Partir un peu sur les traces de Kateb Yacine, faire escale � des lieux de m�moire et d��criture, lieux charg�s d�effluves et d�exaltations kat�biennes (Annaba, Souk-Ahras, Constantine, S�tif puis Alger) est l�id�e de ce voyage. La manifestation itin�rante �Cinq escales pour une �toile�, initi�e par l�Agence alg�rienne pour le rayonnement culturel (Aarc) en comm�moration du 20e anniversaire de la disparition de Kateb Yacine, qui a d�marr� le 13 d�cembre pass� � travers cinq villes de l�est du pays, et pas des moindres � partir un peu sur les traces de son enfance, � savoir respectivement � Annaba, Souk-Ahras, Constantine �, a fini son voyage mercredi � S�tif, charg�e de �l�aura� de l��crivain alg�rien, vu que c�est dans cette ville qu�il fut arr�t� � l��ge de 17 ans, dans la foul�e des massacres douloureux du 8 mai 1945. Dans chacune de ces villes �tapes, le public a pu d�couvrir � travers des documentaires : Kateb Yacine de Jean Pratt, Kateb Yacine, po�te en trois langues de St�phane Gati, La troisi�me vie de Kateb Yacine de Brahim Hadj-Slimane et Kateb Yacine, l�amour et la R�volutionde Kamel Dehane. Des lectures ont �t� faites, notamment par Sid-Ahmed Agoumi qui a su rendre l�authenticit� et la profondeur d�une �uvre, notamment Cadavre encercl�ou Nedjma dont le texte fascine autant de nos jours. Le troisi�me volet de ces �voyages� dans l��uvre kat�bienne est une exposition regroupant des extraits d��uvres, de photographies et des d�clarations de Kateb. Ce voyage �initiatique� dans la vie et l��uvre du grand �crivain alg�rien s�est amarr� dans sa derni�re escale, jeudi � Alger, � la salle Cosmos. Dans la salle un public pratiquement jeune avec au fond des yeux, braqu�s dans un silence religieux sur le grand �cran o� Kateb Yacine parle, parle de lui, de cette Alg�rie douloureuse et rebelle, de son �criture n�e de l�injustice et de la qu�te identitaire, de ses anc�tres les Keblouti, de sa langue, tamazight, et du choc de la d�couverte de cette langue� de tout ce qui a fait de Kateb Yacine l��ternel rebelle. Alors, l�envie de savoir, l�envie de comprendre. Kateb Yacine avec un sourire au coin des l�vres, s�duit encore, le geste lent et la parole incisive. L�envie de savoir devient immense et Kateb Yacine finit par p�n�trer dans l�univers de ces jeunes qui sont venus ici principalement pour �couter chanter son fils Amazigh, ils d�couvrent alors le p�re et le choc est terrible, alors c�est le d�sir de meubler cette m�moire collective, parfois st�rile et vide de connaissances, vide de ces personnages et symboles litt�raires qui font de la litt�rature alg�rienne une litt�rature universelle. Lorsque l�auteur de Nedjma, dans le documentaire Kateb Yacine, po�te en trois langues de St�phane Gatti finit par parler, lorsque l��cran noir s��teint, une incroyable �motion est perceptible, l�homme disparu vingt ans plus t�t hante encore de son aura le milieu culturel alg�rien et autre. Un autre documentaire, La troisi�me vie de Kateb Yacine, de Brahim Hadj-Slimane r�alis� dans le cadre des ateliers d��criture cin�matographique initi�s par l�association Ka�na Cin�ma � B�ja�a, se d�roule � son tour, revenant � Sidi-Bel- Abb�s, sur les traces de Kateb avec la prise de parole d�acteurs de th��tre ayant travaill� avec lui. Cette journ�e riche en enseignements s�est cl�tur�e par des lectures de textes, d�extraits du Cadavre encercl� et autres par l�acteur Agoumi avant de c�der sa place � Amazigh pour chanter des extraits de son nouveau album, Marchez Noir,dans une ambiance festive. Nassira Belloula Trois questions � Amazigh Kateb L��v�nement �Trois escales pour une �toile� a �t� parrain� par Amazigh, le fils de Kateb, qui �tait le leader de Gnawa Diffusion et qui fait une carri�re actuellement en solo avec un nouvel album Marchez noirdont quelques textes sont de Kateb (nous y reviendrons sur cet album). Le Soir d�Alg�rie : Est-ce que c��tait dur de mettre en musique des textes de Kateb Yacine, votre p�re, sachant sa dimension ou son poids ? Amazigh : Non, cela a coul� de source, car � force de lire et relire ses textes, ils finissent par m�habiter, par �tre en moi. Les mettre en forme, comme Bonjour, a �t� une symbiose au fait. Pour ce qui est d� Africain, ce texte a �t� d�clam� lors d�un travail en atelier et apr�s l�avoir d�clam�, j�ai dit au groupe maintenant, on le chante et le morceau est n� ainsi. Est-ce un album hommage � votre p�re ? Non, ce n�est