Les mausolées de Sidi Mahmud, de Sidi Moctar et de Alpha Moya de Tombouctou, où depuis des siècles la population locale et de la région du Sahel et du Sahara vénère les tombes de ses saints et de ses chefs tribaux, ont été sauvagement détruits par les groupes djihadistes de Ansar Dine. Ces scènes accompagnées de cris de «Allah Akbar !» ont déjà été vues voilà plus d'une dizaine d'années en Afghanistan, lorsque les talibans avaient mis parterre le tombeau de Boudha, classé patrimoine universel par l'Unesco. Les Oulémas les plus prestigieux des universités du Caire et de Damas n'avaient pas pu ramener à la raison ces illuminés. La ville des 333 saints Jeudi dernier, l'initiative désespérée prise par l'Unesco de classer «Patrimoine mondial en danger», les sites historiques que compte la ville malienne des 333 saints, s'est heurtée à cette même folie meurtrière. Celles des hommes d'Ansar Dine. La réponse de ces fanatiques touaregs, qui ont proclamé, il y a deux mois, la «République islamique des Azawad» à la frontière de l'Algérie, fut sans appel. Les 16 mausolées seront détruits, a promis Sanday Ould Boumama, porte-parole d'Ansar Dine, comme par défi à l'organisme de l'ONU chargé de la protection de la culture et de la mémoire universelle. Dans quelques jours il n'y aura donc plus de trace des mosquées de Djingareyber, de Sankoré et de Sidi Yahia, ces magnifiques œuvres d'architecture d'Adobe, ni des 16 cimetières faisant partie du patrimoine universel depuis 1988. Les groupes d'Ansar Dine et leurs alliés du Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), les premiers dissidents d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et les seconds du Mouvement national de libération de l'Azawad (modéré) ont commencé déjà à «afghaniser» le nord du Mali. La charia est appliquée à Goa, Tombouctou et Kidal. Châtiments corporels et lapidation La sentence des 100 coups de fouet a été appliquée en public à un jeune couple de Gao pour avoir conçu un enfant hors mariage et le film de la scène diffusé sur Internet pour «valeur d'exemple». Dans ces mêmes conditions, une jeune femme a été lapidée dans cette même ville pour une histoire de mœurs, la mixité a été interdite dans les écoles primaires et aucun choix n'est laissé aux jeunes que de rester à la maison ou d'aller à la mosquée. Musique, cinéma et tabacs sont désormais «harram» et ces actes exposeront les réfractaires à la loi salafiste au pire des châtiments publics. Voilà un aperçu du projet de société qui se met en place à nos frontières. Le nord du Mali vit chaque jour les mêmes scènes de violence qu'en Somalie et en Afghanistan. Dans ce territoire sans maître qu'est devenue une bonne partie du Sahel, il n'y a pas seulement une seule organisation terroriste, mais trois aussi radicales les unes que les autres. Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) sa branche dissidente le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) et Ansar Dine font du coude à coude, pour le moment, en attendant d'unifier leurs forces. La cible Algérie Contre l'Algérie bien sûr le maillon fort de la ligne de front. L'argent de la drogue et des prises d'otages est plus que disponible et les quantités d'armes affluent depuis la Libye vers cette zone limitrophe de Timiaouine. C'est depuis ses bases dans le nord du Mali que le Mujao a préparé les deux attentats sanglants de Tamanrasset et de Ouargla. C'est également depuis cette région que ce groupe terroriste a organisé l'enlèvement, le 23 octobre 2011, des trois membres d'une association civile dans les camps de réfugiés à Tindouf, puis la prise en otage, le 8 avril dernier, des sept diplomates du consulat d'Algérie à Gao. Cette série d'actes de terrorisme, contre l'Algérie et le patrimoine culturel universel de Tombouctou, aurait-elle été possible sans la hasardeuse guerre de Libye, la meilleure affaire pour Aqmi, le Mujao et les radicaux du MLNA.