La présidence française a appelé avant-hier l'américain General Electric et le tandem germano-nippon Siemens/MHI, auquel vient de se rallier un second groupe japonais, à améliorer leurs offres de rachat du pôle énergie d'Alstom, se refusant toujours à trancher entre les prétendants. A l'issue d'une réunion à l'Elysée autour du président François Hollande, qui a duré trois quarts d'heure, en présence notamment du Premier ministre Manuel Valls et du ministre de l'Economie Arnaud Montebourg, la présidence française a rappelé que l'Etat n'avait pour l'heure aucune préférence pour telle ou telle proposition et souhaité que celles-ci s'améliorent. Aujourd'hui, il y a une offre qui est connue et déposée qui est l'offre de General Electric et une offre qui devrait être confirmée dans les prochains jours qui est celle de Mitsubishi associé à Siemens, a-t-on rappelé. Nous n'avons pas de préférence pour telle ou telle proposition. Nous avons des exigences qui sont l'emploi, le maintien de l'activité en France, l'indépendance énergétique. C'est à cette aune-là que nous regarderons les choses, a-t-on ajouté. Notre objectif maintenant c'est de continuer à aider à ce que les propositions s'améliorent pour servir au mieux ces différents objectifs, a indiqué la présidence, précisant qu'une nouvelle réunion dans le même format se tiendrait la semaine prochaine.
L'offre germano-nippone se précise L'allemand Siemens a relancé mercredi la bataille pour le rachat du pôle énergie d'Alstom, en annonçant s'être allié au japonais Mitsubishi en vue d'une éventuelle offre commune, afin de contrecarrer General Electric (GE). Officiellement les géants nippon et allemand n'ont encore avancé aucune offre chiffrée, mais le quotidien japonais Nikkei, bible des milieux d'affaires de l'archipel, a affirmé qu'ils proposaient 7,25 milliards d'euros. Cette offre est inférieure en valeur à celle de GE, qui a déjà proposé 12,35 milliards d'euros pour les activités énergétiques du français Alstom, mais elle concernerait un périmètre plus petit qui exclurait notamment les activités de distribution et transmission d'électricité. Elle serait formulée en deux parties: MHI, associé à son compatriote Hitachi pour l'occasion, proposerait 3,6 milliards d'euros pour les activités de turbines à vapeur d'Alstom, utilisées dans les centrales nucléaires françaises, tandis que Siemens investirait la même somme pour acquérir l'activité de turbines à gaz.
Hitachi entre dans la bataille Selon une source au fait des discussions, l'allemand prévoirait toujours de céder ses activités ferroviaires à Alstom, qui veut se recentrer sur ce secteur jugé plus porteur, quitte à se passer de sa branche énergie qui pèse environ 70% de ses revenus. Un dirigeant de Hitachi a indiqué que le groupe japonais allait participer à l'offre commune de son compatriote MHI et de l'allemand Siemens pour acquérir une partie des activités énergétiques de leur homologue français Alstom. Le chef de la division énergie thermique et nucléaire du conglomérat nippon, Katsumi Nagasawa, a été interrogé lors d'une réunion avec des investisseurs au sujet de l'offre MHI/Siemens, qui atteindrait 7,25 milliards d'euros d'après le quotidien Nikkei. Hitachi a été informé et nous pensons que c'est une offre intéressante, a-t-il répondu. Cette proposition vise à contrer la volonté de l'américain General Electric (GE) de mettre la main sur l'ensemble de la division énergétique d'Alstom, pour 12,35 milliards d'euros. Le Nikkei avait rapporté plus tôt dans la journée que MHI comptait s'associer à Hitachi afin de proposer 3,6 milliards d'euros pour acheter les activités de turbines à vapeur d'Alstom, utilisées dans les centrales nucléaires françaises, tandis que Siemens investirait la même somme pour acquérir l'activité de turbines à gaz. Nous allons coopérer avec Mitsubishi Heavy Industries (MHI) dans l'énergie thermique, a ajouté M. Nagasawa sur ce point. Les deux entreprises ont déjà créé le 1er février une filiale commune, Mitsubishi Hitachi Power Systems (MHPS), pour développer, fabriquer et vendre des turbines, chaudières et autres moyens requis dans les centrales thermiques ou géothermiques. La participation de Hitachi peut surprendre sur le papier car il est parallèlement partenaire de longue date de GE dans le domaine des réacteurs nucléaires, mais cette alliance pourrait être remise en cause au profit de MHI selon la tournure que prendra le secteur, d'après des observateurs.
Droit de veto Mais l'arrivée des Japonais dans la bataille pour Alstom bouleverse déjà la donne pour la conquête de ce géant hexagonal, considéré comme stratégique par les plus hautes autorités de l'Etat. General Electric fait le siège des autorités françaises pour obtenir leur feu vert depuis qu'il a formalisé fin avril son offre pour racheter les activités d'énergie d'Alstom, élaborée secrètement avec le fabricant de TGV et de centrales électriques. Il a décidé de la prolonger de trois semaines, jusqu'au 23 juin, pour convaincre de sa pertinence. Mais Siemens, qui a les faveurs du ministre de l'Economie Arnaud Montebourg, veut empêcher son concurrent américain de devenir trop puissant en Europe. Il espère faire basculer l'Elysée en sa faveur, grâce au renfort des industriels japonais, qui jugent le secteur énergétique comme prioritaire et sont actifs eux aussi dans le transport ferroviaire. Partisan d'un Airbus de l'énergie, l'exécutif s'est doté d'un droit de veto dans le dossier et exige des garanties sur l'emploi, le maintien des centres de décisions en France et surtout la sanctuarisation de la technologie d'Alstom, dont les turbines à vapeur équipent les centrales nucléaires d'EDF.