pas un album hommage, sinon j�aurai fait tout l�album avec ses textes et un texte m�appartenant pour finaliser. Non, ce travail pour la premi�re fois je l�assume, c�est un travail qui est le mien et que je voulais faire enti�rement. Revenons � �Cinq escales pour une �toile�... C�est une manifestation tr�s particuli�re avec des moments forts, loin des hommages officiels et symboliques, cela me rassure, car cette comm�moration a rapproch� Kateb du public, c��tait un retour et c��tait vivant avec des points positifs, comme l�introduction de Nedjma traduit en arabe dans le programme des lyc�es et comme ces jeunes, tr�s jeunes, venus apprendre sur ce qui est et �tait Kateb Yacine. Propos recueillis par N. B. CONF�RENCE DE L�UNIVERSITAIRE AHMED CHENIKI Plus de th��tre apr�s Kateb et Alloula Ahmed Cheniki a soulign� dans son intervention consacr�e � Kateb Yacine, c�t� dramaturge, que le th��tre et le journalisme ne sont pas mineurs, comme l�avaient avanc� des universitaires lorsque Kateb Yacine s�est tourn� vers l��criture dramatique en qualifiant cela de paresse. Peut-�tre, dira le conf�rencier, que Kateb pouvait mieux s�exprimer ainsi, et, pour rappel, le grand Becket connu plus pour ses �uvres dramatiques que pour ses romans n�est pas pour autant un �crivain mineur. Le conf�rencier s�est attel� par la suite � expliquer le contexte et les structures r�dactionnelles des pi�ces de th��tre de Kateb, �voquant La poudre d�intelligence, Mohamed prend ta valise ou encore Le Cercle des repr�sailles, sur la continuit� de l��criture, car il n�y a point de ruptures. Mais ce qui est tout a fait extraordinaire chez Kateb, c�est la difficult� de trouver des textes originaux, il y a plusieurs versions d�une m�me pi�ce et l�original n�appara�t point. Cette architecture sc�nique du texte n�est pas une �criture nouvelle, tout au contraire les m�mes structures circulaires sont reprises. L�autre souci de Kateb dramaturgien qui, rappelons-le, avait choisi l�arabe alg�rien pour �crire et jouer ses pi�ces, se souciait de comment �voluer sur sc�ne ou comment faire mouvoir les acteurs sur sc�ne. Le conf�rencier a �voqu� notamment le personnage devenu cl� chez Kateb, Djeha, mais pas le Djeha classique et �populiste�, plut�t un Djeha d�v�tu, anticonformiste. Cet universitaire a soulign� qu��� l�exception de quelques tentatives individuelles, le th��tre alg�rien d�aujourd�hui n�a pas pu enfanter des visions qui comptent, � l�instar de ce qu�ont produit les Yacine, Alloula, Kaki et consorts�, et que le th��tre � son sens est r�ellement mort. N. B. DOCUMENTAIRE DE KAMEL DEHANE Kateb Yacine ouvertement L�autre documentaire programm� lors de cette manifestation est sign� par Kamel Dehane Kateb Yacine, l�amour et la r�volution d�une soixantaine de minutes, r�alis� en 1989, un an avant la mort de Kateb, emport� par une leuc�mie. Durant ce documentaire, Kamel Dehane restitue la personnalit� immense de l��ternel po�te, dans des entretiens o� la disponibilit� de l��crivain et son envie de parler, de se raconter donne des grands moments d��motion. Car l��crivain sans d�tours ni pr�jug�s revient sur toutes les questions ayant jalonn� son parcours, ses origines, son grand amour pour sa cousine Nedjma, la muse de son �uvre charni�re et incontournable, son autre fils Hans, de son Alg�rie des opprim�s et des r�voltes, de l�oppression de la femme alg�rienne, de ses �critures et de ses envies de libert�. Ce film documentaire est une coproduction France/Belgique. A PROPOS DE �NEDJMA� PAR CATH�RINE BRUN �Une �uvre �crite pour les Fran�ais� Dans le documentaire de St�phane Gatti, Kateb Yacine parle de Nedjma, plut�t de l�envie de ma�triser le fran�ais mieux que les Fran�ais pour les combattre, pour leur faire comprendre que l�Alg�rie n�est pas fran�aise et donc de l�envie d��crire alors, dira-t-il, quelque chose d�exceptionnelle et le roman Nedjmava �tre ce roman qu�il voulait, un roman �crit dans un fran�ais ch�ti� et difficile. Lors de sa conf�rence intitul�e simplement �Nedjma�, Cath�rine Brun, ma�tre de conf�rences � l�universit� Paris 3, revient justement sur la complexit� de cette �uvre majeure, sur la difficult� de son approche, sur le fait que le roman se compose d�j� d�une s�rie de fragments de proses et que je cite �le g�nie de cette �uvre litt�raire est d�avoir r�ussi � donner un condens� et une quintessence de la richesse et de la profondeur de l�histoire de l�Alg�rie�.