C'est demain que s'ouvre à l'université de Guelma le second colloque international spécial, Kateb Yacine. Dans ce rendez-vous littéraire qui s'étalera jusqu'au 30 octobre prochain, il est prévu pas moins d'une quinzaine de communications dont 8 seront présentées par des chercheurs étrangers. Comme le Keblouti n'a écrit qu'une œuvre majeure, "Nedjma", il sera question lors de ce colloque d'une étude en amont comme en aval de ce roman à l'écriture éclatée sous le thème, ''Nedjma, modernité, esthétique, héroïsme romanesque''. Les débats ainsi que les communications s'annoncent très académiques d'autant que l'œuvre katébienne est fondamentalement hermétique du fait que l'écrivain qu'on décrit d'ailleurs comme un poète, détonne par sa liberté de ton. Les invités qui se déplaceront à partir des Etats-Unis d'Amérique, de France, d'Allemagne, d'Autriche, de Tunisie et du Maroc et qui sont tous des spécialistes, auteurs de travaux sur ''Nedjma'' et Kateb Yacine, célébreront ainsi à travers leur travaux le 21ème anniversaire du décès de l'iconoclaste écrivain. Parmi les participants étrangers, Ali Abbassi, responsable de l'association de wilaya pour la promotion du tourisme, à l'origine de cette initiative cite Catherine Milkovitch-Roux de l'université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand (France) sous le titre ''Nedjma, l'enfance, le héros de la guerre'', Guy Dugas de l'université Paul-Valery de Montpellier ''le nouveau et l'inédit dans Nedjma'', le chercheur Abdallah Aloui, de l'université marocaine de Rabat ''la singularité de Nedjma et son influence sur la littérature maghrébine'' Les algériens qui y participeront s'appellent, Mostefa Seridi de l'université de Guelma (Pourquoi ''Nedjma ?'', Khaled Boucif, professeur d'histoire à l'université d'Oran ''Les évènements du 8-Mai 1945 dans Nedjma'' et Nadia Kada de l'université de Tizi Ouzou ''La révolution et l'esprit révolutionnaire dans Nedjma''. Plus de 300 invités sont attendus à cette manifestation, parmi lesquels des membres de la famille de l'auteur du ''Polygone étoilé'' et des amis, notamment Benamar Mediene. Une pièce de théâtre intitulée ''Eclats de textes de Kateb Yacine'', mise en scène par son ami Hassane Assous, sera jouée par les comédiens du théâtre régional de Sidi Bel-Abbès à l'occasion de ce colloque. Nedjma, la mère patrie Unique ouvrage qu'il a paraphé, "Nedjma " de Kateb Yacine sera le thème central de ce énième rendez-vous consacré à un auteur très réputé mais dont l'oeuvre est très peu connue. "Nedjma ", chef- d'œuvre ? Certains considèrent cet ouvrage très lourd, complexe, imbriqué, comme un chef-d'œuvre de la littérature contemporaine. Mais qu'est-ce qu'un chef-d'œuvre ? Si vous lisez Nedjma, le livre vous tombe des mains à cause de sa platitude, du manque de rythme, de cette recherche inlassable de l'identité à travers des personnages qu'on retient à peine, et qui ont de gros rapports entre eux, comme Nedjama, Si Mokhtar, Mourad, Rachid… et dans tout ça les Keblout un nom donné aux anciens habitants de l'Algérie et dont l'étymologie viendrait, selon le texte de Nedjma d'un mot turc, Hbel (corde). Des professionnels viendront donc disséquer cette œuvre, à l'occasion de ce colloque, que l'on a remis cette année ; car selon les organisateurs, le succès de l'an dernier était "considérable. C'est pour cette raison que nous avons décidé de la remettre", expliquent-ils. Selon Ali Abbassi, cette rencontre littéraire sera parrainée par le ministère de la Culture qui prendra en charge, partiellement, le financement. Intervenant sur le choix de "Nedjma", l'œuvre maîtresse de la création artistique de Kateb Yacine, Ali Abbassi, a estimé que cette option procède du souci de "dévoiler d'avantage la richesse de cet ouvrage énigmatique", qui, selon lui, "recèle une densité linguistique, sentimentale et sémantique qui en font une œuvre révolutionnaire à plus d'un égard". Une tâche, a-t-il précisé, à laquelle s'attelleront des académiciens de différents pays. En lisant Nedjma, on pense à un écheveau. Kateb Yacine aurait sans doute mieux fait d'écrire plusieurs livres fluides au lieu d'accoucher d'une Nedjma où il s'attelle à chercher ses origines sur des branches d'arbres qui ne finissent pas. Kateb Yacine - qui n'était pas spécialement prolifique - a fait pratiquement une seule œuvre, " Nedjma" dans laquelle il a exprimé sa vision du colonialisme et celle des libertés individuelles et collectives. Le roman qui n'obéit aucunement à une écriture classique, du fait que la trame ne présente ni intrigue ni dénouement, est classé parmi le genre " Nouveau roman", une littérature en vogue vers les années 50, notamment avec Tristan Zara et André Breton. Dans son livre il s'agissait d'aller au-delà du récit lui-même pour explorer l'univers de l'écriture proprement dite. C'est-à-dire que le texte littéraire lui-même et à lui seul, a un sens sans recourir aux significations d'une trame avec des personnages vivant une histoire sur fond de bouleversement. Le livre, qui est traduit dans plusieurs langues, est jusqu'à ce jour, enseigné aussi bien dans les universités étrangères qu'algériennes. Féministe, " le keblouti " s'est toujours rangé du côté des plus faibles. N'a-t-il pas dit à propos du livre de Yamina Mechkara, " La grotte éclatée " qu'il a préfacé, " Une femme qui écrit vaut son pesant d'or " ? Résolument révolutionnaire, l'auteur de "L'homme aux sandales de caoutchouc", a fait savoir aux Français dans leur propre langue, le refus de tout un peuple pour l'asservissement et l'avilissement.