Une rencontre entre Manuel Valls, Arnaud Montebourg et le patron du géant américain est attendue aujourd'hui, alors que le gouvernement s'est invité dans le dossier d'une possible reprise d'une grande partie du fleuron industriel français Alstom par le géant américain General Electric, affichant sa vigilance patriotique. La réunion entre le Premier ministre, son ministre de l'Economie et Jeffrey Immelt, le patron de GE doit se tenir en fin de journée dimanche à Paris, ont indiqué deux sources proches du dossier. Une clarification était aussi attendue du côté d'Alstom. Son cours de Bourse a été suspendu toute la séance vendredi, à la demande de l'Autorité des marchés financiers (AMF), dans l'attente de la publication d'un communiqué par le groupe dirigé par Patrick Kron. Celui-ci a simplement confirmé aux organisations syndicales que le groupe était en discussion pour une opération industrielle, mais a démenti avoir reçu une offre de rachat de GE. Un conseil d'administration était prévu ce vendredi, mais n'est pas propre à ce sujet, selon les propos rapportés du P-DG français aux syndicalistes. Selon plusieurs sources proches du dossier, les discussions portent sur le rachat par General Electric des activités liées à l'énergie d'Alstom (équipements pour centrales thermiques, lignes à haute tension, énergies renouvelables, soit les divisions Power et Grid). Soit plus de 70% des activités et un chiffre d'affaires de 14 milliards d'euros, mais pas la division ferroviaire avec ses métros et ses trains, dont l'emblématique TGV. Dès les premières révélations par l'agence de presse Bloomberg mercredi soir concernant un projet de reprise, les analystes avaient souligné le caractère politiquement sensible du dossier: qu'allait dire Paris du possible passage sous pavillon américain d'un géant industriel français, présent dans des secteurs stratégiques ? La réponse est finalement venue vendredi du ministre de l'Economie et du Redressement productif, Arnaud Montebourg . Le gouvernement travaille à d'autres solutions et éventualités que celles imaginées seules et sans que le gouvernement n'en ait été informé par Alstom, a tancé le ministre chargé de l'industrie dans une déclaration au Monde. Alstom est le symbole de notre puissance industrielle et de l'ingéniosité française, a fait valoir M. Montebourg, dans Le Monde. Dans ce dossier, le gouvernement exprime une préoccupation et une vigilance patriotiques.
Patriotisme économique La France a toujours construit ses outils industriels, les a défendus, les a d'ailleurs parfois engagés dans des alliances très constructives avec des partenaires qui ne sont pas européens. Donc c'est le rôle d'un Etat et l'Etat jouera son rôle, a indiqué le ministre lors d'un déplacement à Bordeaux. L'entourage du ministre n'a pas souhaité faire de commentaire sur les spéculations autour de scénarios alternatifs, comme des rapprochements avec d'autres groupes français (Areva, Safran...) voire l'allemand Siemens. Selon son entourage, M. Montebourg avait déjà eu une discussion franche jeudi soir avec M. Kron. Ce dernier avait ensuite été convoqué à l'Elysée où il avait été reçu par le conseiller de François Hollande, Emmanuel Macron. Pour l'Etat, Alstom est un sujet d'importance: s'il n'est plus actionnaire depuis 2006, il a été l'artisan de son sauvetage et de sa survie en 2003-2004, alors qu'Alstom était au bord de la faillite. Déjà à l'époque, Paris avait bataillé, avec Bruxelles principalement, pour éviter un dépeçage. L'opération suivrait aussi le mariage récent avec des groupes étrangers d'autres fleurons français, comme Publicis/Omnicom dans la publicité et Lafarge/Holcim dans le ciment. De son côté, le sénateur MRC du Territoire-de Belfort -- où une usine Alstom est un maillon fort de l'économie locale--, Jean-Pierre Chevènement a demandé au Premier ministre de faire valoir aux actionnaires et aux dirigeants des groupes concernés qu'un transfert de propriété est hors de question entre Alstom et General Electric. Environ la moitié des 18 000 employés d'Alstom en France travaillent pour les divisions liées à l'énergie. Dans le monde, plus des deux tiers des effectifs totaux d'Alstom (environ 93 000 personnes) sont concernés par ces activités. Si la carte du patriotisme économique s'avérait décisive, General Electric peut se targuer de sa forte implantation en France, avec 11 000 employés et un siège régional à Belfort, après le rachat en 1999 d'activités à... Alstom. L'assise industrielle et financière du géant américain permettrait également de régler les problèmes de taille critique insuffisante d'Alstom, alors que le groupe français connaît de nouveau d'importantes difficultés. Son activité énergie est notamment pénalisée par le manque d'investissements dans les infrastructures électriques en Europe. Ainsi que par les flux de trésorerie négatifs d'Alstom, ses cash-flow, qui inquiètent les marchés. Quant à GE, qui se détourne de sa branche financière GE Capital, il accentuerait son virage stratégique vers l'industrie. D'autant que le groupe a un trésor de guerre colossal, notamment situé dans ses filiales hors des Etats-Unis. C'est un projet industriel qui peut avoir du sens, a commenté vendredi le commissaire européen aux Marchés intérieurs et aux Services, Michel Barnier.
