Un mois à peine après sa prise de fonction à la tête du Fonds monétaire international (FMI), en remplacement de Dominique Strauss-Kahn, Christine Lagarde est désormais fixée sur son sort dans l'affaire Tapie, Crédit lyonnais. La justice française a décidé, avant-hier, d'enquêter sur le rôle joué en 2008 dans l'affaire Tapie/Crédit Lyonnais par la nouvelle directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde, à laquelle l'institution a néanmoins renouvelé sa confiance L'ex-ministre de l'Economie, nommée le mois dernier à la tête du Fonds monétaire international (FMI) en remplacement de Dominique Strauss-Kahn, va être visée par une instruction menée par trois juges indépendants, qui commencera à la mi-août. Le parquet général de la Cour de cassation entend en effet signer "dès les prochains jours" le réquisitoire introductif, document nécessaire pour démarrer concrètement les investigations. Susceptible d'être entendue, voire mise en examen, Christine Lagarde, qui a nié toute malversation, avait fait savoir qu'elle ne démissionnerait pas. Le FMI a réagi à l'ouverture d'une enquête en estimant qu'elle n'empêcherait nullement Christine Lagarde de remplir ses fonctions. L'institution s'est abstenue de tout autre commentaire. L'avocat de Christine Lagarde, Yves Repiquet, a estimé lui aussi que la procédure n'était "nullement incompatible" avec le rôle de Christine Lagarde au FMI. "Cette instruction présente un avantage évident: elle permettra de lever définitivement le soupçon abusivement porté contre Mme Christine Lagarde par une poignée de députés d'opposition à des fins politiques", dit-il par ailleurs dans un communiqué. La décision d'enquête a été prise par les sept magistrats de la commission des requêtes, instance de la Cour de justice de la République, dédiée aux ministres. Elle répondait à une demande en mai dernier du procureur général de la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, lui-même saisi par des députés socialistes. La commission est allée plus loin que le procureur, qui préconisait comme chef d'enquête le délit d'"abus d'autorité", passible de cinq ans de prison. Celui retenu, "complicité de détournement de biens publics", est passible de dix ans de prison et 150000 euros d'amende.Une commission d'instruction de trois juges indépendants de la CJR, présidée par Daniel Farge, conduira l'enquête. Elle aura pour but de dire si Christine Lagarde doit ou non être jugée. Si la réponse est positive, ce sera par la formation de jugement de la CJR, composée de trois magistrats et quatorze parlementaires (sept députés et sept sénateurs). La procédure peut durer des années. Christine Lagarde est mise en cause pour avoir choisi en 2007, contre l'avis de ses services, de solder par un arbitrage privé un litige concernant la revente en 1993 d'Adidas, alors contrôlé par Bernard Tapie, par le Crédit lyonnais, alors banque publique. L'Etat abandonnait ainsi la voie judiciaire où il avait pourtant gagnée en 2006 en cassation, devant la plus haute juridiction du pays. Il est aussi reproché à la ministre d'avoir renoncé à contester, contre l'avis de ses services, le verdict de l'arbitrage, 285 millions d'euros à Bernard Tapie en 2008. En troisième lieu, une modification en cours de route de la convention d'arbitrage, qui a permis d'accorder finalement 45 millions au seul titre du "préjudice moral", est visée, ce que la commission qualifie de "complicité de faux". Le FMI maintient sa confiance à son élue Pas de quoi affoler pour autant les Etats membres du FMI qui ont, dans un communiqué publié hier, renouvelé leur confiance à l'ancienne ministre de l'Economie. Se disant " convaincu qu'elle pourra remplir efficacement ses devoirs ", le conseil d'administration a ainsi rappelé que l'éventualité d'une enquête en France avait été " discutée " lors de la sélection ayant abouti, le 28 juin dernier, à la nomination de Christine Lagarde. Cette décision de la Cour de justice française n'est " aucunement incompatible " avec les " fonctions actuelles de Mme Lagarde ", s'est par ailleurs empressé de souligner son avocat, Me Yves Repiquet, qui prédit déjà " un non-lieu " pour sa cliente. Il n'empêche, l'image de la nouvelle directrice générale du FMI, aujourd'hui très appréciée de la presse anglo-saxonne, pourrait tout de même être légèrement écornée. En effet le code éthique du FMI et le contrat de travail de Christine Lagarde ne précisent-ils pas que tout employé de l'institution se doit d'éviter " ne serait-ce que l'apparence d'un comportement inapproprié " ? La notion de conflit d'intérêts étant beaucoup plus stricte aux Etats-Unis qu'en France, il y a fort à parier que, dès l'apparition des premières difficultés dans les prochains mois, certains ne manqueront pas de faire allusion à cette affaire. Pour l'heure, entièrement focalisée sur la question de la dette aux Etats-Unis, la presse américaine s'illustrait hier après-midi par son absence de réactions. En France, en revanche, l'eurodéputée Corinne Lepage ainsi que l'opposition socialiste ne se sont pas privés pour dénoncer un " affaiblissement " de la position de Christine Lagarde.