L'accord surprise auquel sont parvenus les dirigeants de la zone euro, avant-hier, a immédiatement provoqué une détente des taux d'intérêts de l'Italie et de l'Espagne, principaux bénéficiaires des mesures adoptées, apportant l'espoir d'une accalmie à la crise. Avant d'entamer, avant-hier matin, une seconde journée de sommet européen à Bruxelles, une poignée d'heures à peine après s'être séparée de ses homologues de la zone euro, la chancelière allemande Angela Merkel, s'est montrée satisfaite des compromis trouvés pour aider les pays en difficultés de l'union monétaire, malgré des échanges parfois tendus, selon des diplomates. "Je pense que nous avons réalisé quelque chose d'important, mais nous sommes restés fidèles à notre philosophie: aucune prestation sans contrepartie", a-t-elle déclaré. Accord très important Ces mesures de stabilisation financière se heurtaient jusqu'ici à l'opposition de plusieurs pays, en particulier l'Allemagne. M. Monti, qui jugeait que l'Italie pâtissait injustement de taux d'intérêts très élevés alors même qu'elle avait fait le nécessaire en matière d'efforts budgétaires et de réformes structurelles, a salué un accord "très important pour l'avenir de l'Union européenne et de la zone euro". Mais l'Allemagne y trouve aussi des sujets de satisfaction, puisque, comme elle le souhaitait, un mécanisme unique de supervision financière sera établi, dans lequel la Banque centrale européenne aura un rôle à jouer. "Chacun autour de la table a des problèmes, a des questions, a des idées, a des ambitions aussi. Et la discussion se fait longuement, et finalement, c'est l'Europe qui gagne. C'est le projet européen qui s'améliore", a commenté, avant-hier, le commissaire européen aux Services financiers et au marché intérieur, Michel Barnier. "Le sommet est un franc succès. Il va très clairement dans le bon sens car il met enfin en place des outils efficaces sur la durée", s'est félicité René Defossez, stratégiste obligataire chez Natixis. Pacte de croissance Pour obtenir les mesures qu'ils souhaitaient, Italiens et Espagnols avaient menacé de ne pas signer un ensemble de mesures pourtant consensuelles en faveur de la croissance, et qui tenait particulièrement à cœur à M. Hollande. Ce pacte pour la croissance et l'emploi, auquel ils se sont finalement ralliés après avoir obtenu satisfaction sur les autres mesures réclamées, consistera à injecter 120 milliards d'euros dans des projets d'avenir, afin de relancer l'économie européenne. A plus long terme, M. Van Rompuy, a aussi annoncé que les dirigeants de la zone euro avaient donné leur feu vert à une feuille de route dans le but de renforcer l'union économique et monétaire. Ce renforcement s'appuierait sur "quatre piliers" : un cadre financier, un cadre budgétaire, un cadre en matière de politique économique et un renforcement du contrôle démocratique. De premières propositions en ce sens seront présentées en octobre, a-t-il dit. Le sommet européen se poursuivait, avant-hier, avec un ordre du jour plus diplomatique, notamment l'ouverture des négociations d'adhésion à l'UE avec le Monténégro. Le statut du MES modifié La zone euro a décidé, avant-hier, de modifier le statut de son futur pare-feu permanent, le Mécanisme européen de stabilité (MES), dans le cadre du plan d'aide aux banques espagnoles, une mesure qui devrait satisfaire les marchés. L'aide de la zone euro sera d'abord fournie par le Fonds européen de stabilité (FESF) jusqu'à l'entrée en vigueur début juillet du MES, indiquent les dirigeants de la zone euro dans un communiqué. Mais le statut du MES sera modifié dans le cadre de l'aide aux banques espagnoles, de façon à ne pas rebuter les investisseurs privés. L'aide sera transférée au MES, sans obtenir de statut prioritaire (seniority status), indique le communiqué. Jusqu'ici, le MES bénéficiait de ce statut qui implique que la dette souveraine détenue par des investisseurs privés serait reléguée au second plan en cas de restructuration, avec le risque que les banques ne soient pas incitées à en acheter. Le choix du fonds de secours (FESF ou MES) pour aider les banques espagnoles agitait les marchés depuis plusieurs semaines. Les marchés avaient une préférence pour le FESF en raison de son statut qui ne faisait pas de différence entre investisseurs en cas de restructuration. En revanche, les Etats préféraient le MES. Il s'agit donc d'une concession importante de l'Allemagne qui avait insisté pour mettre en place le statut prioritaire lors de la création du MES. Merkel dit être restée fidèle à ses principe, Hollande se réjouit La chancelière allemande Angela Merkel, a estimé être restée "fidèle" à ses principes en acceptant les compromis destinés à aider les pays en difficultés de la zone euro tandis que le président français François Hollande, s'est félicité des premiers effets de l'accord. "Je pense que nous avons réalisé quelque chose d'important, mais nous sommes restés fidèles à notre philosophie : aucune prestation sans contrepartie", a estimé la chancelière allemande au deuxième jour du Sommet des dirigeants européens à Bruxelles. "Nous restons entièrement dans le schéma actuel : prestation, contrepartie, conditionnalité et contrôle", a-t-elle souligné. "Ces premières annonces ont déjà eu des effets heureux", s'est félicité de son côté le chef de l'Etat français, François Hollande. "Nous avons bougé tous ensemble", a-t-il soutenu ajoutant que "la meilleure façon de faire bouger les autres, c'est de bouger soi-même". Les Bourses européennes s'envolaient, avant-hier matin, après l'accord surprise conclu dans la nuit à Bruxelles entre les dirigeants de la zone euro sur la possibilité de recapitaliser les banques via les fonds de secours européens comme le demandaient l'Italie et l'Espagne. Comme espéré par Madrid et Rome, leurs taux d'emprunt à long terme se détendaient très