Pour The New York Times, le retrait partiel consenti par le président américain n'est qu'une mascarade. Bush n'a qu'un objectif : gagner du temps et léguer à son successeur le fardeau de la guerre. Les Américains espéraient avoir enfin cette semaine des explications franches et des perspectives claires à propos de l'Irak. Ils ont eu à droit à deux interminables journées d'audition du commandant en chef des forces américaines en Irak David Petraeus devant le Congrès, suivies de longues heures de conférences de presse, et à un discours prononcé depuis le bureau Ovale, le tout noyé sous une avalanche de chiffres. Mais, rien de franc, rien de clair. Tous les écrans de fumée du monde ne suffiraient pas à cacher cette vérité : Bush n'a aucune stratégie pour mettre fin à cette guerre désastreuse et pour endiguer le chaos qu'il a créé. L'affirmation du président selon laquelle la situation en Irak s'est à ce point améliorée qu'il peut accepter la "réduction" des troupes en Irak, préconisée par ses généraux, est une véritable mascarade. L'armée n'a de toute façon pas les moyens de maintenir les 30 000 hommes envoyés en renfort au-delà de la mi-2008 sans affaiblir sérieusement ses capacités opérationnelles. Avant même ce discours, les victoires politiques et militaires annoncées par le général Petraeus et par Ryan Crocker, l'ambassadeur américain à Bagdad, étaient démenties par la brutale réalité irakienne. Le seul petit espoir de succès politique - un consensus entre Irakiens sur une loi portant sur le partage des revenus du pétrole - s'est envolé. Puis vint la nouvelle de l'assassinat du chef tribal sunnite de la province d'Al-Anbar [voir ci-dessous] dont la décision de combattre aux côtés des Américains avait servi de preuve à Bush afin de démontrer que le vent était en train de changer sur le champ de bataille. Les commentaires vont aller bon train dans les jours qui viennent à propos de la "nouvelle stratégie" de Bush, comme cela a toujours été le cas après chacun de ses discours sur la guerre. Pourtant, s'il y avait une nouvelle stratégie, cela se saurait. Si Bush avait une nouvelle stratégie, il aurait expliqué au peuple américain comment il comptait impliquer les pays voisins de l'Irak pour trouver une solution. En janvier dernier, en annonçant l'envoi de troupes supplémentaires, Bush s'était également engagé à "exploiter toutes les ressources diplomatiques afin de rallier les nations dans tout le Moyen-Orient". Le monde attend toujours. Une véritable stratégie pour mettre fin à cette guerre aurait été que le gouvernement irakien soit véritablement tenu de s'engager dans la voie de la conciliation politique. Il aurait aussi fallu faire comprendre aux dirigeants irakiens qu'ils ne pourront pas toujours compter sur la protection indéfectible des Américains. Si le président voulait vraiment en finir avec cette guerre, au lieu de menacer la Syrie et l'Iran, il essaierait de les persuader des risques, pour eux, d'une désintégration de l'Irak. Il demanderait également de l'aide aux dirigeants britanniques, français et allemands pour engager de véritables négociations. Peut-être, alors, la promesse de Bush d'endiguer les flux d'hommes et d'armes en provenance d'Iran et de Syrie ne sonnerait-elle pas aussi creux. Une fois encore, il est évident que Bush refuse de reconnaître son échec en Irak et qu'il envisage un engagement militaire sans fin. Le Congrès doit maintenant utiliser ses pouvoirs pour faire éclater la vérité et exiger un véritable changement de stratégie. Mais les chefs démocrates, toujours aussi obsédés par les sondages, ne proposent plus d'imposer une date butoir pour le retrait des troupes et se contentent d'avancer quelques idées bricolées dont le seul but semble être de permettre au président de gagner du temps. Les candidats à la présidentielle ont, eux aussi, le devoir de s'impliquer davantage sur la question de l'Irak. Quelques démocrates ont commencé à parler dans le détail de la façon dont ils mettraient un terme au conflit, mais il n'incombe pas uniquement aux critiques de la guerre de faire ce travail. Les candidats républicains, comme Rudolph Giuliani et John McCain, qui se plaisent à réitérer leur soutien au président et à se cacher derrière l'armée, doivent également expliciter leur vision.