Ruée ce mardi, un après-midi de relâche scolaire, des chérubins au Palais de la culture Moufdi Zakaria de Kouba. Noire de monde la salle, phénoménale ! Les petits s'asseyaient sur les genoux de leur maman, contre les épaules de leur papa; ils prenaient place sur les estrades de cet espace qu'on n'a jamais vu aussi plein. Pourtant, le rendez-vous culturel est anodin : présentation d'une pièce de théâtre toute verte qui s'appelle, "Etimsah el harib " littéralement "Un crocodile en fuite." Montée avec une subvention du ministère de la Culture, cette pièce est une initiative de l'association féminine Essada de Reghaia, avec à sa tête sa présidente, Said Nacira qui fut d'ailleurs tout émue par autant de monde. "On a mis à la disposition des enfants des bus scolaires, d'autres sont venus tout seuls, la radio El Bahdja nous a beaucoup aidé " soutient la présidente. Il faut dire que le décor de la pièce est des plus puérils : un portail couleur pomme verte qui rappelle avec insistance les portes de nos crèches publiques, derrière lequel se trouve emprisonné un crocodile en vert et blanc qui rappelle lui aussi le crocodile de la futée Dora. Pas de grand jeu non plus. Ce théâtre est un théâtre amateur ou plutôt scolaire et met en scène des comédiens sélectionnés parmi les classes de notre enseignement moyen. Ils étaient en blouse, le cache- misère bleu exigé par l'administration de l'enseignement moyen et secondaire. Les dialogues excessifs favorisent la mime et la morale plutôt qu'une verve travaillée. Une drôle de " fliquette " se déguise comme dans nos sketchs des années 50 en homme ; elle portait un imperméable blanc sale comme l'exigent les clichés largement imposés par les séries américaines et avait une petite moustache noire. Comme si une femme devait " s'élever " au rang d'homme pour accéder au rôle de commissaire. Décevant pour une initiative féminine. Mais derrière ce déguisement, on cherchait sans doute un effet immédiat : le rire. Trop facile et trop indélicat. Les enfants eux, prendront tout pour argent comptant. Chose essentielle, l'objectif de la pièce est de sensibiliser les mômes à respecter l'environnement. C'est une pièce verte et çà les mômes l'ont compris. "Il ne faut pas arracher les fleurs, briser les arbres …. " déclare le petit Nouar Kherkhachi Rachid, venu avec sa maman du primaire des Annassers voisin. "ça m'a plu et s'il faut revenir je reviendrais " décide- t-il du haut de ses 11 ans. Un autre chérubin aux lunettes épaisses et au visage de bon élève déclare que lui, il reviendrait juste " pour voir les scènes de bagarres, malheureusement très brèves dans la pièce." Il a douze ans et lui aussi a compris que le message du " Crocodile en fuite " était Vert. Une petite fille dans une robe fleurie a beaucoup aimé le "Timsah " (Crocodille). "On croirait qu'il était vrai quand il se mouvait dans cette espèce de grenouillère vert et blanc. à la fin, c'était un adolescente " se désole la môme de huit ans. Les grands aussi étaient contents. Les femmes filmaient dans la salle, leurs petits rejetons rieurs à la moindre note musicale festive. " Y a plus de personnes âgées que d'enfants " remarque une responsable d'une école de formation dans le centre d'Alger. " Le théâtre c'est pas mon truc, je la fais ça pour les enfants " dit une jeune enseignante du primaire qui accompagnait deux bouts de choux, une fille et un garçon. Qui a dit que le théâtre ne prenait pas ? Faute d'espace de détente, c'est sans doute sur ce créneau qu'il faut miser pour développer les sens d'une génération en mal de Culture.