Des textes du poète et journaliste algérien Jean Amrouche ont été réunis et présentés par l'anthropologue Tassadit Yacine dans son ouvrage paru récemment, à Alger, aux éditions Casbah, intitulé "Jean Amrouche, l'éternel exilé". L'universitaire algérienne présente neuf textes de Jean Amrouche, parus entre 1939 et 1950 dans différentes revues, notamment la revue littéraire "l'Arche" qu'il dirigea à Alger puis à Paris dans les années 40, portant sur la poésie kabyle et française aux côtés de réflexions sur l'identité africaine ainsi qu'une enquête journalistique sur la situation sociale et politique en Tunisie. "Ces textes par leur originalité méritent d'êtres connus du public car ils constituent de véritables outils d'analyse pour comprendre la pensée de Jean Amrouche entre 1930 et 1950. Pensée dominée par le souci de rendre au mieux la passion de Amrouche pour la littérature française sans renoncer pour autant à la littérature de son pays" écrit Tassadit Yacine en préface de l'ouvrage. Les textes présentés apportent, de fait, un éclairage sur la "crise existentielle" vécue par Jean Amrouche, due, ainsi que le démontre l'universitaire, à sa situation de "sans patrie" et d' "exilé" dans le milieu littéraire français, en dépit de ses nombreuse amitiés avec des écrivains comme André Gide ou Paul Claudel. S'appuyant sur des textes comme la préface au "Chant berbère de Kabylie" (1939), "Pour une poésie africaine" (Préface à des chants imaginaires, 1942), Tassadit Yacine affirme que le poète tentera de dépasser cette situation en proposant des réflexions sur "la place que devrait occuper la création africaine dans la république des lettres". Jean Amrouche exprime dans ces textes son attachement à la poésie ancestrale, qualifiée de "bien de famille", en lien avec la figure de la mère et l'identité berbère, mais aussi avec la quête spirituelle qui lui était propre, ainsi qu'il le développe dans "L'exil intérieur et la foi de l'artiste" (1939). Il développe également des réflexions sur le "génie africain" dans "L'Eternel Jugurtha" (1946), analysant chez cette figure historique, élevée ici au rang d'archétype, la "passion pour l'indépendance" chez "Le Jugurtha" (l'homme d'Afrique du nord). Le recueil de Tassadit Yacine permet aussi de mieux cerner l'engagement politique de Jean Amrouche, à travers notamment le texte de préface à "Algérie", publié en 1945 en Suisse. Dédié à "Zohra, Hafid et Mohammed Regui, coupables de la révolte contre l'humiliation et la misère, assassinés à Guelma dans la nuit du 17 mai 1945", ce denier recueil sera frappé de censure en France. L'engagement de Jean Amrouche en faveur des plus démunis transparaît également dans l'enquête journalistique, réalisée en 1947 pour le journal "Combat", dirigé par Albert Camus, dans laquelle il rencontre des responsables syndicaux tunisiens et évoque la situation des ouvriers sous le protectorat français en écho à celle des Algériens. L'ouvrage est également agrémenté de photos de Jean Amrouche à différentes périodes de sa vie, notamment une prise à Tunis entre 1958-1959 avec des membres du Fln (Front de Libération nationale). Jean Amrouche avait servi d'intermédiaire entre le Gle De Gaulle et le Fln et le GPRA (Gouvernement provisoire de la Révolution algérienne) lors de premiers contacts secrets et informels à partir de 1958. Né le 6 février 1906 à Ighil Ali (Béjaïa), Jean El-Mouhoub Amrouche est l'auteur de plusieurs recueils de poésie dont "Cendres", "Etoile secrète" et "Chant Berbère de Kabylie" ainsi que d'un essai paru en 1946 intitulé "L'éternel Jugurtha". Journaliste littéraire, il est également l'auteur de plusieurs entretiens radiophoniques avec des écrivains comme Paul Claudel, Jean Giono ou André Gide. Ces émissions sont compilées par l'universitaire française Réjane Le Baut dans un livre paru, en 2012, aux éditions du Tell et intitulé "Jean El-Mouhoub Amrouche, Lumières sur l'âme berbère par un homme de la Parole". Pour rappel, Jean Amrouche a rendu l'âme le 16 avril 1962 à Paris.