La décision est irrévocable. C'est un no comment. L'Allemagne fermera ses derniers réacteurs nucléaires en 2022. Elle devient ainsi la première puissance industrielle à renoncer à l'énergie atomique, a annoncé, hier, le ministre de l'Economie, Philipp Rösler, lors d'une conférence de presse.Un projet de loi pour sortir de l'énergie nucléaire devait être présenté dans la même journée. Le texte s'appuie sur le rapport de la commission éthique installée au mois de mars. La première étape du plan est immédiate : le pays ne va pas relancer les 8 réacteurs mis à l'arrêt en mars, suite à la catastrophe japonaise. L'un d'entre eux pourrait, toutefois, être maintenu en veille jusqu'en 2013, pour faire face à de possibles pics de consommation, particulièrement dans le sud du pays. Après un recul relatif l'automne dernier, la chancelière, Angela Merkel, compte finalement avancer la transition énergétique du pays. Des questions se posent. Combien coûtera cette transition? Rendra-t-elle l'Allemagne dépendante du charbon ou des importations d'électricité? Combien d'emplois l'essor des énergies renouvelables va-t-il créer? L'Allemagne a choisi de prolonger la durée d'exploitation des centrales du pays de 12 ans en moyenne (8 ans pour les plus anciennes, 14 pour les plus récentes), ce qui repoussait la fin de l'énergie atomique en Allemagne à 2036. Mais Fukushima a radicalement changé la donne. Dans le même contexte, il convient de préciser que la production nucléaire allemande a dépassé le seuil des 22 % de l'électricité du pays en 2010. Cependant, elle se trouve loin, très loin, des plus de 80 % de l'électricité française. Aussi, 43 % de l'électricité allemande provient encore du charbon et 13 % vient du gaz naturel. Une fois retirée la contribution des huit réacteurs arrêtés depuis mars, soit 8,5 gigawatts (GW), sur les 20 GW fournis par l'atome, la part de l'électricité nucléaire tombe déjà sous celle des énergies renouvelables. Cette filière est en pleine croissance. Elle emploie plus de 300 000 personnes, quatre fois plus qu'en 1998. La chancelière allemand ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Elle prévoit d'augmenter la part des renouvelables à 35 % en 2020, 80 % en 2050. Et sans importations d'énergie française. A l'heure actuelle, l'Allemagne exporte plus vers la France que le contraire. Le plan Merkel, si on peut l'appeler ainsi, s'appuie également sur la maîtrise de la consommation d'électricité. La chancelière prévoit une baisse de 10 % d'ici 2020 et de préparer la fin du charbon d'ici 2040. Pour les orfèvres en la matière, le gaz naturel doit aussi jouer un rôle clé. "Le gaz se combine facilement avec les énergies renouvelables" , explique Claudia Kemfert, directrice du département énergie et environnement à l'Institut d'étude économique DIW. " Les centrales à gaz sont beaucoup plus flexibles que les nucléaires. On peut les mettre en marche ou à l'arrêt rapidement selon les besoins", a-t-elle poursuivi. L'objectif de l'Allemagne peut-être atteint avant terme, selon certains experts. Le parti de gauche de Die Linke voit en 2014, la date de l'aboutissement de ce projet phare. L'ONG Greenpeace vote 2015. Et 2040 pour sortir l'Allemagne du charbon. A cela, elle préconise de construire 16 centrales à gaz, d'ajouter 5 000 éoliennes aux 21 000 existantes, dont 1 200 offshore, et d'installer 600 000 nouveaux panneaux solaires. Une fois la transition vers les renouvelables effectuée, la puissance allemande pourrait même se passer du gaz naturel à l'horizon 2050. A la question : combien coûte la sortie du nucléaire, des chercheurs allemands ont fait savoir que Berlin se garde jusqu'ici de chiffrer ce coût entre 90 et 200 milliards d'euros, à répartir entre le contribuable, les consommateurs d'électricité et les producteurs d'énergie.