Jacques Verges un géant du barreau qui disparait, est mort, avant-hier, à l'âge de 88 ans. Selon un communiqué des éditions Pierre-Guillaume qui avaient publié ses mémoires en février dernier " De mon propre aveu-Souvenir et rêveries ", Verges est mort d'un arrêt cardiaque vers 20h00 dans la chambre de Voltaire, précisément quai Voltaire à Paris, alors qu'il s'apprêtait à dîner avec ses proches. Un lieu idéal pour le dernier coup de " théâtre " que devait être la mort de cet " acteur-né", car à l'instar de Voltaire, il cultivait l'art de la révolte et de la volte-face permanentes. Les réactions sont nombreuses après cette annonce pour lui rendre hommage. Un très brillant avocat, une grande culture, très courageux et très indépendant, mais aussi très narcissique, un provocateur. Né le 5 mars 1925,(mais un an plutôt selon une biographie) à Ubon Ratchathani, en Thaïlande, d'un père français de la Réunion et d'une mère vietnamienne, morte lorsqu'il avait trois ans, Jacques Vergés a été à la pointe des luttes anticolonialistes. Prenant pour cibles l'Etat, la société ou la Justice pour défendre une cause autant qu'un client, cet avocat médiatique et narcissique, fin lettré, petit et rond aimait " provoquer " et déstabiliser ". La liste de ses clients aussi médiatisés que lui était impressionnante. Il a notamment défendu la cause algérienne, l'OLP de Yasser Arafat, le Front Polisario, le nazi Klaus Barbie, le dictateur serbe Slobodan Milosevic, des dirigeants africains, le révolutionnaire Carlos ou le khmer rouge Khieu Samphan, mais aussi les membres des mouvements d'extrême-gauche européen (Fraction armée rouge, Action directe) mais aussi des activistes comme le libanais George Ibrahim Abdallah. Il a été aussi disposé à défendre le dirigeant libyen Khadhafi. Il y a aussi parmi ses clients la famille Boulin, la fille de Marlon Brando, le capitaine Barril, le jardinier marocain Omar Raddad, le tueur en série Charles Sobrhraj. Mais aussi le " révolutionnaire Carlos. (Carlos a même dit au juge d'instruction qu'il avait choisi Vergés parce qu'il était " plus dangereux " qui lui. Vergés avait apprécié. " C'est un homme extrêmement courtois. Je pense que c'est un hommage : le combat des idées est un combat aussi dangereux que celui des bombes Il s'engage à 17 ans dans les Forces françaises libres, à Londres. Démobilisé, il s'inscrit au PCF, devient président de l'association des étudiants coloniaux et rencontre celui qui deviendra Pol Pot, Khmer rouge et futur dirigeant du Cambodge. Puis Vergés séjourne à Prague de 1951 à 1954, avant de rentrer à Paris fin 1955 et d'y suivre de brillantes études d'avocat. Très engagé dans la guerre d'Algérie, il devient l'avocat du FLN et quitte le PCF en 1957, le jugeant " trop timide " sur ce dossier. Dans les années 60, il épouse en secondes noces, la militante Djamila Bouhired, après l'avoir sauvée de la peine de mort. Il embrasse ensuite le maoïsme en créant le périodique " Révolution " et soutient le Front De Libération populaire de la Palestine.
Le FLN le rebaptise " Mansour " Le mois d'avril 1957 est un tournant. Me Vergés, qui n'a que dix-huit mois d'expérience lorsqu'il est appelé en Algérie pour défendre une jeune militante du FLN, Djamila Bouhired. " Entre les Algériens et moi, ce fut le coup de foudre ", avait-il indiqué. Avec Djamila aussi. La jeune poseuse de bombe est condamné à mort, puis graciée, mais Vergés invente sa fameuse " défense de rupture " : '' n'y a rien à attendre de la connivence des avocats avec des magistrats qui ne représentent que l'ordre colonial. Le verdict étant certain, il faut faire du procès une tribune''. Vergés crache son mépris pour une justice qu'il récuse, et finalement, accuse ses accusateurs. Son courage et son insolence lui valent un an de suspension du barreau, mais pour le FLN, c'est un héros, il est rebaptisé " Mansour ", le victorieux. Le FLN l'envoie au Maroc, où il devient conseiller du ministre chargé des Affaires africaines, et quand l'Algérie accède à l'indépendance, le voilà converti à l'Islam et citoyen d'honneur de la jeune République.