«C'est maintenant ou jamais», a lancé le directeur général de l'OMC, le Brésilien Roberto Azevedo, à l'ouverture de la conférence ministérielle de Bali, souvent perçue comme une «réunion de la dernière chance». L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a entamé hier sur l'île indonésienne de Bali une réunion cruciale visant à arracher un accord sur la libéralisation des échanges, après une décennie de paralysie qui menace jusqu'à la pertinence même du groupement. Malgré des mois de pré-négociations à Genève, aucun compromis n'a en effet été atteint sur une ébauche d'accord qui aurait pu être soumis aux ministres à Bali, faisant douter de la possibilité de débloquer les discussions paralysées depuis le lancement en 2001 au Qatar du Programme pour le développement de Doha (PDD). Le PDD, également appelé «Cycle de Doha», vise à réduire les barrières au commerce mondial afin de doper l'économie et créer des dizaines de millions d'emplois, selon les experts. Mais les objectifs fixés au Qatar sont restés lettres mortes depuis douze ans et les quatre précédentes conférences ayant suivi Doha ont toutes échoué: Cancun en 2003, Hong Kong en 2005 puis Genève en 2009 et 2011. «Il faut que nous en finissions ici. Un accord est possible», a estimé Roberto Azevedo. «Si nous échouons, cela ne sera pas seulement le paquet de mesures de Bali qui sera perdu. Ce qui est en jeu, c'est le multilatéralisme lui-même», a souligné le nouveau directeur, qui a déployé des efforts désespérés pour réanimer des négociations moribondes, et ainsi faire mieux que son prédécesseur français Pascal Lamy, à qui il a succédé en septembre. Un nouvel échec à Bali pourrait bien sonner le glas des négociations multilatérales sur l'ouverture du commerce, à l'heure où se multiplient les traités régionaux, comme entre l'Union européenne et le Canada par exemple. «Ce serait un résultat tragique», a lâché M. Azevedo, soulignant qu'une OMC «affaiblie laisserait place à la loi de la jungle. Ceux qui souffriraient le plus seraient les plus faibles et les plus vulnérables». Il faut saisir la chance «de reconstruire la crédibilité» de l'OMC, a répondu comme en écho le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono (SBY) lors de son discours d'ouverture de la ministérielle. La ministérielle achoppe en effet sur l'épineuse question de la sécurité alimentaire. Les 46 pays en développement du «G33» voudraient accroître leurs subventions aux produits agricoles afin d'aider leurs fermiers et nourrir à bas prix les plus pauvres, mais cela est actuellement sévèrement limité par l'OMC, car considéré comme une forme de dumping. Le gouvernement indien, à la pointe de ce combat, a réitéré sa fermeté dans le domaine. Les Etats-Unis, fervents opposants, ont proposé un compromis qui consisterait à offrir une «clause de paix» de quatre ans, le temps de trouver une solution durable, selon laquelle aucune sanction ne serait recherchée contre les pays qui dépassent le plafond de subventions pour un programme de sécurité alimentaire. Mais Delhi et le G33 exigent une solution plus permanente. Le «paquet de Bali», qui représente moins de 10% des ambitions affichées à Doha, reste donc suspendu à la possibilité d'un compromis avec l'Inde. «C'est une question de volonté politique. La décision est entre les mains des ministres», a lâché M. Azevedo.