nettement, avant-hier matin: le rendement espagnol reculait à 6,466%, contre 6,896% la veille, et celui italien s'établissait à 5,865%, contre 6,182%. "Dans chaque cas spécifique, pour chaque banque" des "conditions" précises pourront être fixées, a insisté la chancelière allemande. Autre grande décision-phare, la zone euro s'est dite également prête à faire un usage plus "souple" des fonds de secours, qui pourraient acheter directement des titres de dette de pays fragiles sur les marchés. Là aussi, un calendrier de mesures à prendre sera établi et ce sera à "la troïka de surveiller comme cela est habituel avec le FESF et le MES la mise en œuvre de ces mesures", a précisé Mme Merkel. "Cela vaudrait par exemple si l'Espagne ou l'Italie venaient à recourir à de tels programmes" pour alléger leurs charges d'emprunt, a-t-elle insisté. Monti "satisfait" de l'accord "très important" Le président du Conseil italien Mario Monti s'est dit "satisfait" de l'accord trouvé lors du sommet européen de Bruxelles, qu'il a jugé "très important pour l'avenir de l'Union européenne et de la zone euro". Selon M. Monti, "la satisfaction pour l'Italie est double" : à la fois pour le "contenu" de l'accord et pour "avoir stimulé le processus" en bloquant l'adoption du pacte de croissance jusqu'à l'obtention, intervenue dans la nuit, de mesures d'urgence pour les pays en difficulté financière. Le chef du gouvernement italien a reconnu que les discussions avec ses partenaires européens avaient traversé "un moment très difficile". "Il y a eu un peu de tensions", mais "cela a été utile", a-t-il estimé. "Même si on se reconnaissait dans le pacte de croissance, l'Italie a émis une réserve et a empêché l'adoption immédiate du pacte de croissance, comme a ensuite fait l'Espagne", a-t-il expliqué. Finalement, ce bras de fer a débouché sur "des mesures satisfaisantes pour la stabilisation de la zone euro", a-t-il poursuivi. Il a cité une mesure chère à l'Espagne, "la recapitalisation directe des banques par les fonds européens sans passer par les budgets des Etats". "A la demande de l'Italie a été introduit, après une longue discussion, un paragraphe dans la déclaration pour des mécanismes de stabilisation des marchés pour les Etats qui respectent les recommandations faites à leur pays ainsi que le pacte de stabilité", et qui peinent malgré tout à se financer sur les marchés en raison de taux prohibitifs, a déclaré M. Monti. "C'est le cas pour l'Italie en ce moment", a-t-il souligné, tout en assurant que Rome n'entendait pas faire appel à ces mécanismes pour l'instant. Selon lui, l'Italie "s'est battue pour ces mesures mais n'a pas l'intention pour l'instant d'en bénéficier". Dans le détail, il a dit que "les pays qui voudraient bénéficier de ces interventions de stabilisation devraient le demander mais s'ils remplissent ces conditions, ils ne devront pas se soumettre à un programme spécifique, ils devront signer un mémorandum mais n'auront pas la troïka, ils devront seulement continuer à respecter les décisions qu'ils respectent déjà". La zone euro ouvre la voie à la recapitalisation directe des banques La zone euro veut mettre en place d'ici fin 2012 un mécanisme qui permettra de recapitaliser les banques directement via ses fonds de secours, mais sous certaines conditions, a indiqué le président de l'Union européenne Herman Van Rompuy. Quand ce sera prêt, le Mécanisme européen de stabilité (MES) pourra avoir la possibilité de recapitaliser directement les banques, a déclaré M. Van Rompuy, lors d'une conférence de presse à Bruxelles au terme d'un sommet de la zone euro. La zone euro est également prête à ce que les fonds de secours interviennent pour rassurer les marchés, a ajouté M. Van Rompuy, suggérant que le FESF et le MES pourront acheter directement des titres de dette sur les marchés. Selon lui, la zone euro fera un usage plus souple des fonds de secours afin de rassurer les marchés et d'obtenir de la stabilité sur les obligations souveraines de ses membres. Il s'agissait d'une des demandes de l'Italie et de l'Espagne, qui sont étranglées par des taux de plus en plus élevés, mais jusqu'ici l'Allemagne s'y était fermement opposée. Ces deux pays avaient conditionné leur accord à un pacte de croissance européen d'un montant de 120 milliards d'euros à l'adoption par la zone euro de mesures immédiates pour leur venir en aide. Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a indiqué de son côté que l'Espagne et l'Italie avaient finalement levé leurs réserves. Selon un diplomate, les échanges ont été tendus lors du sommet européen et le président de l'UE Herman Van Rompuy, s'est même emporté, surpris par la position espagnole et italienne alors que l'accord sur la croissance était à ses yeux acquis. Nous nous sommes mis d'accord sur quelques mesures de court terme. En dépit de la difficulté du moment et des débats, nous avons été à même de donner aux marchés financiers un message, a estimé M. Juncker, au sortir de cette réunion. Si nous donnons une explication cohérente, et conséquente, unie et forte des décisions que nous avons prises, je veux croire que les marches seront rassurés, a-t-il ajouté. En outre, un mécanisme unique de supervision financière sera établi, dans laquelle la Banque centrale européenne jouera pleinement son rôle, a indiqué de son côté le président de la Commission européenne José Manuel Barroso. Réunis à Bruxelles, les dirigeants européens ont donné leur accord pour améliorer le financement de l'économie via des mesures immédiates de croissance. Ce programme passe par une augmentation de la capacité de prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI) de 60 milliards, 55 autres milliards venant de la réaffectation de fonds structurels non utilisés, et 5 milliards de project bonds lancés à l'été pour financer des infrastructures de transport et d'énergie.