Présenté en compétition officielle du festival de Cannes 2006, Le Caiman de Nanni Moretti, Palme d'or 2001, a été projeté, dimanche dernier, à la salle Thakafa. Le film est relativement daté, mais peut importe pourvu que des œuvres de qualité atterrissent dans nos salles rarissimes dont certaines continuent à faire dans la vidéo ! Encore une fois, c'est Sora distribution une boite privée qui continue de nourrir nos grands écrans, affreusement inondés d'œuvres commerciales bon marché. Les droits d'un nouveau film coûtent très chèrs, mais Sora prod a pour habitude d'attendre à ce que l'effet de surprise passe et les droits diminuent pour proposer, à l'affiche des rares salles, un vrai film. Pourvu que Sora qui se démène toute seule tienne encore face aux terrains défoncés de notre cinématographie. Le film n'est pas projeté dans le cadre de la manifestation avaleuse de titres, " Alger, capitale de la culture arabe ". Car, dans ce cadre là, des choses se montent, se démontent tous les jours pour un public qu'on dirait aveugle. Le caïman de l'italien Nanni Moretti est, déjà, à l'affiche de, cinémathèque de Constantine, dans les salles Zinet et Athakafa d'Alger. Habitué de la Croisette, Nanni Moretti y a décroché la Palme d'Or en 2001 pour La Chambre du fils. Le Caïman est un film d'amour, un hommage au cinéma et un film politique. Le personnage de Bruno (et l'interprétation de Silvio Orlando) unifie ces différents aspects. Entre sa vie familiale qui lui échappe, sa vie professionnelle qui le dépasse, Bruno Bonomo ne sait plus où donner de la tête. Au départ, ce cinéaste qui va à contre-courant des films d'auteur-veut faire une super production sur le retour de Christophe Colomb. Le fric lui manque. Sa société de production étant en faillite, il n'arrive pas à financer ce nouveau projet. Empêtré dans ses dettes, ses faiblesses, son mariage en fin de course, ses enfants sans repères, Bruno perd pied. Son chemin va croiser celui d'une jeune réalisatrice qui lui apporte un scénario, Le Caïman. Il s'aperçoit, bientôt, qu'il s'agit d'une biographie de Berlusconi. Il doit monter l'affaire, trouver l'acteur principal tout en essayant de recoller les morceaux de son couple. Commence alors, à naître en lui, un nouvel élan vital : celui de l'affirmation de sa dignité. Comme par enchantement, ce faiseur de navets va se battre avec pour seules armes les convictions d'une cinéaste débutante et ses ultimes biens matériels. Et puis sur le plan politique, l'Italie est en plein dans les élections législatives. Les artistes font des pieds et des mains afin d'éviter la réélection de Silvio Berlusconi. Après un texte virulent de Umberto Ecco sur le site Libertae e giustizia et les nombreux livres, pièces et films (dont Viva Zapatero, le seul sorti en France à ce jour) prenant ouvertement position contre lui, c'est au tour du Caïiman le nouveau film de Nanni Moretti, de mettre le feu aux poudres. L'histoire raconte l'ascension du dirigeant d'un empire médiatique qui, après avoir fait fortune dans l'immobilier, cherche à se faire élire au niveau national pour échapper à la prison. Le portrait ressemble à s'y méprendre au " Cavaliere " et Moretti ne dément en rien son intention satirique et pamphlétaire.