Cinéphiles et amateurs du cinéma italien ont pu assister, mercredi dernier, à la projection en avant-première, à la salle Ibn Zeydoun, du dernier film primé au festival de Cannes: «La Chambre du fils» de Nanni Moretti. Une touchante histoire de famille...... L'Italie est à l'honneur depuis le 15 octobre, dans 96 instituts culturels de par le monde, y compris à Alger. A cette occasion, un riche programme a été tracé dans différentes disciplines aussi bien scientifiques que culturelles. «La semaine de la langue italienne dans le monde» est le nom de cette manifestation qui prend fin aujourd'hui. Initiée par le ministère des Affaires étrangères italien, avec le concours de plusieurs institutions culturelles italiennes (académie de la Crusca de Florence, la société Dante Alighieri, prix Grinzane Cavour de Turin), cette manifestation rend compte et ce, à travers des séminaires et des conférences, du rôle de l'enseignement de la langue de Dante au seuil du 3e millénaire. A cet effet, des rencontres ont été tenues, entre autres, par le metteur en scène italien Stefano di Pietro. Et, en outre, un hommage, à l'auteur Dario Fo (prix Nobel de littérature en 1997) a été rendu, jeudi dernier, au TNA à travers la présentation de la pièce Les farces de Dario Fo, interprétée par la troupe Absurda Comica de Rome de Stefano di Pietro et Alfredo Colombaioni. La Chambre du fils de Nanni Moretti, Palme d'or à Cannes cette année, a été donc projeté à la salle Ibn Zeydoun (Oref) mercredi dernier, en présence de l'ambassadeur d'Italie et de nombreuses personnalités du corps diplomatique italien accréditées à Alger, sans oublier Mme Khalida Messaoudi, écrivain parlementaire qui, mardi après-midi, avait animé une rencontre avec le public... La Chambre du fils est un psychodrame qui peut arriver à chacun d'entre nous. C'est l'histoire d'une famille bourgeoise soudée. C'est le bonheur parfait, jusqu'au jour où s'abat le malheur: la perte tragique d'un fils. Une triste nouvelle qui ébranla le cours de leur vie. Au départ, un père psy (Jovany) passant son temps à «analyser» des gens pour les aider à surmonter leur mal, une mère qui travaille dans une maison d'édition, et le fils et la fille, de jeunes ados lycéens, qui vivent en parfaite harmonie. Un jour fatidique, un accident, en pleine mer, survint, happant à cette famille leur fils Andréa à tout jamais. Cette perte subite plongea la famille dans une insoutenable douleur et bouleversera leur vie. Chacun des protagonistes vivra son deuil à sa façon. Le père culpabilise. Il aimerait faire un retour en arrière. S'il n'était pas allé rejoindre un dimanche matin un de ses patients souffrant d'un cancer et qui, comble de l'absurde, était obsédé par le suicide, il serait parti courir avec son fils... Le regret ainsi que le chagrin le submergent. Jovany, le père, n'arrive plus à exercer son métier. Il décide de s'arrêter pour un moment. Aussi, leur parvient un jour une lettre d'une jeune fille qu'Andréa avait rencontrée pendant les vacances... Contactée, celle-ci vient leur rendre visite. Elle possède des photos que le jeune homme avait prises dans sa chambre à coucher. Lieu où on laisse plus de souvenirs, notamment les plus vivaces... Plus qu'un mélodrame, ce film traduit les effets négatifs que peut engendrer un événement tragique et montre les séquelles psychologiques qui viennent affecter l'être humain. D'une teneur sociale profondément humaine, l'on comprend pourquoi ce film a remporté le premier prix à Cannes supplantant de loin Moulin Rouge avec la belle Nicole Kidman. Loin du clinquant des films à gros budgets hollywoodiens, La Chambre du fils, simple par sa trame, est, cependant, bien profond car il dégage des sensations. Pour la quatrième fois en compétition à Cannes, après Ecce Bombo (1978), Journal intime, prix de la mise en scène en 1994 et Aprile (1998), l'Italien Nanni Moretti, avec ce film déjà nominé 12 fois en Italie aux David di Donatello, a confirmé, une fois de plus, son talent de grand artisan du 7e art. Né en 1953, Nanni Moretti est considéré, aujourd'hui, comme l'un des plus brillants metteurs en scène italiens. Avec le délirant et iconoclaste Roberto Benigni, le cinéma italien est de nouveau remis sur les rails du «circuit mondial». Après une longue traversée du désert, il fait, aujourd'hui, parler de lui et c'est tant mieux. Ceci dit, on est loin du cinéma glamour de La dolce vita, notamment, et de ses actrices mythiques comme Gina Lolobrigida. Cela n'a plus cours aujourd'hui. Le cinéma italien ne compte plus de Sofia Loren, excepté peut-être, cet ex-mannequin, Monica Belucci, reconvertie dans le cinéma et qui inspire les charmes des années 60. Nanni Moretti, lui, s'est toujours intéressé à reproduire des scènes tirées de la réalité. Dès le début de sa carrière, sa vision s'est concentrée sur des thèmes sociaux, sur le conflit des générations et sur les thèmes politiques. Une bonne partie de sa carrière cinématographique a coïncidé avec la révolution culturelle des années 60 et 70, une expérience historique et politique qui a profondément marqué sa production. Ses personnages reflètent les contradictions et le malaise de toute une génération qui a souffert des bouleversements culturels et sociaux qui ont caractérisé la fin du XXe siècle. Auteur «historique» de la gauche italienne, Nanni Moretti a su interpréter, dans ses films, la crise du système communiste en Italie et ses répercussions sur la génération de l'époque. Née après Journal intime, l'idée de La Chambre du fils ne verra le jour que bien plus tard. Moretti, qui venait d'avoir un fils, ne voulait pas d'un scénario aussi tragique «Mon film est une méditation chorale, mais jamais funèbre à l'occasion de laquelle je romps avec ma démarche autobiographique et j'aborde des thèmes universels», explique le cinéaste. Un thème intimiste qui lui a valu la Palme d'or à Cannes !