Le 56e anniversaire de l'indépendance de la Tunisie a été marqué, avant-hier, par une grande manifestation dans le centre de Tunis, organisée à l'appel d'associations de la société civile pour la démocratie. Un an après le renversement du régime Ben Ali, le pays est tiraillé entre islamistes et modernistes. Plusieurs milliers de manifestants, parmi lesquels une majorité de femmes et de jeunes filles, qui enveloppés du drapeau tunisien rouge et blanc, qui hissant l'étendard national, ont déferlé dès les premières heures de la matinée sur l'avenue Bourguiba, principale artère de la capitale, dans une ambiance festive. Rassemblée devant le théâtre municipal, la foule de plus en plus dense au fil des heures s'est dirigée, vers le siège du ministère de l'Intérieur en entonnant l'hymne national et en scandant des slogans en faveur de la démocratie et des libertés. La manifestation organisée par l'intermédiaire des réseaux sociaux sur Internet était probablement la plus importante depuis le 14 janvier 2011, date à laquelle le président Zine el Abidine ben Ali s'est exilé en Arabie saoudite sous la pression de la rue, après 23 ans de règne autoritaire. "La Tunisie est libre, non au califat et aux esprits rétrogrades", "Pas de tutelle qatarie sur le territoire tunisien", "Ceux qui ne veulent pas de la démocratie, qu'ils aillent rejoindre Ben Ali en Arabie Saoudite", pouvait-on lire sur certaines pancartes. "Le peuple veut un Etat civil" répétaient en chœur hommes et femmes, en allusion aux voix qui réclament que la charia, la loi islamique, soit la principale source de la future Constitution en cours d'élaboration à l'Assemblée nationale constituante (ANC). Des associations religieuses étaient d'ailleurs réunies au palais des sports de Tunis pour appeler à l'adoption de la charia comme seule source de la Constitution. Ahmed Brahim, chef du mouvement centriste "Ettajdid", s'est dit "un peu inquiet du phénomène croissant de l'extrémisme et du fanatisme qui veut imposer un modèle sociétal rétrograde". "Je suis venu soutenir le droit des Tunisiens à vivre en démocratie, avec une presse libre, loin de toutes contraintes administratives ou politiques", a déclaré pour sa part Kamel Labidi, président de l'institution chargée de la réforme de la presse. Il a dénoncé "les tentatives du gouvernement de vouloir contrôler les médias, surtout publics", y décelant "des pratiques du passé". Comme au jour de la fuite du dictateur déchu, Maya Jribi, cheffe du Parti démocratique progressiste (PDP) et première femme à diriger une formation politique en Tunisie, se trouvait aux premiers rangs de la manifestation. "Je milite pour une Constitution consensuelle où tous les Tunisiens se retrouvent et qui bénéficie de leur confiance, pourvu que la volonté politique y soit", a lâché cette figure emblématique de l'opposition au régime Ben Ali. A ses côtés, l'ancien président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme (LTDH), Mokhtar Trifi, a insisté sur la défense du caractère civil de l'Etat. "On y tient et on va défendre de plus en plus toutes les libertés, et surtout l'égalité entre hommes et femmes", a-t-il confié. Lors d'une cérémonie de lever du drapeau organisée pour l'anniversaire de l'Indépendance au palais présidentiel de Carthage, dans la banlieue de Tunis, le chef de l'Etat Moncef Marzouki a appelé les Tunisiens à "vivre ensemble, avec et malgré nos différences". Il a exhorté ses concitoyens à bannir "l'incompréhension, la haine et la division pour cimenter l'unité nationale". Selon ce défenseur des droits de l'Homme, il importe de "faire preuve de vigilance face à l'extrémisme d'où qu'il vienne afin de préserver un Etat civil fondé sur le pluralisme, la démocratie et les libertés fondamentales". A l'occasion de l'anniversaire de l'Indépendance, 2.470 détenus, dont des Libyens, ont bénéficié d'une grâce présidentielle totale ou partielle.