Les Bourses mondiales seraient elles au bord du crash ? Il semblerait bien qu'on s'achemine vers une crise d'envergure. Il est vrai qu'on est loin de vivre un second mardi noir, il en reste néanmoins que les places financières ont été sérieusement secouées par la crise des subprimes (les crédits hypothécaires américains), situation qui fait craindre des répercussions sur l'économie mondiale. Il est vrai qu'après d'excellentes performances boursières au début de l'été, un retournement du sentiment du marché et d'importantes pertes ces dernières semaines ont amené les analystes à s'interroger: la chute des Bourses, particulièrement forte ces derniers jours, marque-t-elle le début d'un revirement de tendance ou une simple correction? La première alerte est venue en juillet d'une banque américaine, Bear Stearns, qui a annoncé des pertes considérables et reconnu avoir des difficultés dans ses investissements dans les crédits immobiliers à risque. L'annonce de pertes par d'autres banques et fonds d'investissements a rapidement conduit à ce qui a été appelé "la crise des subprimes". Les crédits "subprime" sont des prêts immobiliers accordés à des particuliers peu solvables, et donc extrêmement risqués. Après plusieurs années de croissance des prix et de crédits bon marché, le marché immobilier américain est désormais sur une pente descendante. Cette baisse a entraîné un grand nombre de faillites personnelles, les emprunteurs luttant pour rembourser leurs traites hypothécaires, associées à la valeur de leur maison. Or, plusieurs banques et fonds avaient fait le pari que ces prêts immobiliers seraient normalement remboursés. Ils avaient acheté des montants indéterminés de titres associés aux hypothèques et aux crédits et leurs dérivés. Les incertitudes sur l'étendue de ces investissements expliquent l'instabilité des places financières mondiales, dont les investisseurs attendent de voir qui est concerné. Plusieurs banques au bord de la faillite Jusqu'à présent, des banques en Allemagne, en Australie et au Royaume-Uni ont annoncé des pertes, et plusieurs fonds ont dû fermer. Les dégringolades boursière de jeudi et vendredi ont été provoquées par l'annonce de la banque française BNP Paribas de la suspension de trois de ses fonds exposés aux "subprimes". Par précaution, les banques mettent désormais leurs liquidités de côté pour éviter de nouvelles pertes et sont plus vigilantes sur l'octroi de prêts. Ce phénomène est connu sous le nom de "compression du crédit". Mais la crainte est qu'il ne devienne un "effondrement du crédit" qui empêcherait les entreprises et les particuliers d'emprunter, ce qui pourrait entraîner un ralentissement de la croissance. "Comme les banques du secteur privé, en ces temps d'incertitude, mettent de côté plus de fonds pour leurs propres besoins, nous observons un manque de liquidité sur le marché monétaire", a expliqué l'économiste en chef pour l'Asie de la Société Générale, Glenn Maguire. D'autres victimes de la crise pourraient être les groupes de capital-investissement, qui ont recours à des emprunts considérables pour financer leurs acquisitions et pourraient perdre leurs soutiens bancaires. "Il y a deux choses dont je suis plus ou moins sûr", a déclaré Philippe Waechter, analyste du groupe français Natexis Asset Management. "D'abord, le problème de financement sur le marché immobilier va se poursuivre. Ensuite, il y aura une forte volatilité sur les marchés et pour le moment, personne ne peut dire si le point le plus bas a été atteint". Il semblerait néanmoins que certains analystes restent optimistes insistant sur le fait que les banques les banques font face à des "temps difficiles", mais leur solidité n'est pas fondamentalement en danger. "Nous attendons des temps difficiles", a averti l'agence de notation Standard and Poor's (SP) vendredi.Pour autant, "l'exposition des banques européennes aux obligations liées aux prêts subprimes aux Etats-Unis et la volatilité actuelle sur les marchés ne devraient pas détériorer de manière significative" la solidité financière des banques européennes, ajoute-t-elle. "Il n'y a pas de crise systémique", renchérit Cyril Regnat, stratège obligataire chez Natixis. Mais il est "vraisemblable que les banques dans le monde voient leurs profits diminuer cette année, alors que les opérations de rachat par endettement", très lucratives pour les banques, vont diminuer, sans compter les pertes éventuelles sur les marchés de crédits immobiliers. Olivier Gasnier, économiste chez Société Générale, remarque que les valeurs financières pourraient d'ailleurs rebondir fortement en Bourse "si dans quelques jours on se rend compte qu'il y a pas de rapport entre les pertes sur les marchés et la situation des banques". Le problème est ailleurs. Les banques ont souvent sorti de leur bilan leurs créances liées aux subprimes en les "titrisant", c'est-à-dire en émettant des obligations risquées et à fort rendement. Beaucoup ont été souscrites par des "hedge funds". Des incertitudes demeurent donc sur l'exposition de ces fonds spéculatifs, qui pèsent lourd sur les marchés financiers et sont de gros emprunteurs bancaires. Les Banques centrales en alerte Ces inconnues ont rendu les investisseurs extrêmement nerveux. Ils vendent massivement les titres liés au secteur financier et se replient sur des valeurs sûres comme les obligations, tandis que les titres plus risqués ne trouvent plus preneur. D'où une attrition de la liquidité et une augmentation des coûts de financement pour les banques. Pour pallier une crise de liquidité, plusieurs Banques centrales ont injecté des liquidités dans le circuit financier. La Banque centrale européenne (BCE) est intervenue massivement jeudi et vendredi, injectant près de 156 milliards d'euros sur le marché monétaire, un record. La Réserve fédérale a suivi, à quatre reprises en deux jours avec 62 milliards de dollars), sans oublier les mesures prises par la Banque du Japon et la Banque du Canada. L'ampleur de ces interventions, destinées à calmer les marchés, a paradoxalement inquiété certains investisseurs, qui y ont vu un signe que la situation est peut-être plus grave qu'elle ne le paraît. Ils retiennent aujourd'hui leur souffle. Comme le remarque Morgan Stanley, "cela pourrait prendre des semaines avant de connaître la véritable ampleur du problème. Entre-temps, les banques centrales pourraient être amenées à réinjecter des liquidités". Voire à assouplir leur politique monétaire. Les économistes s'attendent en tout cas à des implications négatives dans le reste de la sphère économique, même si elles ne devraient pas être "dramatiques", conclut la banque suisse UBS.