L'Etat fédéral américain a été mis au chômage technique mardi matin pour la première fois depuis 17 ans, ce qui devait affecter des centaines de milliers de fonctionnaires, faute d'un accord sur le budget au Congrès. Malgré d'intenses tractations et une soirée d'aller-retour entre le Sénat à majorité démocrate et la Chambre des représentants dominée par les républicains, aucun projet de loi de finances n'a pu être adopté à temps pour le début de l'exercice budgétaire 2014, qui a commencé à 00H00 mardi (04H00 GMT). La Maison- Blanche a donc ordonné peu avant minuit aux agences fédérales de déclencher la cessation partielle de leurs activités, à laquelle elles s'étaient préparées. Barack Obama avait tenté une ultime intervention lundi, en avertissant qu'une paralysie de l'Etat fédéral aurait "des conséquences économiques très réelles pour des gens dans la vraie vie, et tout de suite". "Ils l'ont vraiment fait", a déploré le président dans un tweet peu après minuit. Le président a promulgué lundi soir une loi garantissant aux militaires qu'ils seront payés à temps quoi qu'il arrive. L'échec du Congrès marque la culmination de 33 mois d'un bras de fer continu sur le budget entre les démocrates et les républicains, qui ont repris le contrôle de la Chambre en janvier 2011 après l'élection de dizaines d'élus du Tea Party. Du département de la Défense à l'Agence de protection de l'environnement, tous les services fédéraux sont sommés de réduire immédiatement leurs effectifs au minimum vital, parfois à seulement 5% de leur personnel. La sécurité nationale et les services essentiels sont exemptés. Mais environ 800 000 fonctionnaires jugés non essentiels, sur plus de deux millions, auront quatre heures mardi matin pour se présenter à leurs bureaux, ranger leurs affaires, annuler leurs réunions et rentrer chez eux. Jusqu'à ce que le Congrès s'accorde pour allouer des crédits finançant les agences fédérales. L'un des impacts les plus visibles sera observé dans le secteur du tourisme. La totalité des parcs naturels du pays, géré par le National Park Service, dont les immenses parcs Yosemite et le Grand Canyon, et les musées Smithsonian de Washington, n'ouvriront pas leurs portes au public mardi matin. En avril 2011, le président Barack Obama s'était rendu au Lincoln Memorial de Washington au lendemain d'un accord in extremis pour financer les opérations gouvernementales. Cette fois, le monument restera fermé.
"Obamacare" La cessation des opérations gouvernementales a déclenché une tempête politique, chaque camp accusant l'autre d'intransigeance. "C'est une honte que ces gens, élus pour représenter le pays, finissent par représenter le Tea Party et les anarchistes", a tonné Harry Reid, chef de la majorité démocrate. "Nous en sommes là car le président et les démocrates du Sénat voulaient ce résultat depuis le début", a écrit le républicain Ted Poe sur Twitter. Mais certains admettaient que l'opinion rejetterait la faute sur les républicains. Ceux-ci "vont être perçus comme ayant bloqué et provoqué la cessation des activités de l'Etat fédéral", a déclaré lundi soir le sénateur John McCain. La raison du blocage s'appelle "Obamacare", le surnom de la réforme du système de santé de Barack Obama. Les républicains exigeaient que tout accord budgétaire revienne, d'une manière ou d'une autre, sur cette loi emblématique du premier mandat de Barack Obama, votée en 2010. A partir de mardi, des millions d'Américains démunis d'assurance maladie vont pouvoir s'inscrire sur un site gouvernemental pour demander à bénéficier d'une assurance subventionnée à partir du 1er janvier 2014. Tout Américain devra être assuré à compter de cette date, sous peine d'une pénalité fiscale d'un montant d'abord symbolique (95 dollars en 2014). Cette obligation, validée de fait par la Cour suprême en 2012, est assimilée à un abus de pouvoir de l'Etat fédéral par les républicains, qui ont voté des dizaines de fois pour l'abroger, toujours en vain. Ils pointaient aussi, à raison, que la loi n'était pas tout à fait prête, le gouvernement ayant reconnu que les systèmes informatiques ne seraient pas opérationnels dès le premier jour. A l'heure du déclenchement du "shutdown", qui n'affecte pas les administrations locales des 50 Etats, la Chambre débattait toujours d'une quatrième version de son budget, avec un vote prévu dans la nuit, mais sans espoir de dénouement immédiat. Le Sénat, quant à lui, s'est ajourné jusqu'à mardi 13H30 GMT.