Le Centre culturel français d'Alger (CCF) prévoit d'ici le 16 novembre prochain d'organiser un important événement autour de la figure et de l'œuvre de l'iconoclaste écrivain, Kateb Yacine, disparu, presque jour pour jour, il y a 22 ans. Par Rebouh H Ce rendez-vous sera émaillé d'une conférence au CCF sous le titre, "Kateb Yacine , le poète rebelle " et qui sera proposé par le groupe Brahim Hadj Slimane avec Fadéla Kateb, Yahia Belaskri, Stéphane Gatti, Armand Gatti. Le même jour, il est prévu la projection du film, "La troisième vie de Kateb Yacine ", un 26 min sortie en 2008 et réalisé par Brahim Hadj Slimane. Ce film documentaire relate l'aventure théâtrale du poète et dramaturge, auteur du roman mythique " Nedjma ". Un témoignage poignant sur une épopée théâtrale aussi belle et intense que méconnue. "Retourner vers Kateb Yacine est toujours une première fois". Il y a chez ce poète, parti trop tôt, l'attrait d'un bloc irradiant qui circule dans le ciel, étoile parmi les étoiles. Selon la propre expression de Kateb, "un écrivain a une seconde vie après sa mort", disait Brahim Hadj Slimane, journaliste, réalisateur et auteur de 29 visions de l'exil, (Editions Tira, 2009). Après cette projection, il y aura une table ronde animée par Fadéla Kateb avec toujours Brahim Hadj Slimane, Baghdad Boumerdès, (Editions du cygne, 2010), Yahia Belaskri, journaliste et écrivain, lauréat du Prix Etonnants voyageurs 2011 pour : Si tu cherches la pluie elle vient d'en haut (Vents d'Ailleurs, 2010), Stéphane Gatti, réalisateur, scénographe et auteur du film Kateb Yacine, poète en trois langues. Cet évènement est présenté en parallèle au spectacle poétique " Le poète comme boxeur ", jeudi 17 novembre à 19H00 où il est question d'un grand show du fils du Keblouti, Amazigh Kateb. Fin du mois d'octobre dernier, à Guelma, la contrée dont est issue l'écrivain, la passionnante relation qu'a eue Kateb Yacine avec les planches fut redécouverte à la faveur d'un colloque international consacré à l'auteur de " Nedjma". Ce rendez-vous hautement académique qui se déroulait près de chez lui dans l'Est, du 25 au 28 octobre, se voulait découvrir et d'analyser la vision très populaire qu'à eue Kateb Yacine pour un théâtre résolument protestataire et tirant son langage de celui des plus grandes masses. La salle de cinéma de la ville, El Intissar, accueillait pas mal de chercheurs et d'universitaires qui livraient 16 communications en rapport avec la littérature du Maghreb, selon Ali Abbassi président de l'Association de la promotion du tourisme et des activités culturelles de la wilaya de Guelma, et également responsable de la commission de préparation du colloque. Les chercheurs qui sont venus pour l'occasion, s'étaient déplacés à partir de plusieurs pays dont la France, la Belgique et l'Autriche. Côté algérien, les invités étaient des universiaires d'Oran, de Sidi Bel-Abbès, de Béjaïa, de Tizi Ouzou, de Skikda et de Guelma. Outre les chercheurs, ce colloque rassemblait des artistes, des cinéastes et des hommes de lettres algériens de renom, dont Rachid Boudjedra qui a donné une conférence sur " L'homme et son œuvre " et Bouziane Benachour qui intervenait sur le thème " Kateb Yacine, où l'expression vivante de l'être social ". Un film documentaire d'une durée de 70 minutes, réalisé par Djilali Khellas fut également projeté à l'occasion de cette rencontre, suivi par un autre film réalisé par Brahim Hadj Slimane. Jamais l'œuvre katébienne n'a été aussi revisitée que ces dernières années où les pouvoirs publics ne ratent aucune occasion d'organiser des hommages posthumes à la gloire de l'écrivain. En 2009, une tournée artistique a eu lieu dans pas mal de villes algériennes pour faire découvrir et l'œuvre théâtrale et l'œuvre littéraire de l'iconoclaste keblouti. La dimension intellectuelle et humaine de l'écrivain et poète Kateb Yacine fut d'ailleurs évoquée par le professeur de littérature à l'université d'Annaba, Cheniki qui a retracé l'expérience théâtrale de l'auteur de Nedjma, lequel avait décidé après 1970, d'écrire en arabe dialectal pour "dire le vécu et rompre, ainsi, avec le genre romanesque, en poursuivant son aventure artistique avec la réalisation de pièces, marquées par les jeux poétiques et l'engagement politique". Kateb Yacine réhabilité Cela fera 22 ans depuis que l'anti conventionnel Kateb Yacine est décédé à Grenoble, des suites d'une leucémie foudroyante. L'écrivain, qui s'est appliqué à souffler du neuf dans la littérature algérienne par le procédé du nouveau roman. Une écriture, qui rompt avec un classicisme épuré et qui propose d'autres voix pour explorer le sens, celui de la forme. Ecrivain résolument tourné vers l'avenir, Kateb Yacine a pratiquement signé une seule œuvre, " Nedjma", dans laquelle il a exprimé sa vision du colonialisme et celle des libertés individuelles et collectives. Le roman qui n'obéit aucunement à une écriture classique, du fait que la trame ne présente ni intrigue ni dénouement, est classé parmi le genre " Nouveau roman", une littérature en vogue vers les années 50, notamment avec Tristan Zara et André Breton. Dans son livre, il s'agissait d'aller au-delà du récit lui-même pour explorer l'univers de l'écriture proprement dite. C'est-à-dire que le texte littéraire lui-même, et à lui seul, a un sens sans recourir aux significations d'une trame avec des personnages vivant une histoire sur fond de bouleversement. Le livre qui est traduit dans plusieurs langues, est jusqu'à ce jour, enseigné aussi bien dans les universités étrangères qu'algériennes. Féministe, le keblouti " s'est toujours rangé du côté des plus faibles. N'a-t-il pas dit à propos du livre de Yamina Mechkara, " La grotte éclatée " qu'il a préfacé, " Une femme qui écrit vaut son pesant d'or " ? Résolument révolutionnaire, l'auteur de "L'homme aux sandales de Caoutchouc" a fait savoir aux Français dans leur propre langue, le refus de tout un peuple pour l'asservissement et l'avilissement. Né le 6 août 1929 à Constantine, Kateb Yacine a très tôt évolué dans un univers poétique et musical, sa mère qui perd la raison après les événements de mai 45, excellait dans cette littérature orale. Entre 1934 et 1935, le jeune Kateb au nom prédestiné -littéralement écrivain- entre à l'école coranique de Sedrata puis à l'école française (à Lafayette Bougaâ en basse Kabylie, l'actuelle dans la wilaya de Sétif) où sa famille s'est installée.