Nous devons envisager, dès maintenant, la maîtrise du nucléaire civil pour la production d'énergie. Avec une régularité de métronome, les pays en développement sont acculés à la défensive à cause d'un prétendu programme nucléaire qui leur permettrait, à terme, de disposer d'armes de destruction massive, entendons par là, de la bombe atomique. Par ailleurs, un petit pays:Israël, insignifiant à l'échelle du nombre, non seulement dispose d'un arsenal impressionnant en armes de destruction massive capable de détruire la planète plusieurs fois, mais de plus, arrive à tétaniser la conscience du monde en tournant le dos aux résolutions des institutions internationales du fait du veto des Etats-Unis dont le complexe militaro-industriel s'est enrichi d'une tendance religieuse à connotation prophétique, voire apocalyptique, qui voit dans l'Etat d'Israël un instrument du dessein divin sur la terre. Par son impunité, ce pays plonge le monde arabe dans le désarroi de l'impuissance et dans la fatalité (1). En dehors des détenteurs officiels de la bombe et de l'arsenal nucléaire israélien, on connaît le feuilleton tragique de l'Irak et la fin barbare de Saddam Hussein soupçonné, à tort, de détenir des armes de destruction massive- ce fut en fait un envahissement pour faire main basse sur les fabuleuses richesses énergétiques de l'Irak- On connaît aussi, la détermination et la réussite de la Corée du Nord qui a «sa bombe». On suit enfin, un autre feuilleton, celui de l'Iran qui risque d'être un «remake» de celui de l'Irak, sauf que l'on prête au gendarme du monde le soin de sous-traiter la punition de l'Iran à Israël qui s'apprête, nous dit-on, à terrasser le programme nucléaire iranien avec des.. bombes atomiques tactiques qu'en théorie, elle a toujours refusé d'admettre, exception faite du lapsus de Ehud Olmert, en décembre 2006. Pour la première fois, il a admis, indirectement qu'Israël détenait l'arme absolue. Est-ce vraiment un lapsus ou fait-il une campagne annonciatrice de la mise en oeuvre d'une frappe nucléaire? Déjà, dans une édition d'octobre 2003, l'hebdomadaire allemand Der Spiegel révélait qu'Israël n'exclut pas une frappe «préventive» des sites nucléaires iraniens. Sur la base d'estimations diverses, les forces armées israéliennes possèdent entre deux cents et quatre cents têtes nucléaires. Selon la revue anglaise spécialisée Jane's Intelligence Review, leur arsenal est équivalent à 3850 bombes d'Hiroshima. Le missile nucléaire, Popeye Turbo, a été installé sur trois sous-marins Dolphin, fournis par l'Allemagne en 1999-2000. Il faut ajouter à ces vecteurs nucléaires environ 50 missiles balistiques Jéricho II sur des rampes mobiles de lancement avec une portée d'environ 1500km emportant une charge nucléaire d'une tonne. En outre, Israël possède le Shavit, un engin qui a permis de mettre en orbite les satellites Oufek. Dérivé du missile Jéricho II, il peut, à son tour, être employé comme missile balistique qui, avec une portée comprise entre 5000 et 7000km, est capable de frapper n'importe quel objectif au Moyen-Orient et au Maghreb. En tous cas, l'Iran prend au sérieux cela et promet, elle aussi, de riposter, comme l'avait promis moult fois un certain Saddam Hussein. A moins que les mollah ne prennent pas de risque qui pourraient compromettre leurs «situations». Nous verrons. Que fait l'Aiea? On sait que la visite en Israël, le 7 juillet 2004, de son directeur, le patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea), visait à encourager Tel-Aviv à participer à la création d'une zone sans armes nucléaires, selon The Independent. Le quotidien britannique note cependant qu'«El-Baradei avait annoncé ne pas avoir l'intention de blâmer Israël, si Tel-Aviv s'abstenait de confirmer ou de nier posséder l'arme nucléaire».(2). C'est à se demander pourquoi cette visite a eu lieu d'autant que les résultats, nuls, étaient prévisibles. «On sait, écrit Alexandre Adler, que l'Inde disposait de l'arme nucléaire à la fin des années 70...Cette situation, jugée intolérable par le Pakistan, aboutissait, peu après, à une riposte chinoise inévitable: la fourniture par Pékin des moyens techniques d'une contre-bombe pakistanaise qui allégeait le fardeau de la dissuasion chinoise. Mais le financement de l'opération, très au-delà des moyens limités du Pakistan, aura été assuré à 75% par l'Arabie Saoudite, qui y voit toujours l'esquisse d'une véritable bombe islamique, les Emirats et la Malaisie du bon docteur Mahathir couvrant le reste de la somme....La coopération nucléaire entre le Pakistan et l'Arabie Saoudite est un premier pas».(3). Il semble, d'ailleurs, qu'un accord secret existe probablement pour cette coopération sur la base du schéma Oil-For-Nukes: pétrole saoudien contre technologie et savoir-faire nucléaire pakistanais.