Des islamistes d'Ansar Dine, un des groupes armés contrôlant le nord du Mali, poursuivaient, hier, la destruction de mausolées de saints musulmans dans la ville de Tombouctou, classée patrimoine mondial en péril, en dépit du tollé qu'ont provoqué ces démolitions. Après les mausolées de Sidi Mahmoud (nord de la ville), Sidi Moctar (nord-est) et Alpha Moya (est) samedi, les hommes d'Ansar Dine se sont attaqués, hier matin, à coups de houes et burins aux quatre mausolées, dont celui de Cheikh el-Kébir, situés dans l'enceinte du cimetière de Djingareyber (sud), selon un témoin présent sur les lieux. "Ils ont dit qu'ils vont détruire les mausolées avant de se lancer dans la destruction", ajoutent d'autres témoins. Avant-hier, en quelques heures, des hommes d'Ansar Dine avaient détruit trois mausolées dans la ville, en expliquant qu'il s'agissait de représailles à la décision de l'Unesco, le 28 juin, d'inscrire Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril car la présence des islamistes la mettait en danger. Ils ont démoli les sanctuaires de Sidi Mahmoud, Sidi Moctar et Alpha Moya, trois des 16 mausolées existant dans la ville et sa périphérie. Ces mausolées, lieux de recueillement, sont considérés à Tombouctou comme des protecteurs. Les saints qui y gisent représentent ce que dans la culture occidentale, on appelle saints patrons, selon un expert malien. Rabat appelle à une action internationale urgente Le Maroc a appelé à une intervention urgente des Etats islamiques et de la communauté internationale pour protéger le riche patrimoine du Mali, après la destruction de plusieurs mausolées de saints musulmans à Tombouctou par des islamistes dans le nord malien. Le Maroc appelle les Etats islamiques et la communauté internationale à une intervention urgente et conjointe pour protéger le riche patrimoine malien qui constitue une composante du patrimoine islamique et humanitaire, indique un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Le Royaume suit avec une grande préoccupation les développements dangereux qui se poursuivent au Mali frère et qui ont entraîné la destruction volontaire de sites historiques, culturels et religieux dans l'ancienne ville de Tombouctou, ajoute le communiqué. Ces actes constituent une atteinte au patrimoine culturel et civilisationnel du peuple malien et aux sites inscrits depuis 1988 sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Soulignant la gravité de la situation sécuritaire prévalant dans la région sahélo-saharienne et sur ses répercussions sur la paix et la stabilité dans toute la région, le Maroc appelle à une action déterminante et une coopération sérieuse sur les plans régional et international pour y mettre fin. Des actes assimilables à des crimes de guerre selon Bamako Bamako a dénoncé la furie destructrice de ces actes assimilables à des crimes de guerre et a appelé, hier, par la voix de sa ministre de l'Artisanat, du Tourisme et de la Culture, les Nations unies, Diallo Fadima Toure, à agir pour protéger Tombouctou et son patrimoine. S'exprimant au cours de la session du comité du patrimoine de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture à Saint-Petersbourg (Russie), la ministre a appelé la communauté internationale à être solidaire avec le Mali et à condamner ces destructions commises par des extrémistes islamistes, lors d'un discours prononcé avec émotion et conclu par ces mots: Dieu aide le Mali. Le Mali exhorte les Nations unies à prendre des mesures pour arrêter ces crimes contre l'héritage culturel de mon peuple. Aucun pays, quelle que soit soit sa religion, ne peut accepter d'apporter de l'aide à des groupes qui détruisent l'héritage culturel, c'est pourquoi j'appelle la communauté internationale à être solidaire, a-t-elle ajouté. L'UNESCO dénonce ces destructions L'Organisation des Nations unies pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO) a dénoncé la destruction à Tombouctou de trois tombes sacrées qui font partie du site du patrimoine mondial. "Les informations selon lesquelles les mausolées de Sidi Mahmoud, Sidi Moctar et Alpha Moya auraient été détruits sont consternantes", a déclaré la directrice générale de l'UNESCO, Irina Bokova, dans un communiqué, appelant toutes les parties impliquées dans le conflit "à mettre un terme à ces actes terribles et irréversibles, à exercer leurs responsabilités et à protéger cet inestimable patrimoine culturel pour les futures générations". Mme Bokova a exhorté à plusieurs reprises la communauté internationale "à coopérer" afin de protéger ces sites qui témoignent de l'âge d'or de Tombouctou au 16e Siècle et d'une histoire qui remonte au 5e Siècle. Aqmi met en garde contre toute collaboration avec une force militaire Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), un des groupes armés contrôlant depuis trois mois le nord du Mali, agira avec fermeté et détermination contre ceux qui collaboreront avec une force militaire appelée à intervenir dans la région, a menacé samedi un de ses chefs, Mokhtar Belmokhtar. "Nous prévenons chacun devant la tentation de tirer profit de la situation actuelle dans le nord du Mali en collaborant avec les forces étrangères qui guettent la région que nous ne resterons pas les bras croisés et que nous agirons en fonction de la situation avec fermeté et détermination", a affirmé Mokhtar Belmokhtar. Ce dernier qui n'a pas cité de pays ou de groupe, séjourne depuis le 28 juin à Gao (nord-est du Mali), selon des témoins. Vendredi, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), autre groupe armé présent dans le nord du Mali, avait aussi menacé de s'attaquer aux pays qui composeraient la force de 3 300 hommes dont l'Afrique de l'Ouest envisage l'envoi dans ce pays. Les islamistes armés ont considérablement augmenté leur emprise face aux rebelles touareg depuis qu'ils ont pris ensemble le contrôle du vaste nord malien il y a trois mois, en profitant de la confusion créée par un coup d'Etat militaire le 22 mars. Outre Aqmi et le Mujao, le groupe Ansar Dine dirigé par un chef touareg malien, est aussi présent dans le Nord et tous veulent imposer la charia dans tout le pays.