Le P-DG confirme aux syndicats des discussions sur une opération industrielle Le patron d'Alstom Patrick Kron a confirmé aux organisations syndicales que le groupe était en discussion pour une opération industrielle, mais a démenti toute offre de rachat du géant américain General Electric (GE), a-t-on appris de sources syndicales. Un comité de groupe européen s'est réuni à Paris ce matin, a indiqué Didier Lesou (CFE-CGC, premier syndicat). A cette occasion, le P-DG Patrick Kron a parlé aux organisations syndicales européennes et a dit: " il n'y a pas d'OPA de General Electric sur Alstom ". Il a précisé qu'Alstom était en discussion sur une opération industrielle, mais sans dire de qui il s'agissait. Il n'a jamais prononcé le nom de GE, a-t-il insisté. Selon le syndicaliste, M. Kron a précisé qu'il devait voir avec son conseil d'administration. Un CA était prévu ce vendredi, mais n'est pas propre à ce sujet a précisé le P-DG, selon M. Lesou. Patrick Maillot délégué syndical central CFDT a fait état d'informations similaires. Notre P-DG nous a dit qu'il y avait des discussions sur une future opération industrielle, mais sans nous dire avec qui, a-t-il indiqué. La seule chose qu'il nous a dit, c'est que ça pouvait aller très vite et qu'il n'avait reçu aucune offre d'achat de qui que ce soit, a ajouté M. Maillot, disant espérer qu'il n'y ait pas du tout de démantèlement d'Alstom. Mercredi soir, l'agence de presse Bloomberg, avait indiqué que GE était en discussion avancée pour racheter Alstom pour plus de 13 milliards de dollars. Le fleuron industriel français, connu du grand public pour ses TGV, mais aussi notamment présent dans les équipements de centrales électriques, et qui emploie 18 000 personnes en France, avait affirmé peu après ne pas avoir été informé d'une offre de rachat.
Implications politiques Le possible rachat du groupe Alstom, fleuron industriel français, par l'américain General Electric relance la question du patriotisme économique mais traduit aussi l'attractivité des entreprises hexagonales dans l'économie mondialisée, observaient des économistes. Selon l'agence de presse Bloomberg, qui cite des sources proches du dossier, un rachat d'Alstom par GE, qui aurait proposé plus de 13 milliards d'euros, pourrait être annoncé dès la semaine prochaine. Pour plusieurs analystes, cette perspective aurait des implications politiques dans la mesure où Alstom est présent dans une activité jugée stratégique comme le nucléaire, et aussi dans les TGV, mais le profil de General Electric, un grand acteur américain déjà bien présent en France apparaît moins problématique qu'un acheteur venant d'un pays émergent. Alstom opère dans des secteurs stratégiques, donc tout accord nécessiterait une sorte de " bénédiction " de l'Etat français, estimaient les analystes de Morgan Stanley dans une note jeudi. Mais pour leurs homologues de Barclays, le récent accord entre Peugeot et Dongfeng montre que les temps ont changé en France et un tel deal (Alstom-GE) serait peut-être plus acceptable qu'il y a quelques années. La question des marchés du nucléaire, où la France met aujourd'hui en avant son savoir-faire national dans l'ensemble de la filière, est évoquée. Si vous voulez vendre une centrale aux Chinois, vous avez aujourd'hui une offre franco-française EDF/Areva/Alstom et demain vous aurez une offre franco-américaine, explique Pierre Boucheny, analyste chez Kepler Chevreux. Mais GE est un acteur important en France, une société qui a pignon sur rue. C'est un acteur politiquement correct, ajoute cet analyste. Ce qui est dangereux pour un pays développé, c'est de perdre sa technologie et ça dépend qui rachète, souligne l'économiste Marc Touati. Or, General Electric est une entreprise qu'on connaît et qui est déjà très bonne technologiquement.
