Faut-il désespérer ? L'ALgérie est dotée de capacités humaines et naturelles considérables et comme frappé par quelque malédiction, le pays est-il voué à n'être qu'une sorte d'immense machine à consommer de ce qui est produit ailleurs. Pour un ancien cadre dirigeant et expert en transport maritime et logistique, le transfert d'expertise et la formation du personnel naviguant algérien doivent être inclus dans les futurs contrats d'acquisition de 25 navires de marchandises prévus par les pouvoirs publics. Lorsque l'Algérie a commencé à acheter des navires, dans les années passées, elle faisait appel aux équipages étrangers notamment européens pour commander ses navires, et assister, pour une durée, le personnel naviguant algérien, a rappelé Abdenabi Mezara. "Aujourd'hui, il faut renouveler l'expérience et exiger dans les cahiers de charges d'achat de navires des chantiers navals que les cadres qui les commandent restent pour un temps pour transférer leur expérience à l'élite maritime algérienne qui ne demande qu'une mise à niveau", a-t-il estimé dans un entretien à l'APS. Il a recommandé aussi d'encourager l'affrètement coque nue afin de permettre une absorbation du chômage d'équipage. Dans le cadre de cette opération (l'affrètement coque nue), a-t-il poursuivi, le fréteur s'engage, contre paiement d'un loyer, à mettre à la disposition d'un affréteur un navire déterminé, sans armement ni équipement ou avec un équipement et un armement incomplet pour un temps défini. Cet expert a plaidé, entre autres, pour la signature de conventions entre les compagnies maritimes algériennes et l'institut supérieur maritime de Bou Ismail ainsi que les universités pour préparer les futurs jeunes managers de la flotte nationale au lieu de recruter des commandants étrangers pour un salaire minimum d'environ 4.000 euros par mois (plus de 400.000 DA). M. Mezara a suggéré, par ailleurs, la signature d'une convention entre les compagnies maritimes et l'Entreprise nationale de réparation navale (Erenav) pour assurer la maintenance des navires et de créer des entreprises de maintenance légère pour des interventions rapides, ce qui permettra un gain de temps et de coûts et le renforcement de la prévention et de la maintenance. Les chantiers navals étrangers importent les pièces notamment d'Asie ou du constructeur et chiffrent leurs prestations à des prix exorbitants. L'Algérie a perdu des sommes importantes dans ces arrêts techniques, a-t-il fait remarquer. Un observatoire d'analyses de coûts portuaires est nécessaire L'Etat doit reprendre son rôle de régulateur pour protéger l'économie nationale en l'absence de concurrence sur certaines lignes où des armateurs imposent des tarifs excessifs, en créant un observatoire d'analyses de coûts, équivalent à une bourse de fret et de coûts portuaires, a-t-il recommandé. Selon cet expert maritime, il est impératif d'imposer certaines références tarifaires pour réduire les marges bénéficiaires de ces armateurs, ce qui sera profitable pour les importateurs algériens et l'économie nationale. A titre illustratif, "un conteneur débarqué dans les ports méditerranéens est moins cher qu'un conteneur débarqué en Algérie pour la même distance du port de chargement (malgré les coûts élevés de la main-d'oeuvre et de l'énergie), dans ces ports, a-t-il indiqué. Cet ancien cadre dirigeant a évalué les surcoûts d'un conteneur provenant de différentes origines entre 200 et 500 euros, soit un minimum global dépassant le (1) million de conteneurs. "C'est l'équivalent de 250 à 500 millions d'euros/an de surcoûts, de quoi renouveler la flotte algérienne en quelques années et augmenter le nombre des ports secs et les magasins de stockage sous douane en partenariat avec les ports", a-t-il ajouté. M. Mezara a estimé, par ailleurs, que la décision des pouvoirs publics de construire des silos de stockage de céréales est une "bonne initiative" pour assurer la sécurité alimentaire du pays et limiter les surcoûts en surestaries. A titre d'exemple, dans les années 1980, l'Algérie était dans l'obligation d'importer de grandes quantités de céréales pendant une durée limitée en raison de la forte demande et de la chute de leurs prix sur le marché mondial à cette époque. C'est pourquoi, elle a fait appel à des partenaires étrangers propriétaires de silos dont la capacité de stockage et la structure d'accueil portuaire pouvait recevoir des navires "panamax" de 50.000 tonnes pour un transbordement sur les ports algériens avec des navires de capacités moyennes, ce qui a engendré des surcoûts, a-t-il regretté. Cet expert a appelé, entre autres, à accorder la priorité dans l'accostage des navires au pavillon national en lui réservant des quais car les ports algériens sont les ports d'attache des navires algériens. L'économie algérienne est depuis longtemps dans une période de transition. C'est-à-dire que c'est une économie qui repose encore largement sur le secteur des hydrocarbures. C'est aussi une économie qui a un gigantesque potentiel à mettre en œuvre pour l'intégration dans une économie mondialisée du savoir. Il y a des capacités humaines étonnantes, dans le secteur de la recherche qui ne demandent qu'à être employées dans un processus de compétitivité internationale. Donc là encore, il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites et qui ont commencé à être faites. Soyons donc optimistes sur les capacités de développement en Algérie.