L'ancien secrétaire américain au Trésor, Larry Summers, qui a créé la surprise en se retirant, avant-hier soir, de la course à la présidence de la Banque centrale américaine, a plié sous les critiques, laissant la porte ouverte à la nomination de Janet Yellen, première femme à ce poste. Dans une lettre datée de dimanche sur papier à en-tête de l'université d'Harvard et adressée à Barack Obama, l'ancien président de la prestigieuse université écrit au président: "c'est à mon grand regret que j'ai compris que mon éventuel processus de confirmation (devant le Congrès) serait acrimonieux et ne servirait ni l'intérêt de la Réserve fédérale, ni celui du gouvernement ni même ceux de la reprise économique de notre nation". "J'ai parlé avec Larry Summers et j'ai accepté sa décision de retirer son nom de la candidature à la présidence de la Réserve fédérale", a indiqué pour sa part M. Obama dans un communiqué. "Larry était un membre clé de mon équipe au moment où nous faisions face à la pire crise économique depuis la Grande Dépression, et c'est pour une part non négligeable grâce à sa compétence, sa sagesse et ses qualités de dirigeant que nous avons remis l'économie sur la voie de la croissance et réalisé les progrès que nous constatons aujourd'hui", a ajouté le président Obama. Le Wall Street Journal a indiqué que M. Summers et le président avaient évoqué la décision au téléphone. Lawrence Summers, 58 ans, qui a été principal conseiller économique du président Obama pendant sa campagne électorale et ses deux premières années à la Maison Blanche, était vu comme le candidat favori de la Maison- Blanche face à Janet Yellen, 66 ans, l'actuelle numéro deux de la Banque centrale, pour succéder à Ben Bernanke à la tête de la Fed. Mais l'économiste réputé, dont on vante l'intelligence mais dont on craint le caractère abrupt, avait suscité de vives critiques et l'opposition d'élus. Dans la lutte d'influences qui opposait les camps des deux candidats, on a reproché à M. Summers ses liens étroits avec Wall Street et son action en faveur de la dérèglementation financière dans les années 90. Avant cette annonce coup de théâtre, la banque Citigroup a fait d'ailleurs savoir dimanche que M. Summers ne travaillait plus pour elle en tant que consultant depuis qu'il était considéré comme candidat à la présidence de la Réserve Fédérale. Quatre élus démocrates de la Commission bancaire du Sénat, qui doit conduire l'audition du candidat désigné par la Maison blanche, ont affirmé qu'ils ne voteraient pas pour l'ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton, ce qui promettait une confirmation difficile, que M. Summers qualifie dans sa lettre "d'acrimonieuse". L'ancien secrétaire au Trésor aurait eu alors besoin de votes d'élus républicains pour obtenir la majorité à la Commission. Dans les journaux, les tribunes se sont multipliées pour plaider contre la nomination de M. Summers, jugé trop proche des marchés financier à l'heure où la réforme de la règlementation bancaire commence lentement à s'appliquer. La semaine dernière, plusieurs dizaines d'éminents professeurs d'économie ont signé une lettre ouverte au président Obama soutenant Janet Yellen, l'actuelle vice-présidente de la Fed. Figuraient parmi eux le prix Nobel de l'économie Joseph Stiglitz, les conseillères économiques de l'administration Clinton, Alice Rivlin, Christina Romer et Laura Tyson, ainsi que la présidente de l'Institut de recherche politique pour les femmes, Heidi Hartmann. Ce retrait de M. Summers laisse en toute logique la porte ouverte à la nomination par Barack Obama d'une femme pour la première fois, à la tête de la Réserve fédérale américaine, souvent considéré comme le deuxième poste de dirigeant le plus puissant aux Etats-Unis. Un troisième nom toutefois a été cité dans la liste des candidats en la personne de Donald Kohn, 70 ans, ancien vice-président de la Fed. Le mandat de l'actuel président Ben Bernanke s'achève le 31 janvier.