Pour résister : être plus fort Solidement implanté en France, General Electric y est présent dans une vingtaine de grandes villes. Ses trois principaux sites de production sont situés à Belfort, dans l'est de l'Hexagone (GE Energy), à Buc en région parisienne (GE Healthcare) et au Creusot, dans le centre du pays (GE Oil&Gas). General Electric France est présidée par Clara Gaymard, également vice-présidente de GE International et épouse d'Hervé Gaymard, ancien ministre de l'Agriculture (2002-2004) puis de l'Economie et des Finances (2004-2005). Au-delà du cas particulier, l'opération envisagée est aussi vue à l'échelle de la mondialisation. La bonne nouvelle, c'est que nos entreprises sont de bonne qualité et donc attirent les investisseurs étrangers.
La mauvaise nouvelle c'est que malheureusement, celles qui sont rachetées n'ont pas les reins assez solides pour résister à ces achats de l'étranger, estime Marc Touati. A court terme, on est content parce que ça ramène du cash en France, mais à moyen terme on perd notre indépendance économique et surtout il y a un risque de réduction de la croissance et de l'emploi en France avec un risque de voir les investissements futurs se faire à l'étranger, ajoute-t-il. Pierre Boucheny s'interroge aussi: si le marché est difficile, peut-être que GE pourrait être tenté de faire porter l'effort de restructuration à Belfort plutôt que sur ses usines. Le sort de Péchiney, autre fleuron de l'industrie française, champion de l'aluminium absorbé par le canadien Alcan lui-même racheté en 2007 par l' anglo-australien Rio Tinto avec à la clé des plans sociaux et des fermetures d'usines, a laissé un petit peu de traces dans l'esprit des responsables politiques en France, rappelle-t-il. Pour Marc Touati, le seul moyen de résister, c'est qu'il faut des groupes français plus forts, plus puissants, avec un meilleur financement, avec une économie française plus compétitive. On est dans un monde ouvert et agir une fois qu'un grand groupe veut acheter un groupe français, c'est quasiment trop tard, estime-t-il. Ce qu'il faut c'est agir avant sur les conditions de croissance. Il s'est notamment inquiété du risque sérieux de perte d'un centre de décision et du nombre d'emplois perdus ou créés dans de telles opérations alors que son action vise à renforcer les industries présentes sur le territoire français.
Un projet qui peut faire sens Le commissaire européen aux Marchés intérieurs et aux Services, Michel Barnier, a estimé avant-hier qu'un éventuel rachat d'Alstom par le groupe américain General Electric (GE) pouvait faire sens, dans un marché jugé trop restreint pour se développer seul. C'est un projet industriel qui peut avoir du sens mais on voit bien aussi qu'un des problèmes d'Alstom, sa branche énergie, c'est que son marché est trop restreint, a commenté M. Barnier à l'antenne de RMC. Si nous avions un vrai grand marché de l'énergie, peut-être que la branche électrique d'Alstom aurait la surface nécessaire pour se développer sans avoir besoin de faire un partenariat avec General Electric, a-t-il souligné. Le groupe français connu du grand public pour ses TGV, mais qui est aussi notamment présent dans les équipements de centrales électriques, s'est contenté d'affirmer dans un communiqué qu'il n'était pas informé d'une offre de GE. Quant à Bouygues, son principal actionnaire, Bouygues, qui détient environ 29% du capital d'Alstom et qui, selon Bloomberg, soutiendrait l'opération, n'a fait que renvoyer au même communiqué. GE n'a, lui, pas fait de commentaire. Selon Le Figaro, GE ne s'intéresserait en réalité qu'aux actifs liés à l'énergie, soit environ 70% de l'activité, et délaisserait le transport ferroviaire. Toujours selon le journal, une offre boursière n'est pas prévue, mais juste une vente des actifs. Le marché européen de l'électricité a été chahuté par la crise économique.
Alstom suspendu à la Bourse Après s'être envolé jeudi sous l'effet de ces rumeurs de rachat, le titre Alstom était suspendu avant-hier matin à la Bourse de Paris, à la demande de l'Autorité des marchés financiers (AMF). La valeur est suspendue à la demande de l'AMF jusqu'à nouvel avis, a indiqué une porte-parole d'Euronext, l'opérateur de la place parisienne. L'AMF, dont le rôle est de réguler les marchés français, n'était pas immédiatement disponible pour expliquer cette décision. L'action Alstom avait bondi après les rumeurs de rachat diffusées dans la presse, pour prendre 10,93% à 27 euros à la clôture du marché parisien. Alstom, qui connaît actuellement des difficultés, intéresse son concurrent General Electric même si le constructeur français de TGV assure ne pas être informé d'une offre de rachat. Selon l'agence de presse Bloomberg, qui citait jeudi des sources proche du dossier, un rachat d'Alstom, connu du grand public pour ses TGV, mais qui est aussi notamment présent dans les équipements de centrales électriques, pourrait être annoncé dès la semaine prochaine pour un montant avoisinant 13 milliards de dollars. Selon le quotidien Le Figaro, GE ne serait toutefois intéressé que par les actifs liés à l'énergie, soit 70% de l'activité du groupe, et non par la branche transport ferroviaire. Alstom a renvoyé à la publication, le 7 mai, de ses résultats annuels et d'un point sur les perspectives de ses différentes activités.
