L'Inde a réaffirmé avant-hier avec force sa position sur la sécurité alimentaire. D'intenses consultations menées par le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) Roberto Azevedo, se sont poursuivies à Bali pour sauver la conférence d'un fiasco. En fin de soirée à Nusa Dua, les ambassadeurs sont rentrés à leur hôtel se coucher. "Aucune communication ne sera faite encore aujourd'hui. Il faut attendre vendredi", a confié un ambassadeur africain. "Des consultations très sérieuses ont été menées par le directeur général Roberto Azevedo. Il y a davantage d'optimisme ce soir", a-t-il dit, contredisant d'autres voix plus sceptiques. En attendant le dénouement, l'Inde a réaffirmé jeudi avec force en public sa position sur la sécurité alimentaire. Vedette incontestable de la conférence, le ministre indien du Commerce Anand Sharma a fait salle comble à la mi-journée (5h00 du matin en Suisse) et répondu pendant une heure aux questions pour expliquer la position de son pays.
Mieux vaut pas d'accord "Mieux vaut ne pas avoir d'accord qu'en avoir un mauvais. Un compromis reviendrait à sauver l'OMC, au détriment des centaines de millions de nécessiteux visés par nos programmes d'aide alimentaire", a déclaré le ministre. Et d'insister: "Je ne suis pas venu ici pour négocier un accord, ni pour mendier une clause de paix, mais pour défendre l'agriculture de subsistance". La sécurité alimentaire est un "droit inaliénable, inscrit dans plusieurs textes des Nations unies", a-t-il affirmé. L'espoir d'un sauvetage in extremis réside dans un assouplissement de la position des Etats-Unis et de leurs partenaires sur la clause de paix, limitée à quatre ans dans le texte sur la table, et destinée à permettre à l'Inde de réaliser son programme d'achats publics de céréales sans risquer une plainte devant l'organe de règlement des différends de l'OMC, puis des sanctions commerciales. Le ministre indien a exigé une révision de l'accord sur l'agriculture du cycle de l'Uruguay. "Nous voulons corriger les distorsions passées qui ont faussé le développement des pays les plus pauvres", a déclaré Anand Sharma. L'Inde veut relever le prix de référence fixé par les accords du cycle de l'Uruguay et datant des années 1986 à 1988, plus bas que les prix actuels et servant à déterminer le degré acceptable des achats publics limités à moins de 10% du total de la production agricole. "Nous demandons à ce que ces prix soient enfin réévalués", a fait savoir le ministre indien. Il a affirmé que l'Inde n'est pas isolée, mais soutenue par des pays (non précisés) représentant plus de 70% de la population mondiale.
Tour de passe-passe Le ministre indien a suggéré une solution de compromis en se livrant à un tour de passe-passe sémantique. "Dans le dictionnaire, le mot intérimaire ne s'accompagne pas de la notion de temps", a-t-il affirmé. Il faisait allusion à la proposition d'autoriser l'Inde à soutenir son agriculture pendant une période intérimaire de quatre ans (clause de paix), avant un règlement définitif. L'Inde refuse cette période de quatre ans, en estimant (sans doute à bon escient selon des experts) qu'il sera impossible d'ici là de réformer les règles de l'OMC sur la boîte verte (qui autorise les subventions des pays industrialisés ne provoquant pas de distorsion des échanges) et la boîte orange. Pour Anand Sharma, le terme d'"intérimaire" sans limite de temps est synonyme de "permanent". Il a cherché à rassurer les pays hostiles à la nouvelle loi indienne sur la sécurité alimentaire. Non seulement les pays exportateurs agricoles, mais le Pakistan, craignent que les céréales subventionnées sur le plan intérieur se retrouvent ensuite sur les marchés internationaux à des prix plus bas que ceux du marché défiant toute concurrence. A cette question du risque de dumping, le responsable de New Delhi a assuré qu'à la seconde où cette marchandise "venait à atteindre un port pour trouver le marché libre, les responsables seraient immédiatement conduits en prison". Une assurance qui n'a guère convaincu l'assistance, d'autant que l'Inde a exprimé ses réserves sur les mesures de transparence exigées en même temps que la clause de paix par ses partenaires commerciaux.
Briefing suisse reporté Dans l'attente d'un résultat, positif ou négatif, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann a repoussé son briefing quotidien à la presse et aux ONG helvétiques présentes à Nusa Dua à vendredi matin. Des délégués ont indiqué que sur les points en suspens dans le dossier de la facilitation du commerce, des progrès ont été réalisés. "Il s'agit de problèmes mineurs", a affirmé un diplomate.