Un compromis entre rigueur et solidarité européenne a été conclu de justesse à l'aube de ce vendredi matin. La zone euro éloigne le spectre d'un effondrement financier. France et Allemagne se disent satisfaites. Certains concluent que ce sont les situations d'urgence espagnole et italienne qui ont poussé la chancelière allemande, Angela Merkel, à céder à son intransigeance et accepter le compromis sur la croissance et la recapitalisation des banques de la zone euro. D'autres voient, lors du sommet de jeudi et vendredi, l'effet du président français, François Hollande. Qu'importe, l'accord conclu, au petit matin de vendredi, entre les chefs d'Etat et de gouvernement pour sauver «in extremis» la zone euro de l'effondrement financier qui la guette depuis 2008 est «capital». D'abord, les Européens ont compris la nécessité d'une relance immédiate d'un «pacte de croissance» et ils ont ordonné l'injection, dans un premier temps, de 120 milliards d'euros dans l'économie réelle. Ensuite, ils ont donné le feu vert au Fonds de secours européen (FESF) et au Mécanisme européen de stabilité (MES) pour le rachat de titres de dettes souveraines des pays les plus fragiles (Espagne, Italie, Chypre ) et recapitaliser ainsi l'actif des banques de la zone euro. Autrement dit, les FESF et le MES vont pallier au rôle de la Banque centrale européenne (BCE), limitée qu'elle est par ses statuts pour l'émission d'euros-bonds (obligations bancaires). En clair, à l'aube de ce vendredi, l'intransigeance allemande n'est plus de mise. Faut-il en conclure un échec de la politique européenne de l'Allemagne ? Que non, puisque en contrepartie, les Etats et gouvernements ont accepté la supervision de leurs budgets par la Commission européenne. Les Etats membres doivent avoir reçu l'aval de la Commission européenne avant le vote de leurs budgets par leurs Parlements nationaux. Dans ces conditions, il n'y a que des gagnants et point de perdants : la demande allemande de surveillance et de conditionnalité d'aide est préservée, et celle de la France, appuyée par l'Italie, l'Espagne et le Portugal, de la nécessité d'une recapitalisation des dettes et un plan de croissance précis est acquise. Cela s'appelle un compromis politique. D'ailleurs, les marchés financiers (bourses) ont réagi positivement à ces décisions: dès vendredi matin, les taux d'intérêts pour les dettes italienne et espagnole, encore élevés (entre 5% et 6%), sont partis à la baisse de quelques points. Pour le reste, le compromis réalisé lors de ce sommet pousse l'UE à avancer vers plus de fédéralisme et de cohésion politique. Car, la solidarité voulue et la cohésion politique dépendront du degré d'intégration et d'harmonisation des politiques communes, particulièrement dans les domaines fiscaux et du travail. Le sommet de jeudi et vendredi avait été qualifié, avant sa tenue, de celui de la dernière chance pour le sauvetage de la zone euro, et l'UE a voulu mettre toutes les chances de réussite de son côté. C'est un tournant pour l'Europe depuis le début de la crise en 2008.