Chevènement écrit à Valls pour empêcher un transfert de propriété Le sénateur MRC du Territoire-de-Belfort, Jean-Pierre Chevènement, a demandé au Premier ministre de faire valoir aux actionnaires et aux dirigeants des groupes concernés qu'un transfert de propriété est hors de question entre Alstom et General Electric. Des rumeurs de rachat global du groupe français par le géant américain General Electric ont semé le trouble jeudi, le gouvernement temporisant vendredi en annonçant qu'il travaillait à d'autres solutions et affichant sa vigilance patriotique. “Je vous demande instamment, Monsieur le Premier ministre, de bien vouloir faire valoir aux actionnaires et aux dirigeants des groupes concernés que ce transfert de propriété est hors de question. A travers les marchés publics, l'Etat a les moyens de se faire entendre”, écrit le président d'honneur du Mouvement Citoyen et Républicain (MRC). Il demande une prompte intervention de Matignon, faisant valoir que la reprise de la branche énergie d'Alstom porterait un coup fatal à l'indépendance de notre filière électronucléaire. Elle signifierait l'abandon par la France d'un des derniers pans de son industrie d'équipement. Le sénateur du Territoire-de-Belfort, où l'usine Alstom est un des maillons forts de l'économie locale, poursuit : “Le groupe américain a déjà repris en 1999 la branche +turbines à gaz+ quand Alstom a choisi de reprendre les turbines à gaz fabriquées en Suisse. Ce fut une énorme erreur à laquelle Alstom a failli ne pas survivre.” Il fait valoir que General Electric, s'il a dans un premier temps développé ses fabrications à Belfort, tend aujourd'hui à relocaliser une part de ses fabrications aux Etats-Unis, ce qui correspond, semble-t-il, aux orientations données par le Président Obama. Comme l'observe le journal les Echos, la fuite des centres de décision est dramatique : lorsqu'on mesure pleinement les conséquences, comme à la guerre il sera trop tard pour livrer bataille, conclut-il.
SP abaisse la note à BBB- L'agence de notation financière Standard and Poor's (S&P) a annoncé avant-hier qu'elle abaissait la note long terme du groupe Alstom d'un cran à BBB-, estimant qu'un contexte de marché difficile pèse sur les paramètres financiers du groupe. En passant de BBB à BBB-, la note se situe désormais à la frontière de la catégorie des émetteurs à caractère spéculatif. Elle est assortie d'une perspective stable, signifiant que S&P n'envisage plus de la modifier à moyen terme. L'agence estime dans un communiqué que les marchés d'Alstom vont rester mous dans les deux à trois ans à venir, ce qui va tempérer les bénéfices du groupe et sa capacité à améliorer son profil de risque de crédit par rapport aux niveaux des deux dernières années. Elle a en conséquence revu le profil de risque de crédit d'Alstom d'intermédiaire à significatif. Selon l'agence, le groupe devrait publier un cash-flow (flux de trésorerie) opérationnel négatif pour son exercice annuel 2013/14 se terminant en mars, conformément aux prévisions de la direction. S&P table également sur un bénéfice d'exploitation inférieur à ses précédentes prévisions pour les deux prochaines années. La performance d'Alstom a souffert d'une activité commerciale molle dans l'énergie, sa division la plus importante, affectant à la fois la prise de commandes et les ventes, selon S&P. L'agence table en revanche sur des résultats solides dans le transport dans les deux prochaines années. Sur les neuf premiers mois de l'exercice écoulé (à fin décembre), Alstom a publié un chiffre d'affaires en baisse de 1%, l'effet défavorable des taux de changes ayant plus que compensé la croissance organique, rappelle S&P. L'agence de notation ajoute que la perspective stable attribuée à la note reflète le fait que le contrôle des coûts et le programme de cession d'actifs lancé par Alstom en 2013 devrait permettre (au groupe) de conserver des bénéfices et une génération de trésorerie stables et d'éviter une détérioration de ses paramètres de crédit dans les 24 mois à venir. Standard and Poor's avait assorti la note d'Alstom d'une perspective négative en mai 2012.