L'agence d'évaluation financière Standard & Poor's a abaissé, avant-hier, d'un cran la note de Chypre, en raison de l'importance de l'exposition de son système bancaire à la dette grecque, et a prévenu qu'elle pourrait l'abaisser encore dans les mois à venir. La note de Chypre revient à BBB, contre BBB- auparavant. Un abaissement supplémentaire de deux crans précipiterait ce pays membre de la zone euro dans la catégorie spéculative, avec pour conséquence des difficultés accrues de refinancement de son déficit budgétaire. S&P avait déjà abaissé fin juillet la note du pays, avant d'avertir quelques jours plus tard qu'elle pourrait faire de nouveau de même en la plaçant sous surveillance négative. L'agence maintient toujours son examen étroit de la situation du pays et pourrait donc abaisser sa note de nouveau. Les deux autres grandes agences d'évaluation financière, Fitch Ratings et Moody's Investors Service, avaient elles aussi abaissé la note du pays cet été, à BBB pour la première et à Baa1 pour la seconde. Dans les deux cas encore, les perspectives d'évolution de la note sont négatives. S&P est particulièrement préoccupée par le poids de l'exposition des banques chypriotes à la dette grecque : elle l'évalue à 165% du produit intérieur brut (PIB) de l'île, si on additionne tout à la fois dette souveraine, dette des entreprises et dette bancaire. En fonction de la décote exigée des porteurs privés de dette grecque, les banques chypriotes vont requérir une recapitalisation pouvant représenter jusqu'à 10% du PIB, s'alarme l'agence. Les autorités européennes sont parvenues dans la nuit à faire admettre aux banques internationales une décote représentant 50% de la valeur nominale de leurs titres. Cet effort est bien plus important que celui qu'elles avaient accepté en juillet (de l'ordre de 21%). Les banques chypriotes vont donc probablement devoir se tourner vers l'Etat pour obtenir les fonds propres indispensables, même si elles affichaient à la fin juin un ratio de solvabilité enviable de 11,2%, pronostique S&P. Pour l'agence, un défaut de l'Etat grec va se répercuter de manière beaucoup plus importante que dans ses précédentes évaluations sur les coûts de financement du secteur privé chypriote. En outre, un ralentissement de l'économie risque de pousser les responsables politiques de l'île à différer les indispensables réformes de la fiscalité et du marché du travail. S&P note que les mesures annoncées en août par le gouvernement sont insuffisantes pour lui permettre de tenir ses objectifs de réduction du déficit budgétaire. Le sort des nouvelles mesures d'austérité indispensables est peu clair, note l'agence, en raison de l'opposition des syndicats. L'agence estime que la croissance de l'île pourrait être nulle jusqu'en 2013, du fait de la détérioration de l'économie mondiale et elle pronostique des déficits budgétaires pouvant aller jusqu'à 7% du PIB cette année et 4% l'an prochain.