Dans la ville pâlotte de Bordj Bou Arréridj, existe un ancien château qui surplombe cette région des Biban. La bâtisse construite avant même l'époque romaine, et bien avant la ville de Bordj, était une sorte de monument dédié à Dieu par Salomon, comme cela est raconté dans les livres sacrés. C'est également comparable au château de Priam, le roi de Troie, ville prise par les Spartes, seulement par la ruse, " le cheval de Troie ". Le château d'El Mokrani est tout comme Santa Cruz à Oran, un fort contre les envahisseurs de tout bord, et une sorte de caravansérail pour les commerçants voyageurs. Ce bordj ou fort est édifié sur un rocher de quinze mètres de hauteur, surplombant toute la ville de Bordj Bou-Arréridj, ce qui rend le site visible de tous les côtés et est aussi un poste d'observation et de surveillance. D'en haut on peut voir tous les villages environnants, même ceux situés à une vingtaine de km d'où sa position stratégique pour défendre, à travers les époques, toutes les portes d'entrée de la ville et protéger du temps des invasions. Cette bâtisse, qui domine son seulement la ville de Bordj mais aussi toute cette région de l'est, est profanée. Elle se meurt de l'érosion du temps et de l'inconscience des hommes inaptes à garder une mémoire, un symbole ou même une esthétique. Ces hommes savent -ils que la ville de Bordj ne recèle que cet unique vestige historique, pouvant par une simple volonté devenir un véritable lieu de pèlerinage touristique ? A maintes fois dit, à maintes fois écrit et rappelé, ce fort ne cesse de dépérir à vue d'œil perdant ainsi jusqu'à son âme autrefois plongée dans les racines de notre histoire ancienne, et notre histoire révolutionnaire. Une partie de sa haute tour, située au nord de la construction, s'est effondrée. Vestige de plusieurs civilisations, le château Mokrani ou Bordj Mokrani, tombe en ruines. Ce haut lieu de toutes les résistances, cette fierté locale, ce symbole des symboles est aujourd'hui abandonné. Ce fort qui se meurt sous les yeux impuissants de tous les amoureux de la chose historique et archéologique, a été cédé par l'armée algérienne entre 1967 et 1968 à l'APC de Bordj Bou Arréridj. Ayant été une caserne pendant plus d'un siècle, le même fort a été mis à la disposition de l'Agence nationale d'archéologie par l'APC en 1993. Le but c'était de permettre à cette agence d'en faire un musée à la mémoire de la résistance héroïque et au combat de l'un des précurseurs de la lutte armée contre l'occupant français, El Hadj El Mokrani. L'objectif était double : en faire un musée et aussi une bibliothèque pour toute la région des Biban. Comme dans notre pays, les initiatives s'essoufflent en chemin, ce projet n'a pas fait long feu. Un autre musée a été construit près du Fort d'El Mokrani. Qui en a décidé ainsi alors que ce fort est bien réel et de surcroît offre l'espace et les moyens qu'il faut pour constituer un véritable musée ? L'idée d'une bibliothèque pour toute la wilaya, tombe à l'eau. Les élus de l'APC de Bordj jettent la balle à l'Agence nationale d'archéologie, soutenant que "c'est à elle de se débrouiller ou d'abandonner le château ". De l'unique source d'eau appelée à l'époque Aïn Bordj, coulait une eau curative, dit-on, puisqu'elle venait de la fontaine du roi (Aïn soltane), située dans les montagnes de Merisane. Cette source surnommée par les Bordjiens "Aïn cirage " a été détruite et son eau a été détournée vers une destination inconnue. En tout cas, l'on ne sait pas jusqu'à présent pourquoi l'APC, dans les années 60, avait détruit une partie des murs du château et cette source d'eau. Selon les anciens Bordjiens, dans les années 60, le château était entouré de jardins, arrosés justement par cette source. Ses champs de légumes et de fleurs ont été " cédés " au béton. Ce fort historique est signalé dans plusieurs livres consacrés à Bordj Bou-Arréridj dont l'un a été écrit par Francine Dessaigne, une historienne française qui relève que " situé à 900 mètres d'altitude sur le plateau désertique de la Medjana, le village de Bordj Bou-Arréridj n'éxistait pas encore lorsqu'en octobre 1839, le duc d'Orléans avec l'armée du général Valée, décide le bivouac au lieudit Aïn Bou-Arroudj, protégée par un fort ". Au risque d'assister à la destruction massive de nos sites et monuments historiques, il est urgent à ce que nos responsables mettent les moyens afin de sauver ce pan de notre mémoire, s'ils ne veulent pas se ridiculiser dans les discours pompeux vantant les héros de la Révolution et la Révolution, lors de grand rendez-vous politiques.