Moscou est préoccupé par la déclaration du Quai d'Orsay selon laquelle les "Amis de la Syrie" jugeront au nom de la communauté internationale de l'exécution par Damas du plan de l'émissaire des Nations unis et de la Ligue arabe Kofi Annan, a déclaré, avant-hier, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch. "Le droit d'estimer les progrès de la mise en œuvre du plan de Kofi Annan appartient avant tout à l'émissaire spécial pour la Syrie, ainsi qu'au Conseil de sécurité de l'ONU dont le rôle ne peut pas être joué par un groupe autoproclamé d'amis de la Syrie. L'intention de faire autrement annoncée par un pays membre permanent du Conseil de sécurité, est pour le moins inquiétante", a indiqué M. Loukachevitch. "Nous voudrions rappeler que le plan en six points, baptisé "le plan de Kofi Annan", a été approuvé unanimement par le Conseil de sécurité de l'Onu, selon la déclaration de son président, publié le 21 mars. "Le Conseil a clairement indiqué que l'envoyé spécial (Annan) était chargé de l'informer des progrès de sa mission", a-t-il ajouté. Le porte-parole de la diplomatie française Bernard Valero a annoncé le 28 mars que la prochaine réunion des "Amis de la Syrie" serait "l'occasion pour la communauté internationale d'apprécier si le régime de Damas applique ou pas" le plan proposé par M.Annan. L'initiative de constituer, en appui aux efforts de la Ligue arabe, un "groupe d'amis" du peuple syrien a été avancée par la France. La prochaine conférence de ce groupe visant à mettre un terme aux violences en Syrie se tiendra le 1er avril à Istanbul. La Russie s'est abstenue de participer aux réunions de ce groupe, en estimant que ses participants ne cherchaient pas à établir un dialogue inter-syrien en vue de faire cesser le conflit, mais préparaient plutôt le terrain pour une intervention étrangère. 3 000 réfugiés arrivent en Jordanie Près de 3 000 personnes ayant fui les violences en Syrie sont arrivées en Jordanie ces trois derniers jours, a annoncé, avant-hier, le site internet Elaph se référant à l'organisation caritative jordanienne "Coran et Sunna". "Ces trois derniers jours, près de 2 400 réfugiés syriens sont légalement entrés en Jordanie par les postes de contrôle frontaliers. Environ 500 personnes ont pénétré dans le pays en contournant les postes de passage", a indiqué le cheikh Sayiid Hamad, chef de l'organisation caritative cité par Elaph. L'organisation "Coran et Sunna" a enregistré plus de 20 000 réfugiés syriens qui ont déjà touché une aide humanitaire de plus de 3,5 millions de dollars, a ajouté le cheikh Sayiid Hamad. Selon les données officielles, la Jordanie a accueilli près de 80 000 Syriens depuis mi-mars 2011. La plupart de ces personnes résident chez leurs proches et ne se font pas enregistrer en tant que réfugiés. Les médias ont rapporté en mars que l'ONU et ses partenaires humanitaires avaient appelé les pays donateurs à débloquer 84 millions de dollars destinés aux réfugiés syriens en Turquie, au Liban et en Jordanie. Cette somme serait nécessaire pour aider une centaine de milliers de personnes dans les six mois qui viennent, compte tenu d'un flux croissant de réfugiés en provenance de Syrie. Depuis la mi-mars 2011, la Syrie est secouée par un mouvement de contestation du régime de Bachar al-Assad. Les remarques d'Assad sur le plan Annan sont décevantes Les Etats-Unis ont qualifié, avant-hier, de décevantes les remarques de Bachar al-Assad sur le plan de paix proposé par Kofi Annan, que le président syrien a accepté tout en disant vouloir tarir les sources du terrorisme dirigé contre la Syrie. Les déclarations de M. Assad ne sont pas surprenantes, mais elles sont décevantes, a estimé Mark Toner, un porte-parole du département d'Etat. Le président syrien avait auparavant affirmé que son pays avait accepté le plan de sortie de crise proposé par l'émissaire international Kofi Annan, tout en exprimant des remarques sur le contenu. Pour faire réussir la mission d'Annan, il faut faire tarir les sources du terrorisme dirigé contre la Syrie par