Motivation - Cette interdiction a été décrétée par les comités de villages situés à la périphérie de la vaste oliveraie de Thiniri dans le but de limiter le vol des récoltes. Prise à l'unanimité par tadjmaït (Assemblée générale des sages du village), cette mesure est, aussitôt adoptée, rendue publique par voie d'affichage. Elle vise à atténuer les effets de ce pillage de récoltes par des maraudeurs, sévissant à pareille époque, préjudiciable à l'économie rurale, dont l'oléiculture constitue la principale ressource, ainsi qu'à prévenir les conflits entre les familles générés par le vol d'olives. C'est la nuit que les maraudeurs s'en vont dans les champs relevant des villages des communes de Mechtras, Assi Youcef, Tizi N'tléta et Aït Bouaddou, pour cueillir les olives dans des sacs en jute qu'ils revendent à des marchands occasionnels d'olives. Ces derniers pratiquent cette activité «juteuse» qui leur permet de réaliser de substantiels gains, en achetant le maximum de fruits à un prix dérisoire, qu'ils destineront à la transformation, avant d'en vendre l'huile à un prix nettement plus avantageux. Le vol des récoltes donne lieu souvent au saccage des jeunes arbres : pour aller vite en besogne et éviter de se faire surprendre par le propriétaire des lieux, les maraudeurs n'hésitent pas à abîmer les oliviers, en arrachant des branches qu'ils transporteront plus loin, afin d'en cueillir les fruits en toute quiétude. S'installant en retrait des villages, les commerçants d'olives sont certains de tirer avantage de leur activité, surtout qu'ils n'ignorent pas que les vendeurs, se comptant essentiellement parmi les enfants, ne peuvent pas se permettre d'être exigeants sur le prix, pressés qu'ils sont de se débarrasser de leur «encombrante» marchandise (olives) pour ne pas attirer les soupçons sur son origine, même si le voleur n'avouera jamais son larcin en soutenant que toujours que les fruits proviennent du champ familial. Une autre forme de maraudage, plus ravageuse encore, consiste à subtiliser carrément les récoltes du jour laissées dans les champs par les paysans, faute de ne pouvoir les transporter dans l'immédiat aux pressoirs ou à leurs domiciles. Le lieu d'entreposage des sacs d'olives, enfouis généralement dans des buissons touffus, est repéré de jour par les maraudeurs, qui reviennent sur les lieux, une fois la nuit tombée, pour emporter les récoltes accumulées avec peine par des agriculteurs. Bien que la sanction encourue par tout contrevenant consiste simplement en le paiement d'une amende symbolique par tout acheteur d'olives ainsi que par le maraudeur-vendeur ou par son tuteur quand celui-ci est mineur, cette mesure suffit souvent à induire les effets escomptés, hormis parmi quelques irréductibles qui préfèrent braver cette interdiction, sans se soucier des exigences de la vie communautaire.