Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé, en visite historique en Birmanie, a rencontré, hier matin, à Rangoun l'opposante Aung San Suu Kyi, à qui il doit remettre les insignes de commandeur de la Légion d'Honneur. Le président Nicolas Sarkozy avait annoncé, vendredi dernier, par téléphone à la lauréate du prix Nobel de la paix qu'elle recevrait "en témoignage de son engagement exemplaire" cette distinction des mains du premier chef de la diplomatie française à visiter le pays, lors d'une cérémonie officielle, hier, dans la soirée. Il avait, notamment, souligné le "courage politique dont elle a fait preuve au service de la démocratie et de la liberté en Birmanie, tout particulièrement au cours de ses nombreuses années d'assignation à résidence", selon la présidence. Après un entretien de moins d'une heure avec le ministre français dans la vielle bâtisse près du lac, où elle a passé la majeure partie des vingt dernières années assignée à résidence, la "Dame" de Rangoun a salué, en français, les réformes en cours dans son pays. "Nous espérons que ces nouveaux développements renforceront le processus de démocratisation et la réconciliation nationale", a-t-elle déclaré, insistant sur la nécessité "d'arriver à la fin des conflits ethniques". "J'ai dû travailler très dur pour lire ce texte en français, c'est donc avec soulagement que je donne la parole à Alain Juppé", a-t-elle conclu en riant. Suu Kyi avait été libérée de résidence surveillée en novembre 2010, une semaine après des élections auxquelles son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), n'avait pas participé. Le parti avec qui elle a mené tout son combat politique avait été dissous en mai 2010 pour avoir annoncé son boycott de ce premier scrutin en vingt ans. Mais depuis, la junte, au pouvoir pendant près d'un demi siècle, s'est auto-dissoute et a transféré en mars dernier ses pouvoirs à un nouveau gouvernement "civil", bien que contrôlé par d'anciens militaires. Cette nouvelle équipe a multiplié les réformes spectaculaires, permettant en particulier le retour de Suu Kyi au cœur du jeu politique. La LND est redevenue légale et participera aux législatives partielles d'avril, tout comme l'opposante qui pourrait ainsi faire sa première entrée au parlement. La visite d'Alain Juppé intervient après la libération vendredi de quelque 300 prisonniers politiques, dont des leaders du soulèvement populaire de 1988 et de la "révolte Safran" de 2007, réprimés dans le sang. Cette mesure réclamée sans relâche par l'Occident comme une preuve de la sincérité des réformes a été saluée par l'ONU, l'Union européenne et les Etats-Unis. En arrivant, avant-hier, en Birmanie, Alain Juppé, qui doit rencontrer, aujourd'hui, le président Thein Sein dans la capitale Naypyidaw, avait de son côté salué le caractère "historique" des réformes en cours. Sa visite fait suite à celles de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton début décembre et du chef de la diplomatie britannique William Hague début janvier.