " Tahar Ouettar, la bougie qui ne s'éteint pas", "La tendance religieuse dans les écrits de Ammi Tahar" ainsi qu'un travail de recherche seront exposés durant ce rendez-vous. Pour les organisateurs, ce premier colloque dédié à Tahar Ouettar entre dans le cadre du programme culturel de proximité pour 2011, initié par la maison de la culture d'Oran qui accorde un grand intérêt à la littérature, compte tenu de son rôle dans la relance des autres expressions culturelles et artistiques. Il est d'ailleurs prévu dans le second rendez-vous du genre, un autre hommage posthume au journaliste Bakhti Benaouda. à noter que cette manif sera clôturée par la remise des trophées du concours de poésie auquel ont participé plus d'une trentaine de poètes en herbe. Un écrivain moraliste En octobre dernier, se tenait à Annaba la première conférence nationale dédiée au regretté écrivain Tahar Ouettar . Des 'hommes de lettres et d'universitaires ainsi que d'invités de divers horizons professionnels, avaient participé à cette rencontre qui s'est déroulée au théatre régional de la ville. Il y a deux ans, durant le Salon national du livre d'Alger, le syndicat national des éditeurs du livre (SNEL) lui a rendu un vibrant hommage dès son retour de la capitale parisienne où il était en convalescence. Trépassé à l'âge de 74 ans d'une maladie longue et lourde, Tahar Ouettar n'a jamais cessé d'apparaître dans les rendez-vous officiels eurent-ils un rapport infime avec la littérature. Arabophone et profondément croyant, il y a toujours eu des frictions entre lui et certains auteurs francophones qui lui reprochaient ses accointances avec les pouvoirs en place. N'avait-il pas dit lors d'une conférence que Tahar Djaout était une perte pour la France ? C'était en 2007 et certains intellectuels l'ont très mal pris. Tout de même, avec Benhadouga, Tahar Ouettar serait l'un des rares écrivains algériens d'expression arabe de la période coloniale. Ses récits comme "Ezilzel" (Le séisme, Sned 1974), sont même enseignés dans les universités de langue algérienne. Ce roman porte d'ailleurs, le titre d'un des versets coraniques en rapport avec le séisme et qui est intégralement reproduit dans ce texte. L'œuvre de l'écrivain qui a trépassé le 01 août 2010 est traduite dans plus de 14 langues, mais pour la majorité des algériens il reste méconnu. Notes biographiques Tahar Ouettar est né à Sedrata un petit village de l'Est algérien en 1936. il disait d'ailleurs, à ce propos, comme dans une œuvre biographique : " Je suis né dans un douar de la campagne, d'une famille qui comptait quatre garçons, mon père en a mis deux à l'école de langue française, deux à l'école en langue arabe. J'ai vécu dans la pureté de l'existence, nourri du spectacle des collines sur lesquelles tombait le crépuscule, jouant de la flûte derrière les brebis et les oies. J'ai été témoin de l'herbisme. Ma mère accouchant toute seule, ma mère encore montant la garde la nuit sur le toit. J'ai saisi le sérieux de la nature et des hommes qui m'entouraient. Dans le Coran que j'apprenais par cœur, j'ai reconnu l'éloquence et la beauté. Ceci se passait avant la Révolution ; depuis, d'autres facteurs sont venus enrichir ma personnalité ". Il s'installe après à M'daourouch , où il a vécu la meilleure période de son parcours. " Là, il a découvert une autre société, des vêtements et une langue étranges et une autre façon de vivre. Il se mit à méditer tout en apprenant ou en enseignant le Saint Coran ". Il rejoint ensuite l'école de l'association des Ulémas qui a ouvert en 1950, et il se distingue parmi les meilleurs élèves. Après l'école de cette période, les études le conduisent successivement à l'Institut Ben Badis de Constantine puis à la Zitouna de Tunis (début 1954) . Durant les années 50, il adhère au socialisme en lisant les récits épiques. Fin des années 80, au moment où notre théâtre connaissait son apogée, l'une des œuvres devenue phare de Tahar Ouettar a été adaptée au théâtre : Il s'agit de "Les martyrs reviennent cette semaine", une pièce montée par Ziani Cherif Ayad avec Sonia et qui a tourné, des années durant, dans nos salles en raflant même un prix au festival de Carthage. Pour le cinéma, il y a eu l'adaptation de Noua, inspirée de Dukhan fi Qalbi (fumée dans mon cœur)qui fut adaptée à un film produit par la télévision algérienne et a reçu plusieurs prix. Sa pièce théâtrale Al Harib, s'est produite au Maroc et en Tunisie. Parmi les plus connues de ses œuvres, il y a " Noces de mulet " Roman, (Beyrouth 1980), Expérience amoureuse - Roman Alger 1989, Aimer et mourir à l'ère harrachite - Roman - Alger 1978, La Bougie et les cavernes, Roman Alger 1995 etc . Son parcours d'écrivain a commencé en 1955, avec la publication de nouvelles dans la presse tunisienne. Son premier roman "L'As", qui a connu un immense succès, est paru en 1971, inaugurant ainsi une série d'ouvrages littéraires. Il a présidé depuis 1989 l'association culturelle Al-Jahidhya et a continué à le faire malgré la détérioration de son état de santé, ces dernières années. Ancien directeur général de la Radio nationale, le défunt a été également journaliste dans plusieurs journaux d'expression arabe comme Echaâb.