les pays qui ont annoncé avoir financé et armé les groupes terroristes, avait indiqué M. Assad. Le plan proposé par M. Annan préconise notamment la cessation de toute forme de violence armée par toutes les parties sous supervision de l'ONU, la fourniture d'aide humanitaire à l'ensemble des zones affectées par les combats et la libération des personnes détenues arbitrairement. A Washington, Mark Toner a également appelé le président syrien à mettre fin à la violence et estimé que les forces gouvernementales n'avaient encore rien fait pour se conformer au plan proposé par Kofi Annan. Nous n'avons encore absolument rien vu sur le terrain qui prouve que (la Syrie) réponde aux appels (du plan Annan) demandant à ce que l'artillerie et les armes lourdes soient remisées dans les casernes et qu'un cessez-le-feu soit mis en place pour permettre à l'aide humanitaire d'être acheminée, a noté M. Toner. Nous avons été très clairs: nous voulons qu'un cessez-le-feu soit instauré. Nous voulons que les violences cessent le plus vite possible afin que l'aide humanitaire puisse être acheminée aux Syriens assiégés, a encore déclaré Mark Toner. Interrogé sur le même sujet, son homologue de la Maison Blanche, Jay Carney, a fait part, avant-hier, d'un scepticisme identique. Notre approche de ce dossier est de prendre en considération les actes du régime Assad, pas les déclarations, a expliqué M. Carney lors de son point de presse quotidien. L'annonce par les autorités syriennes de l'acceptation du plan Annan constitue un bon développement, mais cela ne veut rien dire tant qu'elles n'agissent pas. Cela ne veut rien dire tant que la violence ne cesse pas. Cela ne veut rien dire tant que toutes les mesures requises ne sont pas appliquées, a poursuivi M. Carney, en disant avoir entendu beaucoup de promesses vides de la part d'Assad et de son gouvernement dans le passé, beaucoup de promesses qui n'ont jamais été concrétisées. Ce sont les actes qui sont importants, pas les mots, a insisté le porte-parole de la Maison Blanche. Plus d'un million de personnes ont besoin d'aide humanitaire Des experts de l'ONU et de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) ayant participé à une mission d'évaluation en Syrie ont conclu que plus d'un million de Syriens avaient besoin d'aide humanitaire, a indiqué, avant-hier, l'ONU. Un porte-parole de l'ONU a précisé que cette mission dirigée par le gouvernement syrien avait pris fin le 26 mars et que les experts avaient pu se rendre également dans des zones tenues par l'opposition. Il a cependant reconnu que l'accès à certaines zones n'avait pas été possible en raison de l'insécurité ou des contraintes de temps, sans préciser de quelles il parlait. L'analyse conjointe de l'ONU et de l'OCI indique qu'au moins un million de Syriens ont besoin d'aide humanitaire dans les gouvernorats visités par la mission, a déclaré ce porte-parole, Eduardo del Buey. La mission, comprenant des représentants de huit agences de l'ONU et trois experts de l'OCI, était arrivée le 16 mars en Syrie et devait visiter les régions de Homs, Hama, Tartous, Lattaquié, Alep, Deir-Ez-Zor, Deraa ainsi que les faubourgs ruraux de Damas. Toujours selon le porte-parole, parmi la population à secourir figurent des personnes blessés ou déplacées par les violences ainsi que les familles qui les ont accueillies et des Syriens pauvres rendus plus vulnérables encore depuis un an par la crise ou par les sanctions économiques imposées à la Syrie. Ces personnes ont besoin en priorité de nourriture, d'abri et d'assistance médicale. Il faudra des mois, voire des années, avant que la situation ne revienne à la normale, quels que soient les développements politiques ou l'évolution de la situation de sécurité en Syrie, a conclu le porte-parole. Il a annoncé qu'un premier convoi chargé de matériel destiné à 2 000 familles déplacées avait quitté Damas pour la ville portuaire de Tartous (nord-est) la veille. Le matériel été distribué depuis, hier, et d'autres distributions sont prévues dans d'autres localités.