(4) C'est dans ce contexte chargé que l'Iran a voulu se doter de l'arme nucléaire dès l'époque du Shah. Les Américains y étaient favorables, pour dissuader une éventuelle attaque soviétique sur la frontière nord du pays, qui se trouvait être, avec son prolongement afghan, la seule ligne de défense occidentale. Après l'armistice de 1988 avec l'Irak, Rafsandjani, se tournait désormais vers l'Union soviétique en échange du soutien de Téhéran aux Russes, contre les mouvements indépendantistes de l'Azerbaïdjan et de l'Asie centrale. Malgré le rapprochement russo-israélien des années Eltsine, l'aide bien rémunérée de la Russie ne s'interrompit jamais. En échange, Téhéran s'abstenait de tout soutien à la cause tchétchène laquelle s'appuyait de plus en plus sur l'axe sunnite saoudien-pakistanais. Pour Alexandre Adler, le jeu subtil iranien basé sur les allégeances et les contre-allégeances peut payer. Ecoutons le: «...Les Américains, eux-mêmes, se sont vu offrir un concours précieux de Téhéran, en Afghanistan pour y consolider le régime antitaliban de Karzaï. C'est pourquoi beaucoup songent à Téhéran, et pas seulement parmi les extrémistes, qu'il faut se payer tout de suite sans rien demander à personne, puisque ce moment est le meilleur pour sortir du traité de non-prolifération et se déclarer ouvertement puissance nucléaire. Ni la Russie, cliente, ni la Chine, qui cherche à sécuriser son approvisionnement en hydrocarbures iraniens, n'hésiteront à faire usage de leur veto au Conseil de sécurité afin de protéger les arrières de Téhéran. L'Amérique, n'a ni les moyens militaires, ni les moyens politiques ni même les moyens financiers de la riposte: un simple blocage ponctuel du Golfe persique entraînerait un doublement du prix du brut et une chute en vrille du dollar.». Si on suit Adler, on comprend mieux de ce fait, la possibilité de sous-traitance à Israël de la punition de l'Iran. Voilà pour l'histoire. Et le nucléaire en Afrique? Plusieurs pays possèdent des réacteurs nucléaires de poche qui ne dépassent pas 20 MW, c'est, nous dit-on, pour développer des éléments fissiles pour la médecine, le conditionnement de produits, l'analyse, bref un nucléaire hochet qui n'a rien à voir avec le nucléaire militaire ou le nucléaire civil.Indépendamment de l'Afrique du Sud qui est la seule à posséder des centrales nucléaires, l'Egypte pour son programme nucléaire connut des destinées diverses. Pour Alexandre Adler, si Sadate avait dû renoncer, en échange du Sinaï, au programme nucléaire égyptien, en partie gelé et en partie transféré par Moubarak après l'assassinat de Sadate vers l'Irak de Saddam Hussein dans les années 80, différents projets arabes concurrents voyaient le jour à cette même époque, en Algérie, en Libye et même dans la petite Syrie. Aucun de ces projets n'a, pour l'instant, pu aboutir, et le renoncement de Kadhafi sera sans doute définitif. Pour Yotam Feldner, directeur des analyses de médias de Memri, depuis quelque temps, les médias égyptiens et arabes s'interrogent sur la nécessité pour l'Egypte et les pays arabes en général de développer un programme nucléaire avec pour objectif l'arme atomique.(5) On sait que par le passé récent, l'Egypte aurait tenté, bien qu'elle ait signé le TNP, de produire des produits fissiles. En février 2005, l'Aiea a la preuve que des expériences secrètes ont été faites en Egypte dans le domaine du nucléaire, susceptibles d'être utilisées pour un programme d'armement,. Le Caire avait admis le 27 janvier 2005 avoir «omis» de signaler à l'Aiea «un certain nombre» de travaux de recherche. Cependant, l'Egypte a vivement récusé les accusations selon lesquelles elle s'adonnerait secrètement à des expériences pour acquérir l'arme nucléaire. Pour le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, ces accusations sont attribuées par l'Egypte à une campagne israélo-américaine contre la réélection du directeur général de l'Aiea, l'Egyptien Mohamed El Baradei. Entre-temps, El Baradei a été réélu et l'Egypte se redécouvre une âme de puissance nucléaire.. En octobre 2006, nouveau coup de théâtre, l'Egypte brise un tabou et entend rivaliser avec l'Iran. C'est Gamal Moubarak, le fils du président égyptien qui a relancé l'idée. La reprise du programme nucléaire semble être devenue, en l'espace de quelques jours, une priorité gouvernementale. Le conseil national pour l'énergie, réuni d'urgence après dix-huit ans d'inactivité, a confirmé la nécessité pour l'Egypte de se doter d'une source d'énergie alternative. L'Egypte dispose déjà, à Inshas (60km au nord du Caire), d'un centre de recherche nucléaire et de deux réacteurs civils, l'un fourni par la Russie en 1958 et l'autre acheté à l'Argentine en 1998, mais elle avait gelé tout programme de construction de centrales après la catastrophe de Tchernobyl, en 1986. Signataire du traité de non-prolifération des armes atomiques, elle milite pour un Moyen-Orient dénucléarisé. «Il est inacceptable [de] fermer les yeux sur le danger que représente la menace nucléaire israélienne pour la stabilité et la sécurité du Proche-Orient», fustigeait encore, la semaine dernière, le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, devant l'Aiea. Les Etats-Unis l'ont aussitôt transformée en coup gagnant, en annonçant, par le biais de leur ambassadeur au Caire, qu'ils n'avaient aucune objection au développement du nucléaire civil en Egypte, et en proposant leur assistance.