La chancelière allemande Angela Merkel a apporté son soutien explicite à la candidature de Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne, pour la première fois depuis l'élection européenne de dimanche, dans un discours prononcé à Ratisbonne (sud de l'Allemagne). L'ancien Premier ministre luxembourgeois était la tête de liste du Parti populaire européen (PPE) et ce parti est devenu la première force politique. C'est pourquoi je mène désormais toutes les discussions précisément dans l'esprit que Jean-Claude Juncker doit devenir le président de la Commission européenne, a déclaré la chancelière, alors qu'elle était restée ambiguë depuis dimanche sur la succession de José Manuel Barroso. Elle a cependant aussitôt rappelé que les dirigeants de l'UE avaient confié au président du Conseil, Herman Van Rompuy, la tâche de mener des consultations sur le sujet et jugé qu'il restait du temps pour prendre une décision. La nomination de M. Juncker est contestée par plusieurs chefs de gouvernement. Ces discussions doivent être menées avec beaucoup de soin. La minutie est plus importante que la rapidité. D'ailleurs on a encore un peu de temps, a-t-elle dit, dans son discours prononcé à l'occasion des Journées catholiques à Ratisbonne, en Bavière, où elle était invitée à parler de l'Europe. Il faut aller vite, a au contraire estimé vendredi le secrétaire d'Etat français aux affaires européennes Harlem Désir, à l'issue d'une réunion des ministres des Affaires étrangères ou des Affaires européennes réunis à Athènes. Il a affirmé qu'un règlement rapide des questions de personnes faisait consensus au sein de l'UE. Mme Merkel, dont le pays envoie le plus grand nombre de députés (96) au Parlement européen en raison de son poids démographique, avait été critiquée cette semaine par des médias allemands pour ne pas avoir soutenu clairement M. Juncker, pourtant le candidat de sa famille politique, les conservateurs du PPE. Ce parti a remporté 213 sièges sur 751 au Parlement européen. Son candidat avait donc revendiqué le poste dès dimanche soir. Mais il doit pour cela obtenir une double majorité : celle des chefs d'Etat et de gouvernement et au minimum 376 voix au Parlement. Or M. Juncker se heurte à la franche hostilité de plusieurs dirigeants conservateurs qui le jugent trop européen ou le considèrent comme un homme du passé. Ces dirigeants hostiles sont le Premier ministre britannique David Cameron mais aussi, selon plusieurs sources européennes, le Hongrois Viktor Orban, le Suédois Fredrik Reinfeldt, le Néerlandais Mark Rutte ou le Finlandais Jyrki Katainen, dont le nom est par ailleurs cité pour le poste. Lundi, au lendemain de l'élection, Mme Merkel, qui tient à ne pas froisser M. Cameron, avait souligné que ni les socialistes, ni les conservateurs ne réunissaient suffisamment de voix par eux-mêmes pour former une majorité. En tant que membre du PPE, j'ai soutenu Jean-Claude Juncker comme candidat à la présidence de la Commission. (...) Mais je suis obligée de respecter les traités européens, avait-elle déclaré mardi, en rappelant qu'il était hors de question que le choix soit imposé par le Parlement. Angela Merkel doit participer les 9 et 10 juin à un mini-sommet en Suède, avec les chefs de gouvernement néerlandais, suédois et britannique, tous trois hostiles à M. Juncker. C'est très clair : les Européens veulent Juncker comme président, a affirmé dans un éditorial vendredi le quotidien populaire Bild, le plus lu d'Allemagne. Le journal a averti que la démocratie se transformerait en farce si on allait chercher un candidat qui ne faisaient pas partie de ceux qui se présentaient à l'élection. C'était peut être possible en RDA ou dans une république bananière d'extrême droite. Mais pas dans l'UE, a estimé le quotidien, dans une allusion au fait que Mme Merkel a grandi dans l'ex- Allemagne de l'Est communiste. L'attentisme de la chancelière au sujet de M. Juncker était un sujet de conflit avec les sociaux-démocrates du SPD, avec qui elle gouverne au sein d'un gouvernement de grande coalition. C'est bien que la pression publique ait obligé Merkel à changer de cap. Toute autre attitude aurait été une tromperie des électeurs, a réagi vendredi la secrétaire générale du SPD, Yasmin Fahimi.