La neuvième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) s'ouvre mardi à Bali (Indonésie) dans la confusion. De l'avis des diplomates, un accord est possible, mais rien n'est joué d'avance. Alors que les ministres arrivent dans l'enclave touristique de Nusa Dua, au sud de Denpasar, la capitale de l'île indonésienne, le porte-parole de l'OMC Keith Rockwell a précisé lundi les enjeux en affirmant qu'"il s'agit d'une des conférences les plus importantes depuis la création de l'organisation". "Si un accord est conclu cette semaine à Bali, ce sera le premier depuis les accords de Marrakech du cycle de l'Uruguay il y a près de 20 ans", déclare-t-il aux journalistes. "Une grande majorité de pays veut un accord. Nous sommes très près, nous pouvons le faire", affirme M. Rockwell. Il reconnaît en même temps "pas mal de confusion" à la veille de l'ouverture des travaux. Questionné sur les positions des uns et des autres, il répond: "comme vous, j'ai lu différentes interprétations". L'INDE ACTEUR-CLE Dans le hall de l'hôtel Grand Hyatt, l'ambassadeur d'Argentine croise l'ambassadeur de Suisse Remigi Winzap. "Et alors, où en est-on?", demande le diplomate argentin. Pas mal de questions tournent autour de la position du ministre indien du commerce Anand Sharma. Après avoir dit oui à un accord sur l'agriculture, l'Inde, un acteur-clé de la réunion, a durci son attitude. Depuis, on s'interroge. Le directeur général de l'OMC Roberto Azevedo, après avoir reconnu la semaine dernière l'impasse à Genève, et admis qu'il est très difficile de négocier au niveau des ministres avec 159 pays, a affirmé que les points encore en suspens sont limités et bien précis. Selon le patron de l'OMC, avec un engagement fort au niveau politique, un accord est possible au terme de la conférence, vendredi. PAS DE PLAN B "Il n'y a pas de plan B", précise M. Rockwell. Il avertit que si la conférence de Bali échoue, il est très improbable que l'OMC puisse conclure un accord dans les prochains mois, et même ces prochaines années. C'est donc un quitte ou double pour l'OMC et le système commercial multilatéral. Selon des estimations, un accord pourrait accroître les exportations des pays en développement de 570 milliards de dollars par an et celles des pays développés de 475 milliards. Il ouvrirait également la voie à d'autres négociations dans le cadre de l'OMC. Dans une déclaration publiée lundi à Bali, le G33 (46 pays en développement), a exprimé sa déception face à l'impasse des travaux à Genève. Le groupe présidé par l'hôte de la conférence, le ministre indonésien du commerce Gita Wirjawan, souligne l'importance d'obtenir un accord sur la sécurité alimentaire ainsi qu'un engagement sur la réduction des subventions aux exportations agricoles des pays industrialisés. UNE MACHINERIE COMPLEXE "C'est important que l'on réussisse, mais ce n'est pas joué d'avance", a déclaré à l'ATS l'ambassadeur Remigi Winzap, avant l'arrivée mardi à Bali du conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann. "C'est une machinerie complexe qui peut gripper en différents points", confie-t-il. Si un pays important bouge sur une position, cela peut entraîner un effet en chaîne sur les autres points des trois dossiers en discussion, l'agriculture, le développement et la facilitation du commerce. Plus d'une centaine de pays, dont la Suisse, membres du groupe dit des modérés et "amis du système" ont lancé à la veille de la conférence un appel à conclure un accord. Mais les grands acteurs, soit l'Inde, le Brésil, la Chine, les Etats-Unis, et des pays réticents comme l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Pakistan et un groupe de pays latino-américains (Cuba, Equateur, Bolivie, Venezuela, Nicaragua) n'y ont pas adhéré. L'ambassadeur de Suisse souligne qu'un accord à Bali aurait une portée économique "beaucoup plus importante" que les accords de libre-échange bilatéraux que la Suisse peut conclure en dehors de l'OMC. Ce n'est qu'après l'ouverture officielle de la conférence par le président indonésien, mardi à 15h00, que les négociations reprendront au niveau des chefs de délégation. La conférence réunit 2800 délégués gouvernementaux de 159 pays, 700 membres de 346 organisations non gouvernementales et près de 500 journalistes, selon le secrétariat de l'OMC.