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Le gouvernement fait machine arrière
Code des marchés publics
Publié dans Le Maghreb le 13 - 03 - 2011

Le code des marchés publics vient d'être amendé pour la seconde fois en moins d'une année. Dans le but de limiter la corruption et afin de protéger les deniers publics, le gouvernement avait publié au mois d'octobre dernier un nouveau code des marchés publics, qui était censé combler les lacunes en la matière et entériner, de façon définitive, les dispositions prises dans le cadre de la loi de finances complémentaire pour 2010 imposant aux soumissionnaires étrangers d'investir dans le même domaine d'activité du marché et dans le cadre d'un partenariat donnant la majorité à l'actionnariat national. Or, le nouveau texte a eu un effet pervers. D'abord par le fait qu'il imposait le recours au code des marchés publics et aux procédures d'appels d'offres systématiquement lorsque l'argent de l'Etat est mis à contribution, ce qui élargissait le champ d'application non seulement aux administrations publiques mais aussi aux entreprises publiques économiques qui étaient censées être régies par les règles de commercialité et le code du commerce.
Les nouvelles dispositions avaient alors pour effet de compliquer pour les entreprises toute procédure d'achat et de fourniture, même lorsqu'il s'agit d'acquérir de simples consommables, voire même des intrants pour les chaînes de production. L'autre effet pervers concerne l'obligation d'investir pour les soumissionnaires étrangers, lesquels se sont vu fermer la porte aux marchés publics, notamment à cause de la difficulté de trouver des partenaires nationaux résidents qui pourraient avoir les capacités nécessaires pour s'engager dans certains projets de grande envergure. Résultat des courses, tous les programmes de développement ont été bloqués, et l'activité économique nationale a été marquée, ces derniers mois, par une certaine morosité.
Le gouvernement, qui a fini par se rendre compte que le texte régissant les marchés publics est tout, sauf réaliste, a fini par faire machine arrière. Il faut savoir, dans ce sens, que des rumeurs faisaient état, depuis quelques mois, d'une instruction non officielle pour surseoir à l'application du nouveau code, jusqu'à ce qu'il soit amendé, ce qui vient d'être fait d'ailleurs, permettant ainsi de faire sauter de nombreuses barrières. Dans ce sens, Lyès Hamidi, docteur en droit et directeur de l'Institut de développement de l'entreprise et de gestion, a estimé que le décret présidentiel n°11-98 du 01 mars 2011 modifiant et complétant le décret présidentiel n°10-36 portant réglementation des marchés publics, est caractérisé par "une véritable évolution". "Il y a un assouplissement certain, à l'adresse des soumissionnaires étrangers, dans la procédure d'appels d'offres internationaux, est envisagé par les nouvelles dispositions. La souplesse du nouveau texte, apparaît à travers une lecture fine du contenu du décret présidentiel modificatif". Il a également affirmé que "cette réflexion, exprimée par ce nouveau texte, s'inscrit, de manière certaine, dans l'évolution de l'économie mondiale et des engagements internationaux de l'Algérie. Il y aurait lieu d'accompagner cela d'un assainissement du climat des affaires qui ne s'accommode pas d'un environnement bureaucratique, sclérosant et paralysant".
L'obligation d'investir n'est plus systématique
L'expert, qui a rappelé toutes les contraintes que posait le décret présidentiel n°10-36 du 07 octobre 2010 portant réglementation des marchés publics aux soumissionnaires étrangers, a mis en avant le fait que dans l'ancien texte, l'offre du soumissionnaire étranger devait systématiquement s'accompagner de l'acte d'investir, dans le cadre d'un partenariat, dans le même domaine d'activité, avec une entreprise de droit algérien dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents (selon la formule 51-49). De plus, l'étranger est soumis à un certain nombre de sanctions sévères pour non-respect du cahier des charges. Et d'ajouter que "ces dispositions n'ont pas été du goût des soumissionnaires étrangers qui ne comprennent pas ces révisions juridiques hâtives et soudaines ainsi que l'atteinte à la liberté d'investir, conformément au code des investissements". Dr Hamidi a également indiqué que "l'acte d'investir dans le cadre d'un partenariat est difficile à réaliser dans certains domaines d'activité ayant une technicité et un savoir-faire particuliers. Il est, dès lors, difficile d'adhérer à l'idée de partenariat avec des nationaux résidents n'ayant aucune connaissance et aucun know how dans ces domaines. En effet, comment accepter d'octroyer un capital aussi élevé à des partenaires sans expérience et sans savoir dans des investissements complexes et difficiles à réaliser, au regard de leur technicité". Il considère, aussi, que ceci est d'autant moins aisé à accomplir