Le monument religieux et historique du patrimoine de Bordj Bou- Arréridj, la somptueuse mosquée Al Atiq, a été rouverte aux fidèles et ce, dès le 2e jour du moi sacré de Ramadhan, où ils ont pu y accomplir leurs prières. Bâtie en 1894 en plein centre de la capitale des Bibans et objet d'une profonde action de rénovation pendant les six dernières années, la mosquée El Atiq était, avant le recouvrement de l'indépendance, l'unique lieu de culte dont disposaient les musulmans dans cette ville. Selon M. Laïd Mokrani, écrivain et historien spécialisé dans l'histoire de la région des Bibans, la mosquée El Atiq était, pour les musulmans, "le centre névralgique de l'activité religieuse, culturelle, sociale, économique et même politique". Durant les temps durs de la colonisation, "le fidèle pouvait y emprunter de l'argent pour son activité, s'instruire, s'informer, négocier, se marier", note encore cet historien qui précise que toutes les activités, quel qu'en soit le domaine, "tournaient autour de l'imam de la mosquée qui, en plus de diriger les prières, conseillait, arbitrait, réconciliait les fidèles" qui se rendaient dans cet édifice situé au Boulevard Emir Abdelkader. Pour M. Laïd Mokrani, "la mosquée a été édifiée en 1894", pensant toutefois qu'on a " commencé à la bâtir bien avant cette date". Malheureusement, déplore-t-il, "il n'existe aucune trace écrite à l'exception des archives de la colonisation". Construite selon le style Ottoman, la mosquée est une pure merveille d'architecture. Elle ne peut toutefois contenir que 600 personnes au moment des Tarawih (surérogatoires), même si un millier de personnes s'y est précipité, mardi soir, pour accomplir les premières prières dans ce patrimoine religieux. "Cette mosquée" avait joué un rôle déterminant aux plans politique et religieux", soutient M. Mokrani, qui rappelle que de "prestigieuses personnalités religieuses et politiques de l'époque, notamment les membres de l'Association des Oulémas musulmans algériens, visitaient régulièrement cette mosquée où ils tenaient des conférences, à l'image des Cheikhs Benbadis, Bachir El Ibrahimi, Abouhafs Zemmouri ou du célèbre grammairien de la littérature arabe, Cheikh Moussa El Ahmadi Nouiouat". D'autres chefs religieux de la première moitié du siècle dernier faisaient de la mosquée El Atiq un "passage obligé et nécessaire pour promouvoir l'algérianité du peuple et son attachement à ses racines", soutient M. Laïd Mokrani qui souligne aussi que cette mosquée a connu une "activité particulièrement intense" entre 1930 et 1940 dans le sillage de la création de l'Association des Oulémas musulmans algériens (1931) et du Parti du peuple algérien, le PPA (1937). Les Bordjiens viennent de renouer, en ce mois sacré de piété et de don de soi, avec l'un des pans de leur mémoire collective. Il y a quelques décennies, se souviennent les plus anciens, il suffisait de lever la tête vers le minaret d'El Atiq pour ne pas risquer de s'égarer dans Bordj Bou-Arréridj.