Nacéra Belaza ? C'est une tête qui revient de plus en plus chez nous. En 2003 lors de "l'Année de l'Algérie en France", Ziani Cherif Ayad, alors ex-DG du Théâtre national algérien (TNA) et ex-commissaire de la section théâtre, avait présenté cette jeune chorégraphe avec sa sœur Dalila, et l'avait même inclus dans son programme annuel. On l'avait présentée comme une créatrice faisant du langage du corps un langage contemporain, un mot d'ailleurs très affectionné par Cherif Ayad. D'origine algérienne, Nacéra vit en France et à la faveur de "l'Année de l'Algérie en France", elle avait animé quelques spectacles au TNA et en Outre mer. En 2009 lors d'un hommage à Mahmoud Darwich, l'on l'avait fait venir pour une danse chorégraphique sur le sujet. Au MaMa (mussée d'art moderne et contemporain) qui abrite jusqu'à la fin du Ramadhan l'expo A6 qui regroupe six peintres à peu prés de la même génération dont Larbi Arezki, Nedjaï, Mohamed Oulhaci, Moussa Bourdine, Rachid Djemaï …a eu un spectacle chorégraphique de Nacéra Belaza dansant autour d'un tas de production plastique.Autodidacte, la chorégraphe est venue à la danse par un inévitable hasard. " Pour mes parents, il était hors de question que je danse. Je n'ai jamais pris de cours. En fait, ma formation artistique, c'est le sens de l'observation que mon père, un homme lucide, m'a transmis. L'art, c'est 90 % d'observation, 5 % de talent et 5 % de capacité à agir. Quand j'ai dû décider de m'y consacrer pleinement, j'ai hésité car je trouvais que c'était un art extrêmement réduit. Après tout, il ne tenait qu'à moi d'y injecter mon univers. J'avais ce feu intérieur. Je devais le faire sortir de moi. "Ce feu qui est nourri par le racisme de ses contemporains et qu'elle tente sans doute d'évacuer en arborant à chaque fois un costume noir et des gestes solennelles. " Un artiste, c'est quelqu'un qui a absorbé une certaine colère et qui doit l'exprimer différemment. " Son visage austère porte les stigmates de cette violence, sa danse dégage une rage intérieure domptée et une prodigieuse force de caractère. "Mes parents sont arrivés d'Algérie sans armes pour se construire et affronter une France bien souvent hostile. Ils ont eu alors cet instinct de survie?: le repli sur soi. Ma génération, celle des enfants d'immigrés, a été dans l'obligation de prouver et d'exceller en permanence", dit-elle. Un spectacle tout en noir C'est parceque le monde n'est pas riant que Nacéra Belaza se présente sur les arènes artistiques toute vêtue de jais. Elle a proposé au milieu d'un tas de peinture une performance mobile composée de trois tableaux de danse contemporaine. Le public changeait de place, à chaque tableau, pour apprécier les mouvements, au cachet étonnant, voire énigmatique, des corps souples des danseurs. Le groupe composé de deux danseuses et quatre danseurs, évoluait sous une lumière tamisée et donnait l'impression de silhouettes progressant dans le vide. Leurs gestes auxquels s'associaient parfois des cris, de douleur ou peut être de joie, accompagnés d'une musique, tantôt classique tantôt moderne, dégageaient beaucoup d'émotions difficile à analyser. Le spectacle, conçu en partenariat avec le MaMa d'Alger et le Théâtre national algérien (TNA) est selon la chorégraphe "un ensemble de formes exprimées par le corps devant les toiles exposées dans ce musée, qualifié de lieu permettant une mobilité très importante. " "La danse n'est pas seulement un divertissement. A travers ce spectacle, nous avons voulu agencer le corps, les toiles et la musique pour exprimer les émotions que peut susciter cet agencement. Nous avons voulu, aussi, amener le public vers la danse contemporaine", a-t-elle expliqué. Pour elle, le corps humain peut servir d'outil de réflexion sur la société dans laquelle il évolue. Ainsi, la danse contemporaine dématérialise le corps et lui permet de se confondre avec tout ce qui l'entoure, a-t-elle soutenu. Les propositions pour Nacéra Belaza s'accumulent. La Compagnie Nacéra Belaza est programmée dans les plus grands festivals. Sa sœur Dalila, de cinq ans sa cadette, l'a suivie dans l'aventure. " Depuis toujours, elle m'a vue m'entraîner dans la chambre d'enfant que nous partagions. Au début, elle voulait juste danser. Puis elle a compris la nécessité de la réflexion, de l'analyse. Cela fait vingt ans maintenant que nous cheminons ensemble. Travailler avec sa propre sœur présente un avantage inestimable, mais c'est d'une difficulté inouïe", avouait Dalila, il y a quelques années.