Des silhouettes, à peine perceptibles, s'activent au milieu des vastes champs de blé de la région d'Ain-Boucif (sud-est de Médéa), recouverts d'une épaisse poussière, provoquée par le ballet incessant des moissonneuses-batteuses. Bravant la chaleur caniculaire de ce mois de juillet, et la soif qui noue leurs entrailles, une poignée d'hommes, des quinquagénaires pour la plupart, sont engagés dans une véritable course contre la montre. Ils savent qu'ils doivent terminer la moisson, le plus tôt possible, s'ils veulent écourter leur "souffrance" physique, aggravée de surcroît par le jeûne durant le mois sacré de Ramadhan. Les moissonneurs sont éprouvés physiquement, mais sont en effet forcés d'achever ce qu'ils ont commencé, il y a quelques jours de cela, pour ne pas voir leur labeur partir en fumée, à cause d'un malencontreux incendie de récolte, ou voir leur récolte dévorée par les campagnols. La coïncidence du mois de Ramadan avec la campagne moisson-battage a altéré quelque peu la volonté de certains céréaliculteurs de cette région rencontrés sur place. Mais, stoïques, tous disent vouloir engranger leurs récoltes en dépit de tous les aléas. Et, passés les premiers jours, tous semblent retrouver le courage et la force qui caractérisent ces rudes paysans, habitués à relever des épreuves de cette nature. Pas question, affirment-ils, de s'attarder encore davantage, sous prétexte de climat ou de jeûne, quand c'est leur avenir et leur argent qui sont en jeu. Certes, la tâche s'avère des plus pénibles, mais au vu de l'enjeu économique et financier, rien ne pourra les inciter à faire marche arrière. "Nous devons, coûte que coûte terminer la moisson, si on veut être parmi les premiers à livrer notre récolte à la CCLS", déclarent des céréaliculteurs de Ain-Ouksir (est de Médéa) ou la campagne moissons-battage bat son plein. Et de poursuivre : "Nous sommes habitués à travailler, depuis des lustres, durant les saisons chaudes et pendant le ramadan, nous avons appris à nous organiser en fonction de ces deux facteurs". Mais, tiennent-ils à préciser, "c'est mentir d'admettre que travailler en plein Ramadan est chose aisée ou à la portée de tout le monde". Ces derniers affirment avoir adopté un rythme de travail qui leur permet de passer cette campagne sans trop souffrir physiquement. Les journées de travail commencent très tôt dans ces régions, humides le soir et très chaudes la journée. Les propriétaires des exploitations agricoles arrivent aux champs, dès les premières lueurs du soleil. Les moissonneuses-batteuses entrent en action, dès que la chaleur commence à se faire sentir. Car, il est hors de question de faire intervenir les machines avant que les épis ne soient vraiment secs et durs. Les propriétaires ne tiennent pas à ce que leurs récoltes soient refusées par les centres de collecte pour cause d'humidité et donc de moisissure du blé, confie-t-on. Dans d'autres régions de la wilaya, comme Beni-Slimane, Berrouaghia, Ksar-el-Boukhari et Djouab, des dizaines de moissonneuses-batteuses, équipées de cabines climatisées, exécutent un ballet assourdissant au milieu des vastes champs de céréales, au grand bonheur des propriétaires, ravis du bon déroulement de la campagne. Un ballet qui commence vers huit heures trente du matin, et qui ne cesse qu'aux alentours de midi, moment où exploitants et travailleurs saisonniers s'accordent un repos à l'abri de la chaleur. Les champs s'animent, à nouveau, après la prière de l'Asr. La récolte de la journée est chargée, durant les quelques heures qui précèdent la rupture du jeûne, sur des camions et des tracteurs affrétés auprès de particuliers en vue de son acheminement vers les centres de collecte. Certains exploitants préfèrent s'acquitter de cette tâche, durant la soirée, quand la température est plus clémente. Les chargements de blé se font sous la lumière des projecteurs des engins, et dans une ambiance assez particulière. Les longues journées de moissons ne prennent fin, en cette période de Ramadhan, qu'à une heure très tardive. Si le ramassage des bottes de paille s'étalent sur plusieurs jours, dans le cas où les conditions climatiques le permettent, la livraison de la récolte doit s'opérer, par contre, le jour même. D'ailleurs, de nombreux céréaliculteurs sont contraints de passer, parfois, la nuit devant le portail des centres de collecte en raison de l'arrivée massive des camions de livraison. Une épreuve supplémentaire que certains prennent du bon côté, alors que d'autres trouvent injustifié de prolonger leur attente, d'autant qu'ils ont reçu des assurances de la part des responsables des centres de collecte quant à l'amélioration des conditions de prise en charge des producteurs.