(6). Pourquoi priver les pays africains de la technologie nucléaire en général et de la possibilité du nucléaire électrique. L'Aiea dans les textes du TNP n'interdit pas cela, mais elle n'encourage pas et naturellement elle n'aide pas les pays à se doter de l'énergie électrique d'origine nucléaire qui pourrait être alternative à la diminution de l'effet de serre au réchauffement climatique et aux autres calamités prévisibles. On sait que la production d'électricité représente, selon les pays industrialisés, 30 à 40% de l'énergie totale consommée. Or, les volumes de CO2 dégagés varient de 1 à 80 en fonction du mode de production. Selon les chiffres du rapport que la Commission européenne rendra public demain, le nucléaire représente 15kgCO2eq/MWh (l'unité de mesure de référence d'émission de CO2 par mégawatt d'électricité produite). Le nucléaire est, ainsi, au niveau des énergies renouvelables comme l'éolien (10kgCO2eq/MWh), l'hydraulique (20) et la biomasse (30). Les plus polluants sont le gaz naturel (440), le pétrole (550 à 800) et le charbon (800). En ce qui concerne la matière première, les premiers producteurs d'uranium sont le Canada (30% du total), l'Australie (21%), le Niger (8%), la Namibie (7,5%), l'Ouzbékistan et la Russie (6%). Pour sa part, la Commission européenne a rendu public, mercredi 10 janvier, un rapport dans lequel, pour la première fois, elle défend le recours au nucléaire civil afin de lutter contre le réchauffement climatique. Dans un ensemble de propositions rendues publiques le 10 janvier, la Commission européenne affirme qu'elle compte lancer une «nouvelle révolution industrielle» pour faire «de l'Europe une économie à forte efficacité énergétique et à faible émission de CO2». C'est la première fois que la Commission met autant en avant les arguments en faveur du nucléaire.(7). Même le Sénégal veut se lancer dans le nucléaire électrique. Le Chef de l'Etat sénégalais a annoncé, le 22 décembre 2006, qu'il avait entamé des discussions, pour ériger au Sénégal une usine nucléaire de production énergétique. S'agissant de l'Algérie, elle est régulièrement diabolisée par les médias occidentaux pour possession ou velléité de mettre au point la bombe atomique. Sous la pression intolérable des pays occidentaux, sous l'emprise d'un terrorisme qui ne lui a pas laissé de répit, l'Algérie, un jour de décembre 1995, signe le traité de non-prolifération. C'est une erreur car les raisons du refus de le signer dans les années '70 sont toujours d'actualité. Nous sommes rentrés dans le rang, en signant un TNP à géométries variables. Les choses étant ce qu'elles sont, la puissance d'un pays et sa sanctuarisation dépendent aussi de sa force de frappe. Les pays détenteurs de la bombe freinent l'accès des autres à la technologie d'enrichissement de l'uranium. En fait, le manque de visibilité en ce qui concerne la politique énergétique ne fait pas de place à l'énergie nucléaire dans notre stratégie à moyen et long terme. Il faut savoir, en effet, qu'à l'horizon 2025-2030, l'Algérie sera importatrice nette d'énergie, l'option nucléaire sera alors une contrainte difficile à gérer. Pourquoi ne pas faire preuve d'imagination et prévoir un modèle énergétique qui nous trace des scénarii les plus vraisemblables. Nous devons envisager, dès maintenant, la maîtrise du nucléaire civil pour la production d'énergie. Il faut savoir, en effet, qu'une centrale nucléaire de 1000 Mwe (1/6 du parc énergétique algérien actuel), consomme en une année, 150 tonnes d'uranium enrichi soit l'équivalent de 1,5 million de tonnes de pétrole. L'apprentissage du nucléaire électricité s'avère incontournable d'autant que nous avons des réserves en uranium qui peuvent être exploitables comme combustible nucléaire. 1.C.E.Chitour: Le nucléaire en question: a propos de deux cas: L'Algérie et Israël. Journal L'Expression du 27 et 28 juillet 2004. 2.M.O.Bherer: El-Baradei pour un Proche-Orient sans armes nucléaires Courrier international -7-7-2004. 3.Alexandre Adler: Le grand basculement du monde oriental-L'Arche n°562, février 2005 4.Journal Courrier International n°681 du 19-26 novembre 2003 5.Yotam Feldner: L'Egypte repense son programme nucléaire Enquêtes et analyses - No. 118 Janvier 17, 2003 6.Claude Guibal: Le Caire relance son programme nucléaire civil: Libération 3/10/2006 7.Sébastien Maillard: L'Europe prône le nucléaire contre l'effet de serre: La Croix: 08/01/2007