La Banque centrale européenne (BCE) devrait maintenir son arsenal face à la crise inchangé, jeudi, après la réunion mensuelle de son conseil des gouverneurs, au regard du regain d'optimisme qui prévaut depuis le début de l'année en zone euro, selon les analystes. De l'avis de son président Mario Draghi, pourtant avare de superlatifs, la zone euro a même fait "des progrès spectaculaires". "C'est étonnant, si vous comparez aujourd'hui avec les cinq derniers mois, la zone euro est un autre monde", a-t-il encore déclaré la semaine dernière, lors du forum économique mondial de Davos. Maintien attendu du taux à 1% Les derniers indicateurs publiés -notamment l'activité privée qui s'est améliorée en janvier- ont été en effet meilleurs qu'attendus, "réduisant la pression" en faveur de nouvelles mesures de soutien, note Jonathan Loynes, chef économiste Europe de Capital Economics. La BCE devrait donc garder son taux d'intérêt directeur à 1%, son plus bas niveau historique qu'il avait retrouvé en décembre. Pour Jonathan Loynes, le taux devrait d'ailleurs rester cantonné à ce niveau un long moment. Un avis que ne partagent toutefois pas les analystes de RBS qui voient au contraire une baisse de 0,25 point en mars puis avril. Rien de nouveau à attendre non plus en faveur des banques, que la BCE a largement alimentées en liquidités en décembre avec un prêt inédit sur trois ans à 1% (489 milliards d'euros accordés). Une seconde opération sur trois ans, à montant toujours illimité, est prévue le 29 février. Attention à l'excès d'optimisme Alors que cette mesure a été largement saluée comme ayant contribué à réduire les tensions en zone euro, M. Draghi ne devrait pas manquer de se livrer à un exercice d'autosatisfaction sur ce sujet lors de la conférence de presse qui suit la décision sur les taux. M. Loynes met toutefois en garde contre l'excès d'optimisme et attend de voir ses effets sur l'économie réelle, dans un contexte où les dépôts au jour le jour des banques auprès de la BCE continuent d'atteindre des sommets élevés (488 milliards entre jeudi et vendredi). Des chiffres qui laissent à penser que l'argent prêté revient dormir dans les caisses de la BCE au lieu d'irriguer les entreprises et les ménages. Le dernier sondage de la BCE auprès des banques, publié mercredi, montre d'ailleurs que les conditions du crédit se sont encore resserrées au quatrième trimestre 2011 en zone euro -à l'exception de l'Allemagne- et vont continuer à l'être au cours du premier trimestre. Or, pour les économistes de RBS, "la plus grande menace à la croissance en Europe cette année sont les conditions de prêt et le risque d'une restriction du crédit". M. Draghi est plus particulièrement attendu sur la Grèce et les négociations en cours pour effacer une partie de la dette de pays détenue par des créanciers privés. 219 milliards d'euros de dette des pays en difficulté Alors que les pertes (d'un montant de 100 milliards d'euros) consenties par les banques et fonds d'investissement menacent de ne pas être suffisantes pour permettre à Athènes de sortir la tête de l'eau, les regards se tournent vers la BCE pour qu'elle accepte à son tour de renoncer à une partie de l'argent qu'Athènes lui doit. Une éventualité à laquelle elle s'est toujours refusée, soutenue par l'Allemagne. La BCE détient actuellement 219 milliards d'euros de dette des pays en difficulté de la zone euro, dont 45 milliards de dette grecque en vertu de son programme de rachat d'obligations publiques sur le marché secondaire, qu'elle a adopté à reculons et dont elle a toujours dit qu'il était destiné à aider à une "meilleure transmission de sa politique monétaire". Renoncer à une partie de ce montant ne lui poserait aucun problème financier, estiment analystes et banquiers centraux. Cela nuirait en revanche à la règle qui lui a été fixée de ne pas se porter au secours des pays de la zone euro qui auraient mal géré leurs finances. "Si elle y est obligée, cela signifierait que le programme (de rachats d'obligations) est contre-productif", a jugé un banquier central, laissant entendre que la BCE pourrait se montrer plus réticente encore à racheter des obligations des Etats en difficulté.