Les comités de villages situés à la périphérie de la vaste oliveraie de Thiniri, entre les daïras des Ouadhias et de Boghni, au sud de Tizi Ouzou, ont décrété, comme de coutume à la veille du lancement de la campagne oléicole, intervenant vers la mi-novembre, l'interdiction de vente des olives dans le but de limiter le vol des récoltes. Prise à l'unanimité par "Tadjmait" ou l'Assemblée générale des sages du village, cette mesure est, aussitôt, adoptée, rendue publique par voie d'affichage. Celle-ci vise à atténuer les effets du pillage de récoltes par des maraudeurs, sévissant à pareille époque, préjudiciable à l'économie rurale, dont l'oléiculture en constitue la principale ressource, ainsi qu'à prévenir les conflits entre les familles générés par le vol d'olives. Les maraudeurs qui ont l'habitude d'agir de nuit, s'en vont dans les champs relevant des villages des communes de Mechtras, Assi Youcef, Tizi N'tleta et Ait Bouaddou, pour y cueillir les olives dans des sacs de jute qu'ils revendent à des marchands occasionnels d'olives. Ces derniers pratiquent cette activité juteuse qui leur permet de réaliser d'importants gains, en achetant le maximum de fruits à un prix dérisoire, qu'ils destineront à la transformation, avant d'en vendre l'huile à un prix nettement plus avantageux. Le vol des récoltes donne souvent lieu au saccage des jeunes arbres. En effet, pour aller vite en besogne et éviter de se faire surprendre par le propriétaire des lieux, les maraudeurs n'hésitent pas à abîmer les oliviers, en arrachant des branches qu'ils transporteront plus loin, afin d'en cueillir les fruits en toute tranquillité. S'installant en retrait des villages, les commerçants d'olives sont certains de tirer avantage de leur activité, surtout qu'ils n'ignorent pas que les vendeurs, se comptant essentiellement parmi les enfants, ne peuvent pas se permettre d'être exigeants sur le prix, pressés qu'ils sont de se délester de leur encombrante marchandise pour ne pas attirer les soupçons sur son origine, même si le voleur n'avouera jamais son forfait en soutenant toujours que les fruits proviennent du champ familial. Aussi, il existe une autre forme de maraudage, plus ravageuse encore, que consiste à subtiliser carrément les récoltes du jour laissées dans les champs par les paysans, faute de ne pouvoir les transporter dans l'immédiat aux pressoirs ou à leurs domiciles. Le lieu d'entreposage des sacs d'olives, enfouis généralement dans des buissons touffus, est repéré de jour par les maraudeurs, qui y reviennent sur les lieux, une fois la nuit tombée, pour emporter les récoltes accumulées avec peine par des agriculteurs. Bien que la sanction encourue par tout contrevenant consiste simplement en le paiement d'une amende symbolique par tout acheteur d'olives ainsi que par le maraudeur-vendeur ou par son tuteur quand celui-ci est mineur, cette mesure suffit souvent pour induire les effets escomptés, hormis parmi quelques irréductibles qui préfèrent braver cette interdiction sans se soucier des exigences de la vie communautaire. Toutefois, tenant compte de la situation sociale de certains ménages, les comités des villages font une restriction à cette mesure d'interdiction en autorisant les chargés de famille à vendre leur récolte, mais uniquement à des tenants d'huileries, qu'il ne faut pas confondre avec les receleurs de récoltes d'olives que sont les marchands occasionnels. D'ailleurs, de tout temps, des familles, sans autre ressource et dont la vie a toujours été rythmée par l'activité agricole, recourent à la vente d'olives pour se procurer de quoi rembourser des dettes contractées chez l'épicier du coin. Néanmoins, le maraudage ciblant l'olive de table pour sa conservation selon des méthodes artisanales à des fins de consommation domestique, sévit toujours comparativement au vol d'olives de production d'huile, compte tenu du fait que la culture de l'olive de table est très limitée en Kabylie, où sa pratique est réduite aux besoins de pollinisation des champs oléicoles, dominés par la variante.