Le spécialiste de la télévision payante, Canal+, est en passe de faire une percée fracassante dans l'univers du gratuit en prenant le contrôle de Direct 8 et Direct Star, les deux chaînes du groupe Bolloré. La filiale de Vivendi a pris tout le monde de court en publiant, avant-hier, une prise de participation majoritaire au capital des deux chaînes de la TNT dans le cadre d'un partenariat stratégique avec le groupe de Vincent Bolloré qui se désengage ainsi en partie de la télévision. "Ce partenariat vise à préparer le Groupe Canal+ à l'arrivée dans le secteur de la télévision de nouveaux opérateurs comme Apple, Netflix, Google", déclare dans un communiqué Bertrand Méheut, le président du directoire de Canal+, en insistant sur les moyens très importants dont bénéficient ces nouveaux acteurs de l'audiovisuel. Selon les modalités du projet d'accord, le premier groupe de télévision payante en France prendra 60% du capital des deux chaînes dont il assurera la direction opérationnelle. En contrepartie, Bolloré recevra à la clôture de l'opération 16,2 millions d'actions Vivendi, soit 279 millions d'euros sur la base du cours moyen des quatre derniers mois. Canal+ dispose en outre d'une option lui permettant, dans un délai de trois ans, de prendre le contrôle de la totalité des deux chaînes contre le versement en numéraire de 186 millions d'euros. L'accord doit encore être soumis aux représentants du personnel et aux autorités de régulation. "Le bouclage de l'opération pourrait prendre plusieurs mois", a-t-on précisé de source proche du groupe. Canal+, essentiellement présent dans la télévision à péage, n'avait pas caché son ambition de mettre le pied dans le gratuit en lançant une nouvelle chaîne baptisée "Canal 20" grâce au canal compensatoire qui doit en théorie lui être attribué d'ici la fin de l'année. L'attribution d'une chaîne "bonus", dont M6 et TF1 doivent également bénéficier, se heurte toutefois à l'opposition de l'Union européenne qui a adressé une mise en demeure à la France. LE PROJET CANAL 20 MAINTENU En mettant la main sur Direct 8 et Direct Star, Canal+ s'assure ainsi deux créneaux dans le gratuit, même si elle maintient officiellement le projet "Canal 20". "Nous croyons toujours à Canal 20", a assuré Bertrand Méheut, le président du directoire de Canal+, dans une interview au quotidien Les Echos paru, hier. "A l'heure où tous les téléviseurs vont être connectés et où le consommateur pourra avoir accès à un nombre infini d'offres délinéarisées, l'élargissement de l'offre de télévision gratuite est inéluctable", ajoute-t-il. La filiale de Vivendi va toutefois devoir faire un choix entre ses fréquences sur la TNT qui devraient atteindre le nombre de huit après le rachat de Direct 8 et Direct Star, soit une de plus que le maximum autorisé par la réglementation. "Plusieurs scénarios sont envisagés", a déclaré Bertrand Méheut à l'Echos, en précisant seulement que seule l'hypothèse d'une restitution de la fréquence d'i-Télé était exclue. L'annonce de ce projet, qui chamboule le paysage audiovisuel français, intervient à quelques jours seulement de la remise, lundi, du rapport du président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, Michel Boyon, sur l'avenir de la TNT. Très attendu, le rapport doit notamment évoquer le dossier des chaînes bonus et se prononcer sur l'opportunité de lancer de nouvelles chaînes sur la TNT. Diffusées sur la TNT gratuite, la chaîne généraliste Direct 8 et la chaîne musicale Direct Star, rachetée il y a tout juste un an par Bolloré, ont réalisé en août une part d'audience cumulée de près de 4%. En cédant une participation majoritaire, Bolloré, qui possède de nombreuses participations de l'automobile aux plantations, en passant par les batteries, opère un changement de cap après avoir investi depuis cinq ans dans la télévision et la presse écrite avec le gratuit Direct Matin. Le groupe industriel diversifié entre du même coup au capital de Vivendi.