La passionnante relation qu'à eue l'écrivain Kateb Yacine avec les planches sera redécouverte à la faveur d'un colloque international consacré à l'auteur de " Nedjma" disparu, presque jour pour jour, il y a 22 ans. Ce rendez-vous hautement académique se déroulera à Guelma, près de chez lui dans l'est, du 25 au 28 octobre prochain, une date qui correspond à l'anniversaire de sa disparition. Il s'agira tout au long de cette rencontre d'analyser la vision très populaire qu'à eue Kateb Yacine pour un théâtre résolument protestataire et tirant son langage de celui des plus grandes masses. La salle de cinéma de la ville, El Intissar, accueillera pas mal de chercheurs et d'universitaires qui prévoient de livrer 16 communications en rapport avec la littérature du Maghreb, selon Ali Abbassi président de l'association de la promotion du tourisme et des activités culturelles de la wilaya de Guelma, et également responsable de la commission de préparation du colloque. Selon toujours ce président, les chercheurs qui viendront pour l'occasion, se déplaceront à partir de plusieurs pays dont la France, la Belgique et l'Autriche. Côté algérien, les invités se déplaceront des universités d'Oran, de Sidi Bel-Abbès, de Béjaïa, de Tizi Ouzou, de Skikda et de Guelma. Outre les chercheurs, ce colloque rassemblera des artistes, des cinéastes et des hommes de lettres algériens de renom, dont Rachid Boudjedra qui donnera une conférence sur " l'homme et son œuvre " et Bouziane Benachour qui interviendra sur le thème " Kateb Yacine, ou l'expression vivante de l'être social ". Un film documentaire d'une durée de 70 minutes, réalisé par Djilali Khellas sera projeté à l'occasion de cette rencontre, suivi par un autre film réalisé par Brahim Hadj Slimane. Jamais l'œuvre katébienne n'a été aussi revisitée que ces dernières années où les pouvoirs publics ne ratent aucune occasion d'organiser des hommages posthumes à la gloire de l'écrivain. En 2009, une tournée artistique a eu lieu dans pas mal de villes algériennes pour faire découvrir et l'œuvre théâtrale et l'œuvre littéraire de l'iconoclaste keblouti. La dimension intellectuelle et humaine de l'écrivain et poète Kateb Yacine fut d'ailleurs évoquée par le professeur de littérature à l'université d'Annaba, Cheniki qui a retracé l'expérience théâtrale de l'auteur de Nedjma, lequel avait décidé après 1970, d'écrire en arabe dialectal pour "dire le vécu et rompre, ainsi, avec le genre romanesque, en poursuivant son aventure artistique avec la réalisation de pièces, marquées par les jeux poétiques et l'engagement politique". Un écrivain résolument populaire Cela fera 22 ans depuis que l'iconoclaste Kateb Yacine est décédé à Grenoble, des suites d'une leucémie foudroyante. L'écrivain, qui s'est appliqué à souffler du neuf dans la littérature algérienne par le procédé du nouveau roman. Une écriture, qui rompt avec un classicisme épuré et qui propose d'autres voix pour explorer le sens, celui de la forme. Ecrivain résolument tourné vers l'avenir, Kateb Yacine a pratiquement signé une seule œuvre, " Nedjma", dans laquelle il a exprimé sa vision du colonialisme et celle des libertés individuelles et collectives. Le roman qui n'obéit aucunement à une écriture classique, du fait que la trame ne présente ni intrigue ni dénouement, est classé parmi le genre " Nouveau roman", une littérature en vogue vers les années 50, notamment avec Tristan Zara et André Breton. Dans son livre, il s'agissait d'aller au-delà du récit lui-même pour explorer l'univers de l'écriture proprement dite. C'est-à-dire que le texte littéraire lui-même, et à lui seul, a un sens sans recourir aux significations d'une trame avec des personnages vivant une histoire sur fond de bouleversement. Le livre qui est traduit dans plusieurs langues, est jusqu'à ce jour, enseigné aussi bien dans les universités étrangères qu'algériennes. Féministe, le keblouti " s'est toujours rangé du côté des plus faibles. N'a-t-il pas dit à propos du livre de Yamina Mechkara, " La grotte éclatée " qu'il a préfacé, " Une femme qui écrit vaut son pesant d'or " ? Résolument révolutionnaire, l'auteur de "L'homme aux sandales de Caoutchouc" a fait savoir aux Français dans leur propre langue, le refus de tout un peuple pour l'asservissement et l'avilissement. Né le 6 août 1929 à Constantine, Kateb Yacine a très tôt évolué dans un univers poétique et musical, sa mère qui perd la raison après les événements de mai 45, excellait dans cette littérature orale. Entre 1934 et 1935, le jeune Kateb au nom prédestiné -littéralement écrivain- entre à l'école coranique de Sedrata puis à l'école française (à Lafayette Bougaâ en basse Kabylie, l'actuelle dans la wilaya de Sétif) où sa famille s'est installée, puis en 1941, comme interne, au collège Albertini (Sétif) devenu Kerouani après l'indépendance. Il se trouve en classe de troisième quand éclatent les manifestations du 8 mai 1945 auxquelles il participe, et qui s'achèvent par le massacre de plus de 40.000 algériens par la police et l'armée françaises. Trois jours plus tard, il est arrêté et détenu durant deux mois. Exclu du lycée, traversant une période d'abattement, plongé dans Baudelaire et Lautréamont, son père l'envoie au lycée de Annaba (ex-Bône). C'est là qu'il vivra un total bouleversement avec la rencontre de " Nedjma " (l'étoile), une cousine déjà mariée avec laquelle il vécut " peut-être huit mois ", confiera-t-il dans son premier recueil de poèmes en 1946. Cette rencontre d'un amour impossible va lui servir de prétexte pour dire son amour d'abord pour l'Algérie, la métaphore de Nedjma ensuite pour cet amour déçu. En 1947 Kateb arrive à Paris, " dans la gueule du loup " et prononce en mai, à la Salle des Sociétés savantes, une conférence sur l'Emir Abdelkader, adhère au Parti communiste algérien. Au cours d'un deuxième voyage en France, il publie l'année suivante Nedjma ou le Poème ou le Couteau (" embryon de ce qui allait suivre ") dans la revue " Le Mercure de France ".