Les dirigeants européens étaient sous pression, hier, après une poussée historique des europhobes, et vont devoir en tenir compte dans la manière de diriger l'Europe et dans le choix de la future commission. Les chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvent, dès aujourd'hui, à Bruxelles, pour un tour d'horizon consacré notamment à une analyse du scrutin, marqué par un rejet des institutions européennes et des élites nationales au pouvoir. "De nombreux partis populistes, eurosceptiques ou même nationalistes font leur entrée au Parlement européen. Dans certains pays, peut-être pas autant qu'on le craignait. Mais la France est naturellement un signal grave avec le Front national", a estimé, hier, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, à la télévision allemande. Le Premier ministre français, Manuel Valls, a réagi en se disant "convaincu que l'Europe peut être réorientée pour soutenir davantage la croissance et l'emploi, ce qu'elle ne fait pas depuis des années". Au lendemain des élections boudées par plus d'un électeur européen sur deux, le Parlement européen est plus que jamais fragmenté. Le Premier ministre britannique, David Cameron, s'est toujours montré hostile au fait que le Parlement puisse choisir le prochain président de la Commission européenne. La victoire en Grande-Bretagne des europhobes de l'Ukip de Nigel Farage devrait le conforter dans sa volonté de ne pas laisser la main au Parlement. Interrogé hier au cours d'une conférence de presse pour savoir s'il avait un message pour M. Cameron, le candidat officiel du PPE, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, jugé trop "fédéraliste" par les Britanniques, a sèchement répondu : "Je ne me mets à genoux devant aucun dirigeant. J'ai gagné les élections." Mais la chancelière allemande, Angela Merkel, considérée plus que jamais comme la seule patronne de l'Europe, n'a jamais manifesté un grand enthousiasme à l'idée de voir le Parlement et la commission s'affirmer au détriment des Etats. Elle pourrait profiter de la situation pour imposer son ou sa candidate. Hier, Mme Merkel s'est réjouie du "résultat solide" des conservateurs et a affirmé qu'il fallait désormais mener "des discussions" pour nommer un nouveau président de la Commission européenne. Dans sa lettre d'invitation aux dirigeants européens, le président du Conseil européen — l'instance qui représente les Etats européens à Bruxelles —, Herman Van Rompuy, a prévenu qu'il serait "trop tôt pour décider des noms à proposer pour la présidence de la Commission européenne". Mais il ne fait aucun doute que, dans le secret de leur huis clos, les chefs d'Etat et de gouvernement évoqueront de possibles candidats de compromis issus de la gauche libérale ou de la droite sociale. Des noms circulent comme celui de la directrice du FMI, Christine Lagarde, ou de la Première ministre danoise, Helle Thorning-Schmidt. Le traité de Lisbonne, entré en vigueur en janvier 2010, recommande aux dirigeants européens de désigner le président de la commission "en tenant compte des résultats des élections européennes". Le Conseil européen et le Parlement n'interprètent pas cette recommandation de la même manière. Pour le Parlement européen, il était clair que les électeurs étaient appelés à choisir non seulement leur députés mais aussi, indirectement, le futur président de la commission, soit M. Juncker pour le PPE, l'Allemand Martin Schulz pour les socialistes, le Belge Guy Verhofstadt pour les libéraux, l'Allemande Ska Keller pour les écologistes et le Grec Alexis Tsipras pour la gauche radicale. R. I./Agences Nom Adresse email