Une carte de l'armée française de 1960, déclassifiée en 2013, montre que les retombées radioactives du premier essai nucléaire français dans le Sahara algérien ont été beaucoup plus importantes que celles admises à l'époque, s'étendant à toute l'Afrique, à l'ouest et au sud de l'Europe, selon un document publié avant-hier par " Le Parisien ". "Pour la première fois, le peuple découvre l'étendue exacte des retombées nucléaires radioactives des essais aériens réalisés par la France au Sahara algérien", écrit le journal. Cette carte, que dévoile “Le Parisien”, montre que loin de rester cantonnées au Sahara, les retombées des essais nucléaires français ont recouvert toute l'Afrique du Nord et même subsaharienne. On constate, aussi, que 13 jours après le tir de la première bombe aérienne française, la fameuse "Gerboise bleue", des retombées radioactives atteignent les côtes espagnoles et recouvrent la moitié de la Sicile (Italie). Se fondant sur les données du document qu'il a publié, " Le Parisien " souligne que les normes de radioactivité induite par ces essais ont "nettement été dépassées" Dans certains endroits, comme à Arak, près de Tamanrasset où l'eau était fortement contaminée, mais, aussi dans la capitale tchadienne N'Djamena, alors que dans les documents classés "Secret-défense", les militaires français assuraient que ces normes étaient "généralement très faibles". "Sauf que les normes de l'époque étaient beaucoup moins strictes que maintenant et que les progrès de la médecine ont démontré depuis, que même à de faibles doses, la radioactivité peut déclencher, dix, vingt, ou trente ans plus tard de graves maladies", commente Bruno Barillot, spécialiste des essais nucléaires, dans sa synthèse des documents déclassifiés, dont l'APS a obtenu une copie. "La carte de zonage des retombées de 'Gerboise bleue' montre que certains radioéléments éjectés par les explosions aériennes, tel l'iode 131 ou le césium 137 ont pu être inhalés par les populations malgré leur dilution dans l'atmosphère", explique Bruno Barillot, ajoutant que personne, aujourd'hui, n'ignore que ces éléments radioactifs sont à l'origine de cancers ou de maladie cardio-vasculaires. Ce spécialiste a dénoncé, par ailleurs, le fait que pour l'instant le fonctionnement de reclassification "n'est pas satisfaisant" et qu'"il faut réformer l'accès à ces informations si on veut connaître la vérité". "Malgré la déclassification de quelques documents, depuis 2013, dont le contenu semble avoir échappé aux censeurs de la Commission consultative, il faut noter la frilosité du ministère de la Défense dans sa politique de déclassification des documents, encore couverts par le 'Secret-défense ', (à) et qui ne doit pas faire illusion", a noté Bruno Barillot. Il s'agit avant tout, a-t-il dit, au travers des documents sélectionnés par les autorités militaires, de "justifier le discours tenu depuis plus d'un demi-siècle sur les essais 'propres', sur 'la quasi -innocuité' sanitaire des retombées radioactives, et sur les essais souterrains 'parfaitement contenus'". "Le tout étant couronné par un système dit 'd'indemnisation des victimes des essais nucléaires' qui rejette la quasi-totalité des dossiers au prétexte que le risque encouru" par les victimes était "négligeable", a-t-il ajouté.