Dans la tempête qui ébranle depuis des mois marchés et groupes financiers, les banques en ligne font mieux que résister et l'expliquent par des tarifs plus bas, une relation directe avec le client et des activités moins nombreuses mais prospères. Petites par la taille malgré une dizaine d'années d'activité (elles comptent aujourd'hui pour environ 3% du marché bancaire de détail français), elles affichent des objectifs élevés et tirent parti des difficultés des établissements traditionnels, quand bien même elles leur appartiennent, pour l'essentiel. "Je sens un élan porteur. Le besoin de payer moins cher, d'être plus attentif à ses frais ressort, donc quand il y a un discours de crise, c'est plutôt favorable aux banques en ligne", explique à Reuters Pascal Donnais, président de Fortunéo, numéro trois du secteur avec 150 000 clients et 210 000 comptes à fin 2010, qui table sur 600 000 comptes en 2015. Comme ses concurrents, il reconnaît que les grandes banques "souffrent un peu" avec la crise de la dette dans la zone euro et l'exigence de renforcer leurs bilans. Ces difficultés ont culminé avec un effondrement soudain en Bourse au cœur de l'été, Société générale a cédé 61,02% entre le 1er juillet et le 21 novembre, BNP Paribas 49,67% et Crédit agricole 60,14%, et aujourd'hui par des plans d'économies. Boursorama, numéro deux de la banque en ligne en France, a limité la perte sur cette période à 26,88%, faisant mieux que l'indice européen du secteur (-34,98%). En termes d'image, "la crise a deux effets pour les banques en général: il y a moins de patience face au manque de transparence ou d'information et le secteur dans son ensemble a été malmené", observe Marie Ramlie, directrice produits et canaux chez ING Direct. Légitimité renforcée Pour cette responsable du numéro un de la banque en ligne en France avec 820 000 clients, cependant, la crise "apporte des opportunités accessibles à tous", mais dont le modèle de la banque en ligne profite davantage. La crise "nous a donné une légitimité renforcée. D'abord quand on parle de transparence, parce qu'on affiche les tarifications, qu'on dit clairement ce qu'on peut faire ou ne pas faire", dit-elle à Reuters. "Ensuite en termes d'égalité de traitement du client. Sur le site, il découvre exactement les offres auxquelles il peut prétendre ou pas." Des résultats valident ce discours: quand la collecte de l'assurance-vie dévisse, ING Direct affiche une croissance de 8% à fin juin. Boursorama a vu sa collecte nette chuter au 3e trimestre par rapport à 2010 (-62% à 24 millions d'euros), mais moins fortement que l'ensemble du marché (-84%), et affiche une progression de 17% des dépôts sur comptes courant et de 39% sur les comptes d'épargne bancaire sur cette même période. Les banques en ligne bénéficient d'une gamme de produits volontairement restreinte mais orientée sur "des segments plutôt prospères", selon Pascal Donnais de Fortunéo. Ainsi, leur activité de courtage s'est envolée dans une période marquée par une grande volatilité des marchés. Au troisième trimestre, Boursorama a enregistré 1,035 million d'ordres, en progression de 13%, et ouvert 12.289 nouveaux comptes de trading (+30%). Et ING Direct a doublé son nombre d'ordres sur août et septembre par rapport à 2010. "Les clients arbitrent leurs positions, se replacent, mais n'abandonnent pas les marchés", souligne Pascal Donnais. Liées aux grandes sociétés "Interpellés par l'approche directe", ils viennent "pour tester", selon Marie Ramlie, d'autant qu'ils manifestent, aussi, une appétence de plus en plus grande pour la banque mobile, à en croire un sondage BVA réalisé les 27 et 28 octobre. Il en ressort que 38% des Français ont déjà utilisé leur téléphone pour faire une opération et que 65% d'entre eux voient les applications bancaires se développer très rapidement. ING Direct, par exemple, a misé sur une application pour l'iPhone d'Apple et sur un partenariat avec le portail Yahoo! pour lancer une chaîne d'information bancaire. Préside à cette stratégie que partage la concurrence, outre l'ADN des banques en ligne, la volonté de renforcer la relation directe avec le client, autre atout revendiqué de ces banques. "On a une structure plus ramassée, donc on n'a pas toute la lourdeur d'une banque traditionnelle. Le client d'une banque traditionnelle a de moins en moins de capacité à avoir un interlocuteur qui ait une capacité de décision", rappelle Inès Mercereau, P-DG de Boursorama. Elle refuse néanmoins de se poser en rival des grandes banques auxquelles les principales enseignes en ligne sont étroitement liées: ING Direct appartient au néerlandais ING, Boursorama à la Société générale à 56% et Caixa Bank à 21%, et Fortunéo au Crédit Mutuel. Si aucune ne s'en cache, personne ne l'exhibe. "Je ne fais pas nécessairement de publicité dessus parce que la première chose à faire c'était d'établir la marque", justifie Inès Mercereau. Quant à Pascal Donnais il juge que "l'on n'en est plus à l'expliquer. Tout le monde a compris que les banques en ligne appartiennent à de grandes sociétés."