Même si l'Algérie peut se targuer d'avoir enregistré des avancées en matière d'emploi féminin et d'être l'un des rares pays où pour un travail égal, hommes et femmes un salaire égal, certaines formes de discrimination subsistent encore. Les différents rapports élaborés par les institutions publiques font ressortir le fait que les femmes sont les plus exposées au travail informel, et ce malgré les dispositions prises par les pouvoirs publics afin de faciliter l'accès des femmes au microcrédit, notamment dans le cadre du dispositif Angem. Aussi, il y a des femmes chefs d'entreprises qui sont confrontées à des contraintes de diverses natures, l'action d'entreprendre au féminin en Algérie relève souvent du "parcours du combattant", en raison des "mille et une" entraves bureaucratiques et mentales, liées aux supposés handicaps de la femme pour monter son entreprise. Des difficultés dans l'accès aux crédits et au foncier industriel, à l'absence quasi-totale sur les marchés publics, sont autant d'obstacles rencontrés par toute femme voulant conjuguer au féminin le développement économique, reconnaissent ces femmes managers. Dans ce sens, Khadija Belhadi, chef d'entreprise et présidente de l'Association algérienne managers d'entreprises (AME), a estimé, hier, qu'"il s'agit en effet des mêmes contraintes auxquelles sont confrontés tous les porteurs de projets, mais le fait d'être une femme complique davantage les choses", et d'ajouter qu'"être une femme demeure la principale entrave dans la création ou le développement d'activité économique génératrice de richesse et d'emplois, vis-à-vis de l'administration et aussi par rapport aux clients et fournisseurs". "De même, certains managers ayant participé à des marchés publics par des offres très compétitives n'ont jamais pu décrocher un marché", a-t-elle déploré, relatant plusieurs expériences dans ce cadre dont celle d'une propriétaire d'atelier de fabrication d'équipements pédagogiques dans la banlieue ouest d'Alger. Et pour cause, Mme Belhadi a insisté sur "la mentalité" de certains responsables convaincus que la tâche de gérer les affaires et mener les hommes "est exclusivement réservée à la gent masculine". "C'est à cause de ce genre de mentalités que des femmes n'ont pas pu obtenir des crédits nécessaires pour leurs activités ou ont été privées de marchés", a-t-elle souligné. Mme Belhadi a, toutefois, refusé d'imputer ces anomalies à la législation en vigueur. "La législation n'a jamais été une contrainte. L'Algérie peut se vanter d'avoir l'une des meilleures réglementations au monde en matière d'égalité entre les deux sexes dans tous les domaines", assure la présidente de l'AME, ajoutant que le problème réside dans l'application de cette législation sur le terrain. Notons, par ailleurs, que la directrice de la population et de l'emploi auprès de l'Office national des statistiques (ONS), Amel Lakehal, a estimé, hier, que le niveau d'instruction universitaire constitue en Algérie, à l'instar des économies modernes et développées, un facteur décisif pour l'accès de la femme au marché de l'emploi. Grâce à une scolarisation massive des filles, un recul de l'analphabétisme et le nouveau paysage socio-économique, la femme algérienne est de plus en plus présente dans le monde de l'emploi, représentant 15,1% de la population occupée totale en 2010, contre seulement 5,2% à l'indépendance, selon les chiffres de l'ONS. L'effectif des femmes occupées est passé de 90.500 au lendemain de l'indépendance à 1.474.000 en 2010, a expliqué Mme Lakehal à l'APS, relevant que cet effectif a été multiplié par 8 en l'espace de trois décennies (entre 1977 et 2010). La population active en Algérie est estimée à près de 10.812.000 personnes, dont 1.822.000 sont des femmes, soit 16,8% de la population active. Le taux d'activité économique (taux de participation à la force de travail), défini comme étant le rapport entre la population occupée, les chômeurs et celle âgée de 15 ans et plus, est estimé à 41,4% dont 68,9% pour les hommes et seulement 14,2% pour les femmes. Un taux "dérisoire" par rapport aux pays développés où ce taux avoisine 50%, commente la responsable. Sur ce taux d'activité économique féminin (14,2%), 68,3% sont des femmes diplômées de l'enseignement supérieur et 39,9% ont un niveau d'instruction supérieur, selon la dernière enquête sur l'emploi et le chômage réalisée par l'ONS. Mme Lakehal explique que la ventilation du taux d'activité, selon le niveau d'instruction et le sexe, fait ressortir que "le taux d'activité économique chez la femme est fortement corrélé à son niveau d'instruction". Les facteurs explicatifs de cette progression, selon cette responsable, se résument essentiellement à l'évolution notable de l'intégration de la femme dans le monde du travail, la scolarisation massive des filles, et l'arrivée sur le marché du travail de générations plus instruites. Le taux d'activité augmente pour atteindre 15,5% auprès de la catégorie 20-24 ans, mais atteint sa valeur maximale auprès des 25-29 ans (1 femme sur 4 est active), puis décroît progressivement auprès des générations plus âgées. Quant au taux d'emploi, défini comme étant le rapport entre la population occupée et la population en âge de travailler, il est de 37,6% dont 63,3% pour les hommes et 11,5% pour les femmes. D'autre part, il est à relever que la gente féminine est plus touchée par le chômage, puisque son taux a atteint 19,1% en 2010, alors que la moyenne nationale était de 10%, selon l'ONS. Ce qui dénote, selon Mme Lakehal, ''la difficulté des femmes à accéder à un poste d'emploi, en dépit de leur effectif nettement plus réduit dans la population active, et leur niveau d'instruction plus élevé''.