Il y a presque un an jour pour jour se terminait l'immense rétrospective de Lucian Freud au Centre Pompidou. Qui aurait cru que cet artiste phare du XXe siècle nous aurait quitté? A 88 ans, il semblait invincible et laisse derrière lui une œuvre exceptionnelle et vibrante. Pourtant, le peintre britannique Lucian Freud, petit-fils de Sigmund Freud, est mort mercredi soir à l'âge de 88 ans à son domicile londonien, a annoncé, avant-hier, son agent aux Etats-Unis. Il était l'un des artistes contemporains les plus admirés et vénérés. Inspiré au début de sa carrière par le travail de Francis Bacon, il laisse une œuvre composée presque exclusivement de portraits, dont celui peu flatteur de la reine Elisabeth II en 2001, et de nus, représentés crûment, sans complaisance ni compromis. "Ma famille et moi pleurons Lucian Freud, qui était non seulement l'un des plus grands peintres du XXe siècle mais aussi un ami très cher", écrit son agent new-yorkais William Acquavella. "Artiste figuratif le plus important de sa génération, il avait apporté profondeur, drame et énergie à l'art du portrait et du paysage, ajoute-t-il. Il vivait pour la peinture et il a peint jusqu'à sa mort, très loin du bruit du monde de l'art." Au printemps 2008, un de ses tableaux, "Benefits Supervisor Sleeping" (1995), portrait d'une femme obèse endormie nue sur un canapé, s'est vendu près de 34 millions de dollars aux enchères, un record pour un artiste vivant. Né au début des années 1920 à Berlin, l'artiste fuit le nazisme avec ses parents et vient s'installer à Londres en 1934. Cinq ans après, il obtient la nationalité britannique et n'aura de cesse d'être reconnaissant envers sa patrie d'adoption. Pour preuve de son appartenance au pays, il offre lors du jubilé de la Reine Elisabeth II en 2001 un portrait la représentant. En 2010, le Centre Pompidou lui consacre une exposition-hommage revenant sur son parcours créatif atypique, retraçant son œuvre, et mettant en lumière peintures monumentales, œuvres graphiques et photographies. "J'étais très solitaire. Je parlais à peine l'anglais. On disait de moi que j'avais plutôt mauvais caractère, ce dont j'étais plutôt fier", avait-il confié un jour. Son père était le plus jeune fils de Sigmund Freud, le père de la psychanalyse. Une dernière consécration émouvante, comme un plongeon au cœur de l'Humain, dans ces portraits picturaux, prétexte au travail de la couleur, de la lumière, et bousculant les consciences collectives. Mais Lucian Freud n'est plus. De Lucian Freud, on se souviendra surtout de ses portraits monumentaux sans concession, explorant toujours l'humanité dans ce qu'elle a de plus brute, sondant les corps et la chair. Celui qu'on surnomma d'ailleurs le peintre de la chair a mené sa barque d'artiste jusqu'au bout, n'essoufflant jamais son art, quitte à mener une vie de célibataire un peu austère loin de sa famille, de ses nombreux enfants et petits-enfants, et surtout loin des affres de la vie d'artiste. Car le petit-fils du célèbre psychanalyste Sigmund Freud aurait pu tomber dans les travers d'une existence plus qu'aisée, lui qui était considéré comme l'un des peintres vivants les plus chers au monde.