que le soumissionnaire doit s'adresser à des nationaux résidents et uniquement à eux. Ce qui semble exclure les nationaux non résidents, qui eux disposent le plus souvent de connaissances et d'apports financiers susceptibles d'accompagner l'acte d'investissement. L'expert estime, par ailleurs, que le soumissionnaire étranger pourrait alors s'associer, plus aisément, à cette catégorie d'investisseurs (nationaux non résidents), ayant la même capacité managériale et la même vision stratégique de l'entreprise. Il a recommandé, dans ce sens, d'intégrer les Algériens non résidents au développement de l'économie nationale. Or, après amendement, l'obligation d'investir n'est plus systématique. Ainsi, Dr Hamidi rappelle que dans le nouveau texte les projets devant donner lieu à l'engagement d'investir sont fixés par décision de l'autorité de l'institution nationale de souveraineté de l'Etat, de l'institution nationale autonome ou du ministre concerné pour leurs projets et ceux des établissements et organismes qui en relèvent. "Ainsi donc, dans cette nouvelle mouture textuelle, l'acte d'investir dépend d'une autorité administrative (le ministre ou autre) qui apprécie souverainement le domaine d'investissement et la possibilité que lui offre la loi de soumettre ou non l'étranger à l'obligation de s'associer avec une entreprise de droit algérien, alors même que dans l'ancien texte l'acte de soumission était lié, obligatoirement ,à l'acte d'investir, sans intervention de quelque autorité, que ce soit ". Il ajoutera que le texte opère, pour les marchés des entreprises publiques économiques, une distinction entre les projets financés partiellement ou totalement sur concours temporaires ou définitifs de l'Etat et ceux qui ne sont pas financés sur budget de l'Etat. Pour les premiers, la décision est prise par le ministre concerné par la nature de l'investissement, contrairement aux seconds dont la décision relève du conseil des participations de l'Etat. Aussi, et grâce à l'amendement l'autorité de souveraineté peut dispenser le soumissionnaire étranger qui a réalisé ou s'est déjà engagé à réaliser un investissement, de l'obligation d'investir. "Autrement dit, tout soumissionnaire étranger qui a déjà réalisé, par le passé, un investissement est susceptible de réaliser, dans le futur, seul, et sans partenariat, le nouvel investissement. La dispense est prévue dans ce cas, dans le cahier des charges", précise Dr Hamidi.
Des procédures de gré à gré simplifiées
Il faut dire, par ailleurs, que la sévérité du code des marchés publics avalisé en octobre a compliqué bien des opérations pour les EPE, ce qui a poussé les pouvoirs publics à introduire dans l'amendement une procédure de gré à gré simplifiée et qui concerne certains cas précis, à l'image des prestations qui ne peuvent être exécutées que par un partenaire unique, des prestations liées à des cas d'urgence impérieuse, motivées par un danger imminent, des prestations inhérentes à des approvisionnements urgents destinés à sauvegarder le fonctionnement de l'économie, des prestations considérées comme prioritaires et d'importance nationale, des prestations attribuées à un établissement public exerçant une mission de service public, et des prestations ayant pour but de promouvoir l'outil national public de production. Selon le directeur de l'Institut de développement de l'entreprise et de gestion, toutes ces prestations peuvent, désormais, être réalisées par des partenaires étrangers sans recours à une entreprise de droit algérien dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents. L'expert mettra également en avant une autre nouveauté ayant trait aux litiges qui peuvent naître de l'investissement et qui peuvent être réglés, conformément à l'article 115 du décret présidentiel n° 10-36. Cette possibilité n'était pas prévue par les dispositions de l'article 24 du même décret. Selon lui les différends nés à l'occasion de l'exécution des marchés sont réglés, prioritairement à l'amiable, en prenant en compte l'équilibre des charges incombant à chacune des parties, l'aboutissement à une réalisation plus rapide de l'objet du marché, et enfin l'obtention d'un règlement définitif, plus rapide et moins onéreux. " A toutes ces facilités, le texte n'autorise la résiliation du marché par le service contractant, aux torts du cocontractant, qu'après accord de l'autorité administrative, qu'il s'agisse de l'institution nationale de souveraineté, de l'institution nationale autonome, du ministre concerné ou du Conseil des participations de l'Etat.
Dans le texte initial, le non respect par le soumissionnaire étranger de l'engagement entraîne la résiliation du marché, l'application de pénalités financières pouvant aller jusqu'à 20% du montant du marché et l'inscription de la société sur une liste d'entreprises interdites de soumissionner ", a-t-il précisé.


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