Femme politique avant tout, Leila Aslaoui semble avoir la même arête entre la gorge. Ses interventions dans la presse nationale autant que ses prises de position lors de rendez-vous rares mais existants dans la scène littéraire, ne suffisent sans doute plus à lui faire évacuer cette arête qui l'étrangle depuis plus de dix ans ! Vomir ou pousser ? Devenue auteure depuis ses "Jumeaux de la nuit " paru en 2004 chez Casbah édition, Leila Aslaoui ne veut plus reposer sa plume dans l'encrier. Elle vient tout juste de signer, " Le cartable bleu" chez Dalimen et elle donne rendez- vous pour samedi, à 14h, à la librairie du Tiers-monde pour une vente-dédicace. Avant d'ouvrir les pages, intéressons-nous au titre qui comme tout le monde le sait, contient le résumé le plus court qui soit d'un texte écrit. Le référent de cartable, c'est évidemment l'école ou encore mieux le savoir, tandis que la couleur bleue fait en général référence à notre contrée, l'Algérie. Quel savoir ? Si l'on connaît un peu la rage ou la colère d'une Leila Aslaoui, ancienne ministre de la solidarité nationale, nous dirons tout de suite que le savoir qui l'habite et qu'elle veut conférer, n'est pas lié au didactique mais au politique. Un savoir qu'elle expurge d'ailleurs dans des centaines de pages, car depuis qu'elle a signé " Les jumeaux de la nuit ", elle ne s'arrête plus. Rythme de l'écriture, pratiquement un roman par an et c'est colossal. La plupart de ces personnages sont des femmes, surtout des jeunes filles qui évoluent dans une contrée austère et hostile parce que des lois fallacieuses nient leur existence, des tabous archaïques leur coupent la langue, une tradition falsifiée ne leur concède qu'un coin d'ombre et leur refuse le soleil. Vous avez compris qu'il s'agit là des droits bafoués de la femme. On retrouve cette préoccupation dans "Lettres à Neyla-Mériem", un écrit épistolaire paru en 2010 et qui défend l'honorable idée existentialiste qui reconnait à l'homme son pouvoir d'action, et qui lui refuse toute résignation ou pessimisme. Dans " Cartable bleu ", l'auteure fait un plongeon conscient dans le passé pour y extraire des "vérités ", des angoisses, des non dits ….. L'auteure veut tatouer les mémoires avec des récits tragiques qu'elle refuse de dissimuler à une génération future. Car les écrits restent. Un écrit c'est ce aussi la liberté de dire, de dépasser le temps et c'est ce qu'à fait Leila Aslaoui en situant ses intrigues en l'an 2030. C'est certainement pas un roman de science fiction, mais c'est plutôt un roman immensément politique où l'auteur dévoile pièce par pièce le dossier d'une affaire compliquée où chacun doit prendre ses responsabilités. En 2030, une Neyla, l'une de ses personnages serait ridée et aura des enfants et des petits-enfants qui doivent savoir…..Nous ne sommes plus dans la culture orale, un art antéislamique mais cela peut servir si la mémoire d'une Neyla est infaillible et qu'elle aime raconter. "Le Cartable Bleu " est de sens un témoignage lucide qui peut servir plus tard à se connaître pour se projeter dans l'avenir sans aucune honte. Quelque soit le tragique d'un parcours d'une Nation, le tout est d'assumer son histoire. C'est en tout cas ce que veut faire entendre Leila Aslaoui à travers cet ouvrage qui, par le fait de son existence ; refuse l'amnésie.