En fin de compte, l'arrivée des Frères musulmans en Egypte n'aura servi à rien et toute personne ayant cru à la stabilité de ce pays après la chute du président Hosni Moubarak, s'estime avoir été leurrée par les promesses des islamistes. Et voilà que l'Armée égyptienne, pour l'intérêt de cette nation, vient de pousser le bouchon un peu loin. Dans un geste qui pourrait changer l'équation politique, l'armée a menacé de revenir fortement au premier plan de la vie politique, en cas de poursuite de l'absence d'un consensus entre les différentes parties et belligérants de cette crise. Une réaction à prendre très au sérieux tant l'ultimatum adressé principalement au président Morsi lui intime l'ordre de satisfaire les " demandes du peuple ". En rejetant implicitement cette demande, la présidence égyptienne affirme que " la déclaration des forces armées n'a pas été soumise au président ", avant sa diffusion et contient "des signes pouvant causer la confusion". Le principal parti politique de l'opposition, le FSN, qui a fait descendre les manifestants dans la rue, dans un communiqué rendu public hier, se dit déterminé, " à construire un Etat démocratique, civil et moderne. Nous faisons confiance à la déclaration de l'armée, reflétée dans son communiqué de lundi”. Répondant aux accusations des partisans du président Morsi, l'opposition affirme que " demander à M. Morsi de démissionner n'est pas contraire aux règles démocratiques ", expliquant qu'il est réclamé le départ du chef de l'Etat parce qu' " aucune des revendications de la révolution n'a été réalisée ". La multiplication des acteurs, l'adversité entre politiques de tout bord sont désormais des facteurs de division et de tensions qui vont enfoncer l'Egypte dans une " glaise " où elle s'englue au quotidien. Les différences et les divergences entre les Frères musulmans au pouvoir et les autres tendances politiques sont telles qu'on imagine mal un enthousiasme unanimiste pouvant sortir le pays de cette crise. Tous ces " accrochages " le sont en raison précisément des profondes divergences de vues qui sont exprimées sur le projet national à mettre en place dans une Egypte de plus en plus soumise à un " arsenal " de règlementations et de normes qui semblent, à l'appréciation de la majorité des citoyens de ce pays, de " mauvaise foi " et entravent jusqu'ici la pratique de la démocratie en contradiction avec l'esprit de la révolution ayant fait partir le président Hosni Moubarak. L'échec du gouvernement du président Morsi est évident si l'on croit Sophie Pommier, professeur à l'IEP Paris et spécialiste de l'Egypte. Il estime que les Frères musulmans au pouvoir peuvent essayer de lâcher du lest. "Si Morsi s'en va et que la confrérie des Frères musulmans rend les clés de la maison, elle s'expose à un retour de bâton. Donc, il doit y avoir une tentation d'aller au bout du bout chez les Frères musulmans. D'une manière générale, ils ont des réflexes de forteresse assiégée et de crispations vu ce qu'ils ont à perdre. Ils ont le sentiment que s'ils cèdent, ils sont fichus. C'est un peu une logique de tout ou rien ", explique-t-il. A travers toutes ces analyses, le président Morsi est de plus en plus isolé, avec notamment, la démission de six membres du gouvernement dont le ministre des Affaires étrangères à qui il faut ajouter, le ministre de la Défense en raison de l'ultimatum qu'il vient d'adresser. Encore mieux, le ministre de l'Intérieur a publié un communiqué où il dit qu'il se rangeait du côté du peuple et des manifestants, et qu'il était pour les revendications du peuple et leur réalisation. Désormais, le président Morsi est en face d'un mouvement de désobéissance civile qui s'étend chaque jour.