Doté de précieux atouts environnementaux par rapport aux autres énergies fossiles, et de réserves importantes, le gaz voit sa part dans le bilan énergétique mondial augmenter régulièrement depuis les années 70. Cette tendance devrait se poursuivre. La dimension géostratégique du gaz s'accroît. Les échanges dépassent désormais le cadre régional pour s'internationaliser progressivement. La sécurisation des approvisionnements devient ainsi un enjeu majeur pour les pays qui dépendent de son importation. Même s'il n'a pas de marché captif et ne peut prétendre actuellement se substituer massivement au pétrole, en particulier dans les transports, le gaz naturel va jouer un rôle important dans le mixe énergétique de demain. En effet, selon les estimations, vers 2030 les besoins des USA en gaz vont s'accroître de 70% et ceux de l'Union européenne de 53%. Cette évolution de la demande mondiale a poussé, du moins en théorie, à la réflexion vers les chemins d'une convergence d'intérêts entre producteurs et consommateurs d'hydrocarbures, et élargissement du champ du dialogue et de la coopération entre eux. Au-delà du discours officiel qui prône cette convergence d'intérêts, les pays occidentaux ne se privent pas d'agiter l'épouvantail de la sécurité énergétique pour justement dicter aux pays producteurs des politiques énergétiques loin des intérêts de ces derniers. L'illustration de cette situation nous est donnée par le bras de fer actuel entre l'Algérie et l'Espagne sur le gaz. En effet, l'Espagne qui ne cesse de vanter la fiabilité de l'Algérie comme fournisseur, tergiverse à consentir à la compagnie Sonatrach la même position qu'elle accorde aux autres compagnies activant sur son sol. Les obstacles rencontrés par l'Algérie sur le marché espagnol du gaz, qui tendent purement et simplement à étouffer le champ d'intervention de Sonatrach sur le marché espagnol en limitant ses fournitures de gaz à 30% seulement des besoins du marché local, renseignent sur la cupidité des pays consommateurs. Le dialogue constructif entre producteurs et consommateurs prôné par ces derniers, semble ne pas dépasser le stade d'une simple déclaration d'intention. L'ouverture des marchés énergétiques présentée comme la solution miracle aux problèmes d'approvisionnement semble ne pas s'accommoder de la présence d'acteurs issus des pays producteurs combien même il s'agit d'un leader tel Sonatrach ou Gazprom. Concernant justement la compagnie russe, elle ne cesse d'être stigmatisé par l'Europe qui l'accuse de tous les maux. En effet, depuis la crise gazière de janvier 2006 entre la Russie et l'Ukraine, l'Europe voit du mauvais œil la progression de Gazprom. La crise entre Moscou et la Biélorussie, de janvier 2007, n'a fait qu'apporter de l'eau au moulin européen. Ce qui est permis pour les Européens ne l'est pas pour les autres. En effet, c'est ce qu'il faut comprendre de l'attitude de l'UE. Si non comment expliquer la volonté affichée par les Européens à dénier au gazier Gazprom sa détermination à faire de la Russie un leader énergétique mondial. La paranoïa énergétique européenne a connu son pic lors de la signature d'accords entre Sonatrach et Gazprom. En effet, ces accords qui s'inscrivaient dans une pure logique commerciale, étaient considérés par l'UE comme un rapprochement qui allait la geler. Par ailleurs, avec l'aide des USA, l'UE intensifie ses efforts pour la création du couloir énergétique de transport du gaz entre la mer Caspienne et la mer Noire pour organiser de nouveaux itinéraires de livraisons vers l'Europe en contournant la Russie. Elle tente ainsi d'affaiblir l'influence de Moscou dans la région de la mer Caspienne. L'autre illustration de la panique injustifiée des pays consommateurs réside dans leur attitude face à la question de la création d'une Opep du gaz soulevée par certains pays producteurs dont l'Algérie et la Russie. Sur cette question l'Europe a fait preuve d'une incohérence flagrante. En effet, l'Union européenne, qui fonctionne, de faite comme le cartel des consommateurs de gaz, cherche par tous les moyens d'empêcher cette initiative privant ainsi les producteurs d'un cadre leur permettant de préserver leurs intérêts. Leur incohérence va jusqu'à oublier, qu'eux-mêmes préconisent parallèlement la création d'une OTAN-énergétique pour, justifient-ils, protéger par les moyens militaires et les intérêts des pays occidentaux dans la sphère des hydrocarbures. Mieux encore, le congrès américain est allé plus loin en acceptant le 22 mai dernier un décret sur l'interdiction des cartels des pays producteurs. La Chambre des représentants a approuvé un projet de loi sur l'illégalité de la création de structures à l'instar de l'Opep, et les poursuites judiciaires qu'elle implique contre les Etats étrangers, dans le domaine "de l'extraction ou de la distribution du pétrole, du gaz naturel et d'autres produits pétroliers". En acceptant ce décret, le congrès américain met les USA en tête des pays allant subir les poursuites judiciaires contenues dans le décret puisque le président Bush a récemment appelé à la constitution d'un cartel des biocarburants. Cette loi, si elle venait à être adoptée, ne pourrait que pousser les exportateurs d'énergie à prendre des mesures de rétorsion contre les Etats-Unis. La démarche des pays consommateurs est loin de refléter leur discours officiel qui prône le dialogue producteurs/consommateurs. La question du gaz pour demain est strictement identique à celle du pétrole aujourd'hui. Elle relève davantage d'un raisonnement purement géopolitique. La vraie question n'est pas tant la constitution d'une Opep du gaz que la constitution d'un marché global. Un marché global du gaz qui prenne en compte les intérêts des pays producteurs loin des desseins égoïstes